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Guide photo : Réussissez vos paysages

La plus populaire mais aussi la plus sous-estimée des disciplines photographiques, la photographie de paysages est autant l’occasion de pratiquer sa passion que de profiter des grands espaces.

Si on peut être passionné de photojournalisme, les images de montagnes et de paysages lointains sont quand même moins anxiogènes à accrocher au salon qu’une image de guerre ! Financièrement plus démocratique et beaucoup moins snob que d’autres disciplines du monde de l’image fixe, la photographie de paysage parle à tout le monde et ne vous ruinera pas (ou moins). De plus, elle est une bonne raison de sortir de chez soi prendre l’air et réapprendre à prendre son temps : bon pour le corps et l’esprit, que demander de plus ? Plongez avec nous dans une petite introduction matérielle et technique de cette invitation au voyage.

L’équipement : financièrement abordable…

Si la photo d’action et celle de concerts exigent du matériel pointu, notamment en termes de rapidité de mise au point et de rafale, tout appareil photo récent – et décent – permet de faire de bonnes photographies de paysages. Il n’y a qu’à regarder sur Flickr, ou sur Instagram, où de nombreux photographes accumulent des portfolios incroyables à partir de simples smartphones. Il faut dire que dans la photos de paysage, les petits appareils ne sont pas aussi handicapés que dans les autres disciplines. De manière générale, la photo de paysage privilégie la netteté au flou. Si les boîtiers à grands capteurs ont de gros avantages en termes de qualité d’image et de quantité de détails, les petits capteurs des smartphones et des compacts ne sont pas aussi handicapants que pour le portrait. En effet, plus un capteur est grand, plus sa zone de netteté est étroite (et centrale). À l’inverse, plus un capteur est petit, plus sa zone de netteté est large.

Du coup, si les reflex et autres hybrides sont bien meilleurs pour isoler un portrait au premier plan du fond grâce à ces arrière-plans flous, les compacts et smartphones sont très capables en matière de paysages, leur zone de netteté étant large même à pleine ouverture. Attention, cela ne veut pas dire qu’ils peuvent égaler les “vrais” appareils : ils sont limités par une qualité optique inférieure, moins de précision d’image, plus de bruit en basses lumières et une plus faible plage dynamique, cette capacité à voir les détails aussi bien dans les hautes que les basses lumières. Mais on peut déjà commencer à produire de belles images avec ce petit matériel. Et n’hésitez pas à regarder du côté de l’occasion : comme vous allez souvent travailler entre 100 et 400 ISO et sur des sujets immobiles, les améliorations des boîtiers les plus récents ne sont pas aussi déterminantes que pour la photo sportive, par exemple.

…et dépendant du terrain

En plein jour, un boîtier et une optique haut de gamme donneront sensiblement la même chose qu’un hybride/reflex d’entrée de gamme avec un zoom milieu de gamme. Pourquoi alors investir dans du matériel plus coûteux ? Tout simplement pour la résistance, l’autonomie et les performances des appareils. Un hybride à 400 euros n’encaissera pas aussi bien les chocs et les variations de température d’une randonnée que des modèles experts ou pros, bien plus solides et dotés de batteries bien plus endurantes. De la même manière, les boîtiers les plus haut de gamme gèrent mieux le bruit numérique quand la lumière se fait rare et les optiques les plus lumineuses sont alors d’une aide précieuse. Renseignez-vous sur votre lieu de destination et s’il n’y a pas de défis physiques majeurs, faites l’impasse sur les boîtiers les plus chers. Mais ne sous-estimez jamais l’importance des optiques.

La photo de paysage ne dépend pas de la qualité de l’autofocus, et le manque de lumière peut être compensé par un trépied. Ce qui compte, c’est la composition et la qualité optique. Les capteurs récents offrant des résultats similaires en plein jour entre 100 et 800 ISO, la qualité du bout de verre que vous allez mettre devant ledit capteur doit être votre premier sujet de préoccupation. Et là, les différences peuvent être importantes entre l’entrée et le milieu de gamme, entre les zooms standards et les focales fixes, etc. Les optiques haut de gamme sont bien sûr intéressantes, mais là encore pour leur résistance (étanchéité), leur luminosité et, dans une moindre mesure, leurs propriétés optiques supérieures. Une fois encore, pensez à lorgner du côté de l’occasion pour vous équiper. Et ne vous laissez pas enfermer dans le grand angle !

Téléobjectif ou grand angle ? Un faux débat

Lorsqu’on évoque la photo de paysages s’ensuit souvent la phrase : “il te faut un grand angle”, c’est à dire une optique dont le champ de vision est très large. Cette affirmation est partiellement vraie. Partiellement seulement, car les téléobjectifs ont tout à fait leur place dans la photo de paysage et ce, pour des raisons physiques. Si les grand-angles permettent en effet de “tout mettre” dans une image, on se retrouve vite avec des images assez similaires, la raison étant que les distances entre les objets sont exagérées et sans une grande maîtrise de la composition, on finit souvent avec des images vides. A contrario, un téléobjectif dont le champ de vision est bien plus étroit a comme propriété de compresser les perspectives et donc de renforcer la présence des différents plans. Rien de tel qu’un bon téléobjectif pour faire ressortir la puissance d’une montagne avec un bout de branche de pin en premier plan. Bref, attention aux clichés, toutes les focales ont leur intérêt pour faire du paysage.

Les hybrides et les reflex, pour aller au-delà des compacts

Nous l’avons vu plus haut, votre smartphone et votre compact peuvent faire l’affaire pour la photo de paysage si vous ne cherchez pas à faire de grands tirages et si vos attentes ne sont pas trop élevées. Ne vous attendez quand même pas à produire des clichés très riches en détails. Si vous le pouvez, shootez en RAW, ce format de fichier appelé aussi “négatif” numérique qui permet de “développer” vos images dans un logiciel afin d’améliorer sensiblement la qualité d’image. Vous allez pouvoir vous amuser avec les petits appareils, mais le simple plaisir d’utiliser un vrai outil photographique peu grandement influencer votre pratique photographique.

Si vous souhaitez vous investir davantage dans ce domaine, un hybride/reflex et une ou deux bonnes optiques avec éventuellement un petit trépied font déjà l’affaire. Si vous optez pour une combinaison à deux optiques, un zoom standard et un zoom ultra grand angle par exemple, préférez deux boîtiers d’entrée de gamme plutôt qu’un boîtier milieu de gamme, le changement trop fréquent d’optiques étant la première source de poussières, lesquelles sont bien plus visibles en photo de paysage qu’en photo d’action, nous verrons plus tard pourquoi.

Matériel : que choisir ?

Selon vos sensibilités photographiques, vous préférerez telle ou telle focale, des focales fixes, un zoom, etc. Si vous débutez et que vous ne savez pas quoi prendre, voici une liste absolument non exhaustive de boîtiers et de focales types à considérer. Les conseils du chef : les bridges à grands capteurs que sont les Panasonic FZ1000 et Sony RX10 sont vraiment des modèles très intéressants car très polyvalents, offrant une bonne qualité d’image, de très belles plages optiques et ils sont de plus très polyvalents.

Catégorie “Je pars léger” : dans votre cas, deux types d’appareils nous paraissent adaptés. Soit un compact ultra-zoom qui vous permettra de passer de l’ultra-grand-angle au super téléobjectif, soit un compact expert de petit gabarit.
– Compact ultrazoom : Sony Cyber-Shot HX60v
– Compact expert mini : Sony RX100 Mark III ou Canon PowerShot G7X

Catégorie “Un seul appareil, mais de qualité” : ici, on choisira soit un compact expert “technique”, doté d’un viseur (en plein jour c’est mieux), soit un bridge à grand capteur. Le compact expert technique restant plus compact tout en étant doté d’une bonne optique, les bridges à grands capteurs étant des appareils à tout faire.
– Compact expert technique : Panasonic LX100 ou Fujifilm X30
– Bridge à grand capteur : Panasonic FZ1000 ou Sony RX10

Catégorie “Un hybride/reflex pas cher mais une seule optique à tout faire” : qu’importe le boîtier pourvu qu’on ait l’optique ! Dans ce domaine, les zooms dits transtandards ont leur utilité, mais gare à l’effondrement des qualités optiques.
Boîtiers : Canon EOS 650D, Nikon D3300, Panasonic G6, etc.
– Optique transtandard : Tamron 16-300 mm f/3.5-6.3 et assimilés
– Optique zoom standard : Sigma 17-70 mm f/2.8-4 et assimilés

Catégorie “Un boîtier expert et une belle optique” : ici on baroude un peu plus, l’appareil doit encaisser les aléas des randonnées. Dans ce domaine, Pentax est un excellent choix, car ces appareils sont réputés pour leur robustesse.
– Boîtier : Pentax K-3, Nikon D7100, Canon EOS 70D, Sony Alpha 77 Mark II ou Fujifilm X-T1
– Optique : 16-50 mm f/2.8 et assimilés

Catégorie “un boîtier expert et deux optiques” : on prend les mêmes et on recommence.
– Boîtier : Pentax K-3, Nikon D7100, Canon EOS 70D, Sony Alpha 77 Mark II ou Fujifilm X-T1
– Optiques : 10-22 mm et assimilés + 16-50 mm f/2.8 ou 16-50 mm f/2.8 + 70-200 mm f/4 et assimilés (50-150 mm)

Catégorie “Un boîtier pro et toutes les optiques qu’il faut” : ici vous partez à l’assaut de l’Himalaya et le budget n’est pas limité mais rappelez-vous que votre capacité d’emport et la résistance de votre dos le sont ! Puisque les moyens suivent, optez donc pour un boîtier à capteur plein format (ou un APS-C de Fuji) et trois optiques, un ultra grand-angle, un zoom standard et un super-téléobjectif.
– Boîtiers : Canon EOS 6D/5D Mark III, Nikon D610/D750/D810, Sony Alpha A7R ou Fujifilm X-T1
– Optiques : 16-35 mm f/2.8 et assimilés, 24-70 mm f/2.8 et assimilés, 70-200 mm f/2.8 et assimilés OU 100-400 f/4.5-5.6 et assimilés

Catégorie “Je suis prêts à utiliser un ovni” : les Sigma DP1 Merrill, DP2 Merrill et DP3 Merrill sont des compacts à capteur APS-C à focale fixe. Totalement impotents en photo d’action, leur qualité d’image est cependant incomparable en paysage à 100 ISO. C’est bien simple, à moins d’investir dans un Nikon D810 et une optique de bon niveau (au moins 4000 euros le tout pour une seule focale), les Sigma n’ont aucun équivalent en terme de qualité d’image à 100 ISO ! En vous équipant des trois appareils, vous aurez à votre disposition un 28 mm f/2.8, un 45 mm f/2.8 et un 75 mm f/2.8 pour moins de 1500 euros et moins de 1,5 kg dans le sac à dos. Avec une qualité d’image sans égale.

Les réglages : on ferme le diaphragme et on reste bien stable

Nous l’avons dit plus haut, en paysage on recherche plutôt la netteté, même si certains photographes travaillent parfaitement la douceur voire les flous. Mais nous allons commencer par le côté académique de l’exercice, vous briserez les règles plus tard ! Qui dit image nette de bout en bout dit diaphragme fermé. Contrairement à la photo de concerts où l’on va chercher à récupérer le plus de lumière possible et ouvrir le diaphragme au maximum, ici nous allons fermer les lamelles qui laissent passer la lumière de manière à obtenir une zone de netteté large. Rappelons que l’échelle de mesure de l’ouverture du diaphragme est peu intuitive : c’est une échelle logarithmique et plus la valeur est petite, plus l’ouverture est grande. Nous allons donc utiliser les valeurs les plus élevées : concrètement cela revient à utiliser le mode A de votre appareil (Aperture = ouverture) et caler l’ouverture à partie de f/5.6 jusqu’à f/11 ou f/16. Attention cependant au temps d’exposition, notamment en tout début et en toute fin de journée ! Si vous fermez trop le diaphragme, le temps d’exposition va baisser dangereusement. Deux possibilités : soit vous montez sensibilités mais vous dégradez un peu la qualité d’image si vous poussez au-delà de 800-1600 ISO, soit vous faites appel à un trépied qui vous permet de rester à la valeur d’ISO la plus faible, généralement 100 ISO.

Le trépied, l’amour vache

Il est une règle immuable de la photographie de paysage : vous n’aurez jamais besoin de trépied sauf précisément le jour où vous ne l’avez pas pris. Que cela soit pour les lumières de tout début ou toute fin de journée, pour les paysages nocturnes, pour les poses longues, etc. ou tout simplement pour se forcer à ralentir, le trépied est un accessoire aussi formidable que frustrant. Frustrant car ceux qui vous accompagnent en balade vont vous haïr pour votre lenteur, parce qu’il prend de la place et peut être encombrant. Formidable parce que c’est le seul outil fiable pour réussir certaines prises de vue. Les meilleurs trépieds – solides et légers – sont bien évidemment les plus chers et il vous faudra composer avec votre budget et votre besoin. Si vos moyens vous le permettent optez pour un trépied en carbone ultraléger et résistant. Et même s’il n’est qu’en aluminium, préférez un modèle doté d’un crochet sous la colonne qui vous permettra, en cas de vent, d’accrocher votre sac à dos pour stabiliser le tout. Tout le monde n’a pas besoin d’un trépied, de nombreux photographes font sans, mais c’est parfois un plus indéniable.

Le bon moment et le bon endroit

Il existe deux moments privilégiés pour réaliser de beaux paysages : les premières et dernières heures du jour. Baptisées “golden hours” par nos amis anglophones, ces heures “en or” offrent en effet des luminosités très différentes du reste de la journée, où le soleil écrase plus facilement les détails. Le matin, le froid et l’humidité de la nuit ont capturé une partie des poussières en suspension dans l’air, la lumière se diffuse mieux et le passage de l’obscurité au jour sublime les ambiances (apparition de brume en campagne, etc.). La fin de journée produit des lumières plus chaudes, plus dorées, les contrastes sont plus forts que le matin tout en étant plus subtils qu’en plein cagnard. S’il y a bien un moment où un photographe de paysage se doit de déclencher, c’est bien durant les golden hours ! De manière générale, tout changement de climat a tendance à produire de belles lumières, comme lorsqu’un orage de fin d’après-midi se dissipe pour laisser passer le soleil. Rassurez-vous, même une journée ensoleillée peut vous permettre de produire de belles images, c’est juste que l’intensité lumineuse est moins caractérisée.

Après avoir étudié le climat et déterminé les bons moments pour prendre les photos, il vous reste à définir les bons endroits où il vous faut être pour avoir telle ou telle portion de la vallée, tel pic ou telle dune ensoleillée, etc. Pour cela il existe de nombreuses applications pour tablettes et smartphones qui tracent sur une carte la trajectoire du soleil et de la lune tout au long de la journée. Ces applications facilitent la planification de votre parcours et permettent de prévisualiser les endroits où se placer pour avoir le bon angle et la bonne lumière sur le sujet désiré.

Sun Surveyor : Android et iOS
The Photographer Ephemeris : Android et iOS

Savoir composer, savoir regarder

De nombreux livres sont consacrés à la composition, dont l’excellent “L’Oeil du photographe et l’art de la composition” de Michael Freeman que nous vous recommandons chaudement. Nous n’allons donc pas nous étendre sur ce sujet, mais allons vous lister quelques conseils de base.
Faites attention à la ligne d’horizon. Dans un premier temps, cherchez à être parfaitement parallèle ou perpendiculaire à l’horizon.
Commencez par composer avec la règle des tiers. Une fois que vous aurez appris à composer vos cadres selon cette règle assez simple et que vous saurez rapidement identifier les éléments importants de l’image, vous pourrez commencer à décadrer et tenter les approches plus originales.
Faites attention aux contre-jours ! Le soleil est la source de lumière du photographe de paysages, mais il n’a d’intérêt dans le cadre que lorsqu’il se lève ou se couche. Sinon, gare aux images cramées.
– Avec le téléobjectif, pensez à superposer les plans et à ne pas être trop frontal. Mettez par exemple un bout de branche dans le cadre, une partie de montagne plus loin et le sommet d’une autre en haut de l’image.

La photo de paysages n’est pas la photo d’action, vous n’avez pas besoin de vous mettre en mode rafale et shooter des milliers de photos pour avoir un cliché net. En théorie vous avez le temps de composer, faire le point et déclencher. Profitez de l’environnement au maximum, éviter de trop regarder votre écran et concentrer-vous sur la nature qui vous entoure. Une fois une image potentielle repérée, essayez de visualiser au maximum l’image finale que vous souhaitez composer. Il est complètement contre-productif de shooter 50 fois la même photo : variez le cadre deux ou trois fois, horizontal ou vertical, shootez une seconde fois pour être sûr, voire attendez la bonne lumière, mais n’utilisez surtout pas le mode rafale.

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Adrian Branco