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Une deuxième vie à vivre en ligne

Près de 2 millions de personnes se côtoient virtuellement sur Second Life, la nouvelle utopie virtuelle qui fait fureur sur Internet.

Anges, démons, mannequins glamour, bébêtes à fourrure et autres formes de vie craignent par-dessus tout un très petit programme nommé CopyBot. A cause de ce logiciel, ils peuvent tous être copiés. D’êtres uniques, ils risquent de devenir de vulgaires clones. Tout cela se passe sur Internet, dans un univers virtuel portant le nom de Second Life, la ‘ deuxième vie ‘, qui compte actuellement plus de 1,8 million d’habitants…

D’une coquille vide un monde

Créé par la société américaine Linden Lab en 2003, Second Life est un univers virtuel persistant (c’est-à-dire qui évolue en l’absence de ses acteurs) et en 3D dans lequel des milliers d’utilisateurs peuvent se connecter simultanément et interagir. Chaque utilisateur est représenté par un avatar, sorte d’alter ego idéal, créé par lui-même. Une des particularités de ce monde virtuel, c’est que tout ce qu’il compte a été inventé par ses habitants eux-mêmes, les Slifers : un outil intégré permet de créer et de modifier en ligne ses propres objets. Un avatar veut un sac à main ? Il suffit de le lui fabriquer ! Même chose pour l’apparence de l’avatar. Avec du temps à revendre et de l’imagination, rien n’empêche de créer un objet de la taille d’une maison. C’est ce que font les Slifers architectes. A ses débuts, Second Life n’était qu’une coquille vide qui s’est enrichie petit à petit des créations de ses habitants, pour atteindre aujourd’hui, à l’échelle des avatars, 263 km2 ?” soit près de trois fois Paris ! On y retrouve pêle-mêle décors réalistes et environnements féeriques, où sont plantés habitations, bars, discothèques, etc.Et les possibilités sont infinies, d’autant que les habitants peuvent créer des ‘ scripts ‘, des petits programmes qui rendent les objets interactifs. Un juke-boxpourra, par exemple, grâce à son script, diffuser réellement de la musique, voire obliger son utilisateur à danser, suivant une chorégraphie prédéfinie ! Cette totale liberté se traduit par un choix d’activités tout aussi impressionnant : exploration (facilitée par la possibilité de se téléporter) ; activités ludiques dans des casinos, parcs d’attraction, cinémas, discothèques, etc. ; activités sociales avec des groupes d’amis partageant les mêmes goûts ; activités commerciales basées sur la revente d’objets 3D ou de scripts. Et le sexe n’est pas oublié, à tel point que les mineurs sont orientés vers une version spécifique, Teen Second Life.Second Life est simplement la possibilité offerte à tout un chacun de vivre sa vie idéale, sous une apparence idéale. Selon les chiffres livrés par Linden Lab, le temps moyen de connexion est d’un peu plus de dix heures par semaine, mais les aficionados qui y passent plus de 80 heures par semaine sont légion.

L’appât du vrai pactole

Le tour de force réel de LindenLab, c’est d’avoir transposé le système de commerce et de profit tel qu’il existe dans nos sociétés. Second Life en lui-même est gratuit. Il suffit d’aller sur le site www.secondlife.com, de s’y inscrire et de télécharger le programme. Un abonnement payant n’est nécessaire que pour acquérir une parcelle de terrain en vue d’y construire des bâtiments.Mais voilà : Linden Lab a eu l’idée géniale de laisser à leurs auteurs la propriété intellectuelle des objets qu’ils créent. Dès lors, si un Slifer invente un objet de bonne facture, un accessoire de mode par exemple, il peut tout à fait le vendre aux autres avatars désireux d’en profiter. Le copyright sur son ?”uvre le protégera de la contrefaçon comme dans la vraie vie. L’introduction d’une devise virtuelle, le LindenDollar, a ensuite assuré la mise en place d’une activité économique intense, avec un taux de change reconnu : les LindenDollars peuvent en effet être échangés contre de vrais dollars américains, à raison de 271 LindenDollars pour 1 dollar US.Les Slifers tirent donc des profits réels en vendant objets, scripts ou services. Plus de 600 000 dollars US de transactions sont effectuées chaque jour au sein du monde virtuel, avec une croissance de 15 % par mois ! La palme des revenus revient à Anshe Chung, une Allemande d’origine chinoise qui, en construisant des villas virtuelles, est devenue millionnaire ! Question d’image de marque et de profits potentiels, grandes entreprises et personnalités se ruent sur Second Life : l’agence de presse Reuters est la première à y avoir ouvert un bureau virtuel ; U2 ainsi que Suzanne Vega y ont donné des concerts ; Dell, Adidas, Cisco, Toyota, Sun Microsystems s’y retrouvent également… Voilà pourquoi CopyBot, un petit script apparu à la mi-novembre, qui permet de copier un objet protégé par copyright a mis en émoi toute la communauté. Les Slifers, par crainte, ont évité ainsi de se connecter tandis que de nombreux commerces fermaient pour échapper à la faillite… Linden Lab a réagi : toute personne possédant CopyBot est désormais bannie définitivement. La répression fait aussi partie de l’utopie virtuelle

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Stéphane Viossat