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Asianux, la plate-forme d’assaut Linux de la Chine

Les principaux acteurs du libre chinois, japonais et coréen collaborent à ce projet. La version 2.0 d’Asianux vient de sortir.

‘ Deux facteurs peuvent remettre en cause l’hégémonie américaine dans le secteur du logiciel : l’open source et le développement rapide de la Chine ‘, prévient François
Bancilhon. Directeur général de Mandriva (ex-Mandrakesoft), éditeur d’une distribution de Linux, il effectuait il y a quelques mois son premier voyage dans l’Empire du milieu.Or, justement, Pékin mise sur le libre pour se lancer dans l’industrie logicielle. Il commence par le système d’exploitation, la brique logicielle la plus répandue, et celle sur laquelle s’appuient toutes les
applications. La capitale chinoise s’engouffre dans une brèche, conséquence du faible intérêt de l’Occident pour les spécificités linguistiques asiatiques. C’est dans ce contexte qu’est né il y a cinq ans le projet
d’un système open source asiatique.

Une collaboration régionale interétatique

Le ministère de l’Industrie de l’information (MII) et l’Académie des sciences de Pékin ont créé en 2000 la société Red Flag, aujourd’hui numéro un chinois du logiciel libre. Elle développe à présent le
système Asianux, en partenariat avec le Japonais Miracle Linux et le Coréen Haansoft. Leur approche répond à une forte attente des utilisateurs chinois, et plus globalement asiatiques.En effet, les systèmes occidentaux présentent des lacunes dans la gestion des langues, qui s’avèrent rédhibitoires pour les entreprises et les administrations publiques. Par exemple, elles ne peuvent gérer correctement les
caractères correspondant aux noms de famille. Le pari d’Asianux est de faire mieux que les Occidentaux en la matière.Dans sa version 2.0, le système gère pleinement les langues anglaise, chinoise, japonaise et coréenne. Concrètement, Asianux fournit des ‘ patchs ‘ qui se greffent sur le noyau officiel de Linux pour corriger
des erreurs linguistiques et le rendre compatible avec le standard linguistique chinois le plus récent (GB 18030), qui contient 7 000 nouveaux caractères. Comme peut le constater Zheng Zhongyuan, le directeur R&D de Red Flag,
‘ la prise en charge de la langue est bien souvent absente de l’esprit des développeurs occidentaux. Ceux-ci n’ont pas le personnel chinois suffisant pour effectuer les tests
nécessaires ‘.
Hormis les paramètres linguistiques, Red Flag revendique une meilleure connaissance du marché local. Et il travaille directement sur les spécificités nationales émises par l’Open Source Software Promotion (OSS) Alliance du MII.
Les modifications apportées par l’OSS Alliance aux standards internationaux portent sur les interfaces de programmation (API) liées aux paramètres linguistiques et de sécurité. En revanche, Asianux reprend telles quelles les normes Linux pour
le monde des serveurs : stabilité, disponibilité, etc.‘ Pour cela, nous travaillons avec les constructeurs ?” IBM et Intel, par exemple. Mais aussi avec des éditeurs de logiciels tels Oracle ou SAP, et les éditeurs de suites bureautiques libres nationales
comme Kingsoft, Evermore et Chinese 2000 ‘,
souligne Zheng Zhongyuan.Pour assurer l’essor de son industrie du logiciel, le gouvernement chinois a, comme à son habitude, opéré un savant dosage entre protectionnisme et libéralisation. N’ayant toujours pas signé l’accord GPA
(Government Procurement Agreement) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Pékin se réserve ainsi le droit de favoriser son industrie sur les marchés publics. Le gouvernement central a publié l’an dernier un
guide d’achat incitatif qui insiste sur la légalisation des systèmes informatiques et donne la priorité aux logiciels nationaux.

Une concurrence locale et internationale

Asianux n’est cependant pas en position de monopole en Chine. Et Red Flag doit faire face à la concurrence acharnée d’éditeurs locaux, à l’image de CS2C ou encore de Concluate. Ces firmes ont été également créées
par les autorités chinoises.La concurrence internationale est bien présente sur le marché intérieur via Red Hat, Suse, Novel, ou Turbolinux. Même si, pour l’instant, ces groupes n’ont pas obtenu de résultats significatifs sur les marchés publics,
François Bancilhon se montre optimiste : ‘ Les éditeurs étrangers ont une carte à jouer sur le marché chinois. Nous envisageons pour cela plusieurs solutions. Elles s’étendent du simple contrat commercial à
l’accord capitalistique. ‘
Il est vrai que, pour s’implanter en Chine, un accord de distribution reste indispensable. Du point de vue technique, certaines lacunes gagneraient à être comblées via des partenariats avec des firmes locales.Si Microsoft et les éditeurs de logiciels libres se focalisent sur la Chine, c’est que les administrations revoient leurs systèmes informatiques en vue de régulariser leur position. Ouverture économique et adhésion à l’OMC
obligent, le gouvernement central a lancé en mai 2004 un programme de mise en règle des droits de propriété des services informatiques gouvernementaux. Même si tout le monde a pris un peu de retard, l’échéance des provinces a été fixée à la
fin 2004, et celle des municipalités pour la fin 2005.

L’État donne le ‘ la ‘, le privé suit

En Chine, la taille des administrations fait que les marchés publics dominent le marché du logiciel. Mais l’impact de l’Etat ne s’arrête pas à un imposant système administratif. Il faut aussi considérer
l’économie très centralisée du pays, impliquant un vaste secteur public et semi-public, et qui influence aussi les choix des entreprises privées. Les éditeurs locaux ne s’y trompent pas. ‘ Nous visons
d’abord les marchés publics, le système éducatif et, ensuite, les PME ‘,
précise Chris Zhao, le PDG de Red Flag et président d’Asianux.Ce programme gouvernemental apparaît comme une aubaine pour les promoteurs du libre en Chine. Néanmoins, ‘ la migration vers l’open source impose que les éditeurs de systèmes Linux
soient capables de fournir des systèmes compatibles avec Windows ?” au moins pour les données et le matériel ‘,
remarque le directeur R&D de Red Flag. Pour Asianux comme pour le gouvernement chinois,
l’horizon ne se limite pas à la Chine. L’OSS Alliance travaille en collaboration avec le CJK Forum (Chine-Japon-Corée) avec pour ambition de créer un environnement favorable à la collaboration en Asie.Selon Chris Zhao, ‘ cette triple alliance débute autour des trois plus fortes économies asiatiques. Si le modèle fait ses preuves, elle s’étendra à d’autres pays. Son objectif sera de fournir une
version de Linux unifiée en Asie ‘.
L’ambition du PDG de Red Flag est de ‘ rallier autour d’Asianux le leader national de chaque pays qui entrera dans ces accords
interasiatiques ‘.

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Antonia Cimini et Georges Favraud