Blu-ray et VLC, l’Hadopi « botte en touche » et ne « comprend rien »

Plus d’un an après avoir été saisi, la Haute autorité a rendu un avis qui laisse perplexe et « afflige » Jean-Baptiste Kempf, de VideoLAN. Une réponse en entre-deux qui ne tranche pas la question : VLC est-il autorisé à lire des Blu-ray ?
Saisie le 15 mars 2012, l’Hadopi devait répondre à VideoLAN, l’association qui « édite » le lecteur multimédia libre VLC. La question posée, sous-tendue d’une dizaine de sous-questions, était simple en apparence : VLC peut-il lire les Blu-ray protégés par des DRM et pour cela contourner leurs protections ?
Un an et une profonde affliction

Il aura fallu en définitive plus d’un an pour que la Haute autorité communique une réponse officielle, qui laisse perplexe tant l’Hadopi semble impuissante à trancher le débat. Ce que Jean-Baptiste Kempf, de VideoLAN, commente en des termes mêlant déception et agacement : « Je suis affligé. Ils répondent à peine à la question et la seule réponse qu’ils donnent consiste à paraphraser la loi sans expliquer les points qui sont bloquants. Ils disent grosso modo, on ne comprend pas très bien, demander à Sony. » Et de continuer amer : « si c’était pour répondre ça, ils pouvaient répondre en trois mois… ou en deux heures », avant de se tempérer un peu : « Il y a 39 points dans l’avis, plus de la moitié est consacrée à rappeler la loi et une autre bonne partie reprend ce qu’on leur a expliqué. C’est un peu dommage ».
Botter en touche
En effet, en lieu et place d’une réponse ferme, l’Hadopi avance une solution en deux temps, ce que Jean-Baptiste Kempf qualifie de « bottage en touche ». La Haute autorité propose dans son avis que VideoLAN fasse une demande auprès des titulaires des droits « sur les mesures techniques de protection apposés sur ces disques ». En cas, de rejet, l’association pourra alors à nouveau saisir la Haute autorité « sur le fondement de l’article L.331-32 du code de propriété intellectuelle » et se lancer dans une longue procédure de différend.
Mais aller voir le consortium, dont Sony est le maître à penser et qui détient les droits des DRM du Blu-ray, revient à perdre encore plus de temps pour Jean-Baptiste Kempf. « Ca n’a pas de sens légal et même technique », nous dit-il, « la première chose que va faire Sony et c’est déjà ce qui est écrit dans les licences pour ses DRM, c’est de dire qu’il faut être sous Windows ».
Problématique quand, comme VLC, on est un lecteur alternatif et ouvert à toutes les plates-formes de Linux à Mac OS X en passant, bien sûr, par Windows. Jean-Baptiste Kempf démontre le nonsense de la situation : « On cale déjà sur l’interopérabilité dès le début de la discussion. […] [Pour lire des Blu-ray], il faut HDCP, mais HDCP n’existe que sous Windows », commente, remonté, le porte-parole de VideoLAN.
Une position connue donc qui est à l’origine de la demande de l’association française. « On a justement posé cette question pour savoir ce qu’on pouvait faire et où était le juste milieu. […] Je veux bien aller voir Sony, mais il me dira qu’il ne faut pas être open source, pas être sous Linux, sous BSD ou sous Mac. » Retour au point de départ.

Pas de différend sans réponse
Pour autant, tente-t-on d’objecter, la procédure de différend pourrait être un moyen pour l’Hadopi de se saisir de ce dossier et de trancher. Mais, une fois encore Jean-Baptiste Kempf remet les choses en perspective : « La procédure de différend ne marche pas comme ça. Elle ne fonctionne que sur un point précis d’une DRM précise. Le problème c’est qu’il y a des problématiques générales sur la procédure de différend qui est importante. Par exemple, il y avait une question très simple : est-ce que de nos jours on peut diffuser le code source d’une bibliothèque de DRM sans les clés ou en tout sans ce qu’ils appellent les secrets ? Ils n’ont pas répondu à cette question. » Sans réponse, VideoLAN ne veut pas se lancer dans une nouvelle entreprise chronophage : « Tant qu’on n’a pas de réponse à cette question, on ne va pas partir dans une procédure encore plus compliquée alors qu’ils n’ont même pas fait le boulot de base. […] Alors qu’ils ont toute autorité [pour le faire]. C’est même leur boulot, en fait. »
Souci de compétence ?
Pourquoi n’ont-ils pas répondu alors ? Le porte-parole de l’association lâche : « parce qu’ils ne comprennent rien. Ils ne comprennent pas la question ». Il continue : « Les deux points sur lesquels ils disent avoir ajouter quelque chose sont les points 22 et 69, qui sont d’un flou qui nous condamne à ne rien faire… » Il marque une pause : « ou alors qui nous permet de tout faire. Finalement, même l’Hadopi ne sait pas quoi répondre, ne sait pas interpréter la loi dont elle a la charge, donc on va faire ce qu’on veut », lance-t-il un rien provoquant.
Justement que va-t-il se passer concrètement pour VLC ? « On va bouger, on ne va pas attendre cinq ans avant qu’ils décident de faire quoi que ce soit. De toute façon leur but, c’est de faire perdre du temps pour montrer qu’ils ont une légitimité. On ne va donc pas entrer dans une procédure de différend pour leur donner encore une justification à leur existence. Ils ne sont pas capables. […] Ils viennent de montrer tout seuls qu’ils ne sont pas capables de comprendre des questions DRM. On ne va pas leur poser une question encore plus compliquée. »

Un premier pas de VLC vers le Blu-ray
Mais du point de vue de l’utilisateur quelles seront les répercussions de l’avis de l’Hadopi ? « Ca ne va rien changer. […] On ne pourra toujours pas lire de Blu-ray sans multiplier les manipulations ou sans télécharger des logiciels douteux sur Internet ». VLC et le Blu-ray, ce sera donc toujours un amour impossible ? « On va voir. On pourrait modifier une petite partie effectivement. On pourrait par exemple distribuer la bibliothèque sans les clés. Mais c’était justement une des questions, est-ce qu’on a le droit de faire ça ? »
Sans réponse claire, VideoLAN pourrait sauter ce pas. A charge pour les utilisateurs de télécharger les clés, ce qui serait toujours mieux que de devoir récupérer des logiciels peu fiables ou coûteux. En effet, distribuer la bibliothèque, « ça veut dire que les gens auront juste à mettre les clés pour lire les Blu-ray, ils n’ont pas à télécharger des bibliothèques douteuses sur Internet. C’est une question de sécurité pour les utilisateurs ».
Cantonnée au rôle répressif
En définitive, à l’heure où l’Hadopi est donnée pour morte ou en passe de l’être, cet avis serait-il la démonstration de son incapacité à faire autre chose que de la répression, s’interroge-t-on. « C’est exactement ça, acquiesce Jean-Baptiste Kempf. C’est surtout ça qui est atterrant. On leur donnait une possibilité de se positionner sur un point un peu plus intéressant que juste taper sur les gens et ils n’ont rien compris. » Car derrière la question de VLC et des Blu-ray, c’est toute la question des DRM qui se pose et aurait pu être tranchée pour assurer la liberté de choix des utilisateurs.
Toutefois, pour certains observateurs, c’est justement cette fin proche qui explique que l’Hadopi n’a pas plus tranché son avis dans ce dossier – pourquoi prendre une position alors qu’on ne sera bientôt plus là pour la défendre ou l’assumer ? La Haute autorité n’était pas disponible pour commentaires à l’heure où sont bouclées ces lignes.
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Sources :
Blog de l’Hadopi
Avis de l’Hadopi (PDF)
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jimbee
Pourquoi voulez-vous que des entreprises qui gagnent de l'argent en vendant des BluRay suppriment les DRM ? C'est comme tuer la poule aux ?ufs d'or. Ils ont lâché un peu sur les DVD -souvenez-vous : avant, quand on achetait un lecteur de DVD, on achetait avec le logiciel pour lire les DVD...!- mais, tant qu'il n'auront pas inventé le "super-BluRay", ils ne lâcheront pas leur "droits" sur le BluRay. Et VLC n'aura les droits que lorsque les comptes bancaires de tous ces richous seront archi-pleins. La Hadopi est une toute petite chose face à des Sony et autres requins du marché mondial. VLC fait ce qu'il peut mais ils n'auront pas de réponse de la France parce qu'elle n'a aucun poids face aux Majors !
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yoldus
c'est vraiment un non-sens cette loi.Quand on sait que la plupart des acheteurs ont payés leur lecteur bluray au prix fort et qu'ils doivent repasser par la case porte-monnaie pour acheter un logiciel qui ne fonctionne pas toujours très bien, alors que ce n'est pas le cas pour les lecteurs de salon!!!
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geeek
Ne plus acheter de bue ray et dissoudre l'HADOPI qui ne sert à rien et coûte cher au contribuable. Voilà une économie facile à réaliser qui ne pénalisera pas la croissance !
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dropsy
Les DRM sont là pour protéger les oeuvres des artistes.Moi je veux bien mais que l'on m'explique pourquoi le consommateur lambda continue à payer une taxe pour les artisteS pour manque à gagner(je ne me souviens plus du nom)Pour mémoire elle à été instauré du tems des cassettes audio qui permettaient de à tous de copier les oeuvres de ceux-ci. Ensuite est apparu les CD et DVD avec ces DRM pour justement proteger les droits des auteurs. Que croyez-vous que fit le législateur.Supprimer cette taxe? Que nenni. Il 'l'étendit à tout support (CD;DVD;clés;disques durs amovibles et même à ceux des ordinateurs particuliers comme professionnels et j'en oublie sûrement).Cela représente une manne considérable que l'industrie phonograique ne veut pas se passer. Après il ne faut pas s'étonner que les personnes veulent contourner les lois
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Mayfair
Et voilà !! Une preuve de plus, s'il en était besoin, que l'HADOPI de Mr Sarkozy reprise par le gouvernement "socialiste" (qui, au vue des mesures prises depuis son arrivée au pouvoir n'a plus de socialiste que le nom...mais ça, c'est un autre débat) est un anachronisme à la botte des majors (si chères à notre ex-président), gérée par des politiques d'un autre temps, et qui est incapable de prendre des décisions adaptées au technologie d'aujourd'hui. A la lecture de cet article, on comprend que du fait de l'incurie de l'HADOPI, l'utilisateur lambda n'aura d'autre choix (si ce n'est déjà fait d'ailleurs), que de se tourner vers des logiciels qui contourneront les protections des blu-ray afin de pouvoir les lire sous un autre OS que Windows...Ce qui m'améne à me poser la question suivante : quel interêt a donc Sony dans cette histoire en obligeant les utilisateurs de PC à lire les blu-ray sous Windows ? (dessous de table ou accords à peine voilés avec Microsoft ?)....that's the question...
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tartuf_ri
L'article est informatif, oui. Mais Vidéo Lan ne peut réellement dire ce qu'il en est "que Hadopi et consorts défendent les intérêts, non des créateurs (ça se saurait), mais des éditeurs.
Pour rappel deux faits:
"qui a inventé le rootkit si ce n'est Sony pour ses CD musicaux, si je relis la loi c'est à tout le moins un délit. Condamnation???"
"qui au titre de la protection des droits des artistes a protégé, le premier, de jeunes créateurs tels Louis Amstrong, Count Basie et autres tous décédés depuis belle lurette lorsqu'il a installé des DRM sur ses CD's. Condamnation?? Non même pas morale"
Alors je pense que supprimer ces règles absurdes et limites malhonnêtes (que penser d'un exploitant qui pour se protéger installe des pièges à feu ou autres) devraient être un des soucis de la Ministre en charge (pas de nom si elle change au cours d'un remaniement...)du numérique ou de la Culture (ou des deux). Sinon c'est la preuve que la loi est à deux vitesses, inéquitables et qu'elle devrait être modifier pour sanctionner pénalement ces pratiques (voir les PDG de ces grands groupes de médias en taule...un rêve, je sais impossible. Mais j'aime rêver. -
CharlesPetit
En quelques secondes, je vais répondre, à la place d'Hadopi, comme j'aime beaucoup VLC autant ne pas perdre de temps.... La réponse est NON, vous n'avez le droit à RIEN, les DRM sont justement là pour emmerder le monde, il n'est donc pas question que d'autres qui ne paient pas ce qu'il faut puissent lire les Blu-ray avec DRM... Et puis vous pouvez toujours faire le tour du monde, de cabinet, en administration, ils savent faire un peu comme dans les "12 travaux d'Asterix" ou d'hercules, c'est selon, soit vous devenez dingue ou alors mais cela serait étonnant, vous réussissez à envoyer les administrations en asile psychiatrique... Dernière possibilité vous faites et attendez le procès, si si, vous verrez c'est même la Hadopi qui enverra votre dossier devant le juge, parce que ça ils savent faire, "un peu", dès qu'il y aura un signalement du gars qui dit "c'est à moi, à moi, à moi", ils n'ont pas le droit... En fait, il y a bien un Président qui avait dit qu'il simplifierait les démarches pour les Entreprises, SI SEULEMENT, il pouvait vraiment simplifier cela pour les particuliers aussi et allons y gaiement, même faire des lois, traités nationaux/internationaux, écrit en Français, qu'un mec normal puisse lire et comprendre, sans avoir à sauter indéfiniment en avenants et textes modificatifs du premier, à devenir fou. (Voir exemples sur site LégiFrance).... Bonne continuation à VLC, mais cela fait peur quand même, quand des spécialistes en droit ne savent plus quoi répondre, parce qu'il faut le dire certaines lois, législations, sont vraiment illisibles, incompréhensibles...pour quelqu'un sain d'esprit.
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Ratibois
Nous avons un bel exemple d'incompétence technologique de notre administration.
Au lieu d'offrir à la recherche et aux quelques réservoirs de productivité qui nous restent un soutien et un encadrement efficaces notre administration vaticine à loisir et ouvre des parapluies pour se protéger.
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