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Bluetooth : la liaison radio à portée de main

Née en 1998, la technologie Bluetooth vise à relier par radio les appareils électroniques portables de la vie courante. Ce standard de fait, utilisant l’onde radio à basse fréquence et courte distance, a tous les atouts pour s’imposer dans les réseaux personnels sans fil.

Tenez-vous prêts ! Bluetooth débarque. Les premiers équipements compatibles avec ce standard vont inonder le marché d’ici à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Technologie de communication à onde radio courte distance (10 m pouvant être étendus théoriquement à 100 m), Bluetooth devrait rapidement s’imposer dans l’univers des communications sans fil. À tel point que certains constructeurs proclament déjà la mort de l’infrarouge pour ce type de liaison.

La guerre aux câbles est déclarée

Dans les mois à venir, il risque d’être difficile d’échapper à cette technologie. En effet, l’explosion des téléphones portables WAP, des assistants personnels numériques ou des ordinateurs portables apparaît comme le meilleur allié de la technologie ” à la dent bleue “.En se multipliant en nombre et en genre, ces équipements ont enfanté un étrange paradoxe : alors que de plus en plus de produits nomades apparaissent pour nous simplifier la vie, voici que, finalement, ils viennent nous la compliquer. Jamais autant de câbles n’auront, en effet, été nécessaires pour parvenir à synchroniser les précieuses informations qu’ils contiennent ! Bluetooth apporte une réponse globale à ces problèmes de connectivité. Les dispositifs portatifs ou non comme les ordinateurs, les téléphones et les périphériques de tous types vont pouvoir communiquer aisément entre eux et sans interférences. Le transfert des données et de la voix entre les différents équipements s’effectue via des ondes radio à basse fréquence.Pourtant, il y a trois ans, personne ne connaissait cette technologie. Mais, la nature ayant horreur du vide, Bluetooth en a comblé un. Au début de l’année 1998, un groupe de grandes entreprises d’informatique et de télécommunications, parmi lesquelles Ericsson, IBM, Intel, Nokia et aussi Toshiba, ont mis en chantier un nouveau moyen pour brancher rapidement, facilement et surtout sans fil le plus grand nombre de périphériques à un portable.Afin que de nombreux équipements puissent bénéficier de cette technologie, ces firmes ont constitué un groupement d’intérêt, présenté officiellement le 20 mai 1998. Leur but était de développer une spécification ouverte et gratuite dont le nom de code, Bluetooth, a finalement été gardé. Ce groupement d’intérêt, soucieux de voir se développer les réseaux personnels sans fil, s’est très rapidement élargi, accueillant alors 3Com-Palm, Axis Communications, Compaq, Dell, Lucent Technologies, Microsoft, Motorola, Qualcomm ou Xircom.

L’IEEE prend en marche le train de la standardisation

Si cette structure consensuelle a permis à Bluetooth de se développer rapidement, son hégémonie naissante n’est pas du goût de tous. Et les susceptibilités commencent à se réveiller au sein des organismes de normalisation. Ainsi, l’IEEE, qui édicte les normes dans le domaine des réseaux locaux informatiques, travaille actuellement sur la recommandation 802.15. Celle-ci reprend les fondations de la spécification édictée par le groupement d’intérêt. Les deux standards seront, à en croire les membres du groupe de travail 802.15, compatibles. Cette recommandation assure aussi une parfaite coexistence avec son petit frère, le 802.11, défini pour les réseaux locaux sans fil d’entreprise.Quoi qu’il en soit, deux ans après, plus de deux mille entreprises ont rejoint ce groupement d’intérêt. La plupart des analystes prévoient que plus de 100 millions d’appareils Bluetooth devraient être mis en circulation à la fin de 2002. Plus optimiste, le cabinet Cahners In-Stat mise sur 126 millions d’équipements vendus à cette date. Résolument enthousiaste, Frost and Sullivan estime, pour sa part, que le marché des solutions Bluetooth devrait passer de 92,3 millions de dollars, en 1999 à plus de 53 milliards en 2006. Soit un marché multiplié par 573 en l’espace de sept ans !Si l’adhésion a été instantanée, les travaux de normalisation ont aussi avancé à grands pas. À tel point que la version 1.0 des spécifications Bluetooth est finalisée depuis la fin de 1999.Le concept de Bluetooth est simple : autoriser une communication sans fil, en mode point à point ou point à multipoint, entre différents équipements électroniques (portables ou organiseurs, notamment) dotés de circuits émetteurs-récepteurs. Pour cela, les concepteurs ont associé plusieurs technologies existantes. Pourtant, le résultat ne ressemble à rien de connu. Bluetooth utilise un mode de communication reposant sur une liaison radio à basse fréquence. Celle-ci fonctionne dans la bande 2,4 GHz ISM qui est, en principe, libre de droit.En principe seulement, car, dans les faits, cette bande de fréquences était, dans certains pays, tels que l’Espagne et la France, réservée à des utilisateurs prioritaires tels que l’armée. D’autres États ont, entre-temps, trouvé une solution.Tous les équipements Bluetooth se trouvant dans un rayon de 10 m au maximum (10 cm au minimum) communiqueront alors via des ondes radio. Cette distance pourrait être portée théoriquement à 100 m, pour cela, il faut augmenter la puissance des circuits émetteurs-récepteurs embarqués, ce qui prive les appareils d’une autonomie suffisante.En termes de performances de transmission, Bluetooth dans sa version 1.0 offre une bande passante qui atteint 1 Mbit/s brut. Les équipements Bluetooth disposent de deux types de connexions pour dialoguer : synchrone ou asynchrone. Le débit des connexions synchrones est de 433 kbit/s bidirectionnel, soit près de dix fois plus qu’une connexion analogique classique utilisant un modem 56 kbit/s. De leur côté, les connexions asynchrones optimisent les téléchargements en amont ou en aval : 721 kbit/s dans un sens, et 57,6 kbit/s dans l’autre.Un tel débit permet la transmission d’images ou de vidéos, et bien sûr une connexion à Internet à partir d’un téléphone mobile ou d’une connexion câblée (RTC, RNIS ou LAN). D’ailleurs, Bluetooth est capable de traiter la voix, grâce à trois canaux vocaux synchrones simultanés réservés, véhiculant chacun 64 kbit/s de données. Le mélange voix-données, quant à lui, s’effectue dans un canal offrant une liaison vocale synchrone à 64 kbit/s et une liaison de données asynchrone. Les communications entre deux appareils ” à portée d’ondes ” (à l’instar de Bluetooth) ne limitent pas la communication entre des appareils dits à vue comme c’est le cas de la liaison infrarouge et n’interfèrent pas avec. Un téléphone mobile resté dans une poche et un ordinateur portable non sorti de sa sacoche peuvent ainsi échanger des données. De plus, la communication peut être établie simultanément entre plusieurs équipements.

Des piconets aux scatternets

L’ensemble des appareils dialoguant dans une même zone et utilisant un même canal définissent un espace baptisé picoréseau ou piconet. A l’intérieur de ce dernier, l’un des appareils joue le rôle de ” maître “. Il a pour objectif de contrôler le trafic. Les autres équipements, au nombre de sept au maximum, sont des ” esclaves “. Dès qu’un appareil entre dans un picoréseau, il peut automatiquement communiquer avec les autres équipements qui se trouvent dans le piconet. Cette intégration est totalement transparente et ne nécessite aucun changement de configuration. Chaque usager dispose ainsi de son propre réseau Bluetooth. Mais, pour éviter tout conflit de communication, plusieurs picoréseaux peuvent coexister. Il est possible d’imaginer cinquante appareils présents dans une même pièce créant alors dix picoréseaux différents. De plus, pour éviter toute restriction de communication, les appareils Bluetooth peuvent appartenir à plusieurs picoréseaux simultanément.Un équipement peut aussi parfaitement communiquer avec un appareil appartenant à un autre piconet dans une même zone de couverture. Dans ce cas, où plusieurs piconets se chevauchent, on parle de réseau diffus ou de scatternet. Cette configuration accroît aussi la bande passante disponible. Normalement, les éléments d’un piconet se partagent équitablement le débit de 1 Mbit/s mis à leur disposition. Donc, si cinq appareils transmettent simultanément des données, ils disposent d’un cinquième de la bande passante totale. Maintenant, si ces mêmes appareils établissent plusieurs piconets, ils utilisent à ce moment différentes voies de communication. La bande passante totale en est ainsi artificiellement augmentée. L’autre technique pour accroître la bande passante consiste à incorporer deux émetteurs-récepteurs dans les équipements. Ils créent alors deux picoréseaux pour communiquer entre eux et bénéficient de la bande passante de chacun d’eux (soit potentiellement 2 Mbit/s). Pour appartenir à deux piconets, l’équipement Bluetooth doit forcément connaître le saut de fréquence ainsi que la phase de chacun d’entre eux. La synchronisation s’effectue par le maître de chaque réseau. Toutefois, un équipement peut à la fois être maître dans un piconet et esclave dans un autre. Dans tous les cas, le maître synchronise la phase et la fréquence de chaque esclave. Il contrôle aussi tout le trafic du picoréseau. Les positions ne sont pas figées. Les rôles peuvent s’inverser.

Le saut de fréquence sécurise les transmissions

Pour éviter les collisions et établir la communication, Bluetooth utilise la méthode de l’étalement de spectre par sauts de fréquence. Il reprend en cela une technique déjà employée pour la première norme de réseau local radio 2,4 GHz (IEEE 802.11a). La transmission débute sur une séquence donnée, puis s’établit sur une autre quelques millisecondes plus tard et, cela, n fois successivement et dans des délais très rapprochés…Grâce à ce procédé, les débits sont constants, les interférences sont limitées et la transmission est plus fiable qu’avec les autres technologies radio utilisées dans le réseau local radio (séquence directe). On peut compter jusqu’à 1 600 sauts par seconde d’une durée de 625 µs sur une gamme de 79 canaux répartis sur 1 MHz (de 2,402 GHz à 2,480 GHz). Toutefois, les collisions ne peuvent pas être totalement évitées, surtout lorsque deux picoréseaux essaient d’utiliser le même saut de fréquence simultanément.En fait, cette situation n’entraîne pas de problème majeur. Si un équipement reçoit un paquet destiné à un appareil d’un autre picoréseau, il l’identifiera grâce au code d’accès unique chiffré sur 72 bits qui est placé en tête de la trame, et le rejettera. Des simulations effectuées par les groupes de travail du groupement d’intérêt ont mis en avant la fiabilité de cette solution. Dans un réseau diffus constitué de dix picoréseaux, le transfert des données a subi une dégradation de près de 10 % (lorsque les 79 canaux sont disponibles).Les concepteurs de Bluetooth ont aussi pris en compte les problèmes liés à la sécurité en matière d’authentification et de chiffrement. Cet aspect est primordial, puisque cette technologie est essentiellement réservée aux usagers nomades. La procédure d’authentification repose sur un schéma de challenge-response (défi-réponse). Pour cela, les deux équipements souhaitant dialoguer doivent partager une clé secrète. Chaque appareil est doté d’une clé qui lui est propre et qui est entreposée dans une mémoire vive non volatile. Elle est donc naturellement utilisée lors de la requête défi-réponse et accepte un codage sur 128 bits. Sa longueur est, en fait, variable afin de s’adapter à la législation d’un grand nombre de pays. Une clé de 64 bits devrait ainsi être utilisée majoritairement. L’authentification et le chiffrement sont d’autant plus importants que les données sont stratégiques. Les appareils Bluetooth équipés d’émetteurs-récepteurs créent un réseau fonctionnant en autosuffisance. En clair, chaque itinérant aura son propre réseau. Les données transiteront entre le téléphone portable, l’assistant personnel numérique et l’ordinateur portable se trouvant dans sa sacoche, indépendamment de la position géographique. N’importe qui pourrait alors capter les paquets transmis entre ces appareils si la session d’authentification n’était pas présente. Toutes ces fonctions sont directement codées dans la pile de protocole Bluetooth implantée dans chaque jeu de composants.

L’autonomie, une autre gageure

Pour être vraiment opérationnels, les émetteurs-récepteurs doivent être suffisamment petits, abordables et peu gourmands. Cette dernière contrainte est très forte puisque les équipements accueillants ces composants fonctionnent sur batterie. Un défi de plus… que les constructeurs de composants électroniques ne manqueront pas de relever. Les circuits Bluetooth reposent sur l’intégration aux périphériques mobiles déjà commercialisés de petits transistors radio de faible portée et peu coûteux. Cette opération se réalise soit directement (implantation dans l’ordinateur portable), soit par le biais d’un adaptateur tel qu’une carte PC Card. La spécification Bluetooth définit également la consommation électrique du dispositif, qui devrait passer de 30 µA en veille à une fourchette de 8 à 30 mA (soit moins de 0,1 W) en transmission.Les appareils utilisant Bluetooth ne seront pas pénalisés au niveau de l’autonomie, le (petit) processeur radio (taille : 9 x 9 mm) ne consomme que 30 mA en fonctionnement, ce qui représente moins de 3 % de la puissance requise par un téléphone portable. Sa consommation n’excède pas les 0,3 mA en mode veille. Enfin, toujours dans un souci d’économie, les puces basculent automatiquement en mode faible consommation dès que le volume de trafic s’arrête.Si, pour le moment, les produits Bluetooth sont encore destinés aux technophiles, certains imaginent déjà une généralisation complète de cette technologie, pour créer un vrai monde sans fil. Par exemple, si les voitures de location étaient systématiquement équipées de kits mains libres Bluetooth, l’utilisateur pourrait alors recevoir un appel sur son téléphone mobile – quel que soit le modèle – via le haut-parleur de la voiture qu’il vient de louer. Et pourquoi ne pas envisager aussi le contrôle à distance de la chaîne hi-fi, du chauffage ou de terminaux de vente, par le biais d’un téléphone ? Rendez-vous dans deux ans.

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Xavier Bouchet