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Affaire Griveaux : l’ex-candidat à la mairie de Paris est-il vraiment victime de « l’impunité sur Internet » ?

Le débat sur la fin de l’anonymat sur les réseaux sociaux -et leur responsabilité- a été relancé par le #GriveauxGate. De nombreuses personnalités politiques ont réagi depuis l’annonce du retrait du candidat LREM.

Anonymat, régulation des réseaux sociaux, censure à la chinoise, blocage de certains mots sur les moteurs de recherche… Depuis l’annonce vendredi 14 février du retrait de Benjamin Griveaux, l’ex-candidat LREM dans la course à la mairie de Paris, les réactions politiques s’enchaînent, mettant en cause une prétendue « impunité sur Internet ».

Pourtant, les vidéos et les captures d’écrans de message à caractère sexuel ont été divulguées sur le site pornopolitique.com, créé pour l’occasion sur la plate-forme Wix et depuis supprimé. Loin d’être anonyme, l’artiste russe Piotr Pavlenski a signé ses actes, puis a couru les plateaux télé pour expliquer les raisons de son geste – « dénoncer l’hypocrisie politique ».

Quel rôle des réseaux sociaux? 

Au delà de l’anonymat, il y a le rôle soi-disant moteur des réseaux sociaux dans la diffusion de ces vidéos. Or, si le site tournait déjà sur certains groupes Facebook estampillés « Gilets Jaunes », il n’est devenu populaire que jeudi 13 février sur Twitter, après avoir été partagé par deux individus comptant de nombreux abonnés : Laurent Alexandre, essayiste et fondateur de Doctissimo, et Joachim Son-Forget, député, exclu de LREM après des tweets sexistes à l’encontre de la sénatrice Esther Benbassa. Deux messages qui ont, certes, ensuite été largement likés et retweetés. 

https://twitter.com/FallaitPasSuppr/status/1228257003937685505

Les contenus ont été publiés sur un site Web qui a pignon sur rue -pas un réseau social donc- et par un individu qui a revendiqué son action… désormais en garde à vue.

Mais la récupération politique et les appels à un contrôle plus strict d’Internet ne se sont pas fait attendre. Le président du Sénat, Gérard Larcher (LR) a par exemple rapidement tweeté qu’il « était grand temps de réguler les torrents de boue qui se déversent sur les réseaux sociaux. La liberté d’expression doit s’arrêter aux frontières de la vie privée que chaque citoyen est en droit d’exiger. » 

Même son de cloche du côté du député du Rhône Bruno Bonell (LREM), qui s’en est pris à l’anonymat sur la Toile : « Internet, comme les plus grandes inventions de progrès, porte ses déviances que l’anonymat cautionne comme la calomnie ou la diffamation. Faisons de la France le pays de l’exigence et l’obligation de transparence des sources et sanctionnons les abus. »

« Bloquer » en masse

Sur la chaîne LCP, le député de Paris Claude Goasguen (LR) a également appelé à un contrôle renforcé des internautes : « Nous sommes à l’orée d’une situation que l’on ne domine pas, qu’il va falloir dominer. » 

Un combat « vain » selon Cedric O 

Mais, comme l’a rappelé le secrétaire d’État au Numérique, Cédric O, il s’agit moins d’anonymat que de pseudonymat. « La crise actuelle, comme d’autres, interroge sur le respect de l’État de droit dans un monde numérique. Nous avons besoin d’une réflexion collective sur ce sujet. Mais la fin de l’anonymat (qui n’est souvent qu’un pseudonymat) est un mauvais combat, dangereux et probablement vain », a-t-il rétorqué sur Twitter. 

Que prévoit l’arsenal législatif ?

La loi pour une République numérique, communément citée sous le sigle LCEN pour Loi sur la confiance dans l’économie numérique de 2016, régit les moyens techniques pour identifier les auteurs de contenus non-appropriés publiés sous pseudonymes. L’article 6.1.II oblige les entreprises à conserver « les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires ». Si l’autorité judiciaire le requiert, ces plates-formes doivent lui transmettre ces informations.

Mais les réactions sont aussi nombreuses que variées. Plutôt qu’incriminer « l’anonymat », la députée LREM, Laetitia Avia, rapporteure de la loi visant à lutter contre la haine en ligne met en cause les algorithmes des réseaux sociaux favorisant la viralité des contenus. 

« Le  modèle des plates-formes, qui repose sur la viralité des contenus, engendre la création d’un “tribunal sur Internet”. Que l’information soit vraie, fausse, légale ou illégale, si elle est diffusée à grande ampleur : le mal est fait », a-t-elle expliqué au micro de Jean-Jacques Bourdin lundi 17 février, sur RMC. 

#TouchePasTwitter

En réaction aux attaques, des milliers de twittos ont tweeté sous le hashtag #TouchePasTwitter pour défendre les libertés sur la plate-forme. Une façon de revendiquer les bénéfices d’un tel outil pour raconter ce qui ne l’est pas toujours dans les médias traditionnels. 

Au delà de ces débats, la suite de l’affaire se situe désormais sur le terrain judiciaire. Dimanche 15 février, Benjamin Griveaux a porté plainte pour atteinte à sa vie privée au nom du délit de revenge porn. Les responsables risquent jusqu’à 60 000 euros et deux ans d’emprisonnement. On a par ailleurs appris dans Le Monde qu’au delà de Piotr Pavlenski, l’ex-candidat avait aussi porté plainte contre Joaquim Son Forget et Laurent Alexandre. Un retweet peut bel et bien vous conduire à la barre. 

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Marion SIMON-RAINAUD