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Tolérance Zorro

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler?” et parfois crier ?” plus librement…

Au sein de notre entreprise, la campagne présidentielle ne fait plus recette. À la veille du second tour, la lutte entre Super-Menteur et Hyper-Somnifère ne donne plus lieu qu’à quelques menus paris devant la machine à café. Laquelle doit être trotskiste ou d’extrême-droite, car elle continue à refuser obstinément les euros… En touillant notre déca à l’aspartam, parfait symbole du consensus mou, nous devisons entre collègues de centre-droit et de centre-gauche, manipulant avec prudence nos petites cuillers en plastique hypo-allergénique de républicains light. Mais foin de cette sociologie de supermarché.com, car ce que veulent les lecteurs de cette chronique, c’est de l’action (29 %), du suspense (25 %), et de l’émotion (20 %) ! Quant aux 26 % de “Ne se prononce pas”, que devrais-je leur dire ? Rien, puisque j’en fais moi-même partie… Pour les autres, voici de l’action, diversement commentée dans le couloir de la mort (celui qui mène aux bureaux de la direction) : Roland, notre PDG, soucieux de véhiculer une image d’entrepreneur énergique assumant son devoir d’autorité, a giflé un coursier. Il faut dire que ce petit morveux avait 2 heures de retard. Et qu’en guise d’excuse, il a sorti un retentissant “nique ton père” à la nouvelle secrétaire du boss. Le sang du patron n’a fait qu’un tour : pan, deux claques dans la chetron ! Où Roland a-t-il puisé ce courage devant le jeune sauvageon ? Il nous l’expliqua plus tard sur son lit d’hôpital : dans la certitude qu’un coursier de 18 ans ne pouvait que s’incliner devant son autorité suprême. Erreur : notre boss a aussitôt pris un formidable coup de boule qui a fait exploser ses illusions comme la bulle de la Bourse, et son nez comme une tomate. En prime : un coup de latte à bout ferré dans les parties, ce qui va compromettre pour longtemps ses coucheries adultères avec Charlotte, notre directrice générale. Compatissant à sa manière, notre belle DG se déclare “pas mécontente de souffler un peu”… Le lendemain, le boss me convoque à son chevet “en tant qu’ami et directeur de la communication”. Traduction : “En tant qu’ami” signifie que je vais devoir travailler tout le week-end, et “en tant que dircom”, que je dois faire mousser cet épisode consternant. Car figurez-vous que notre boss, dont le cerveau a sûrement trinqué lui aussi, se prend maintenant pour François Bayrou ! Oui, le candidat de l’UDF soi-même, l’homme qui a eu le courage héroïque de gifler Yacine, ce beur de 11 ans qui lui faisait les poches lors d’une visite aux zoos de banlieue… Aucun doute : Roland se prend vraiment pour le chevalier Bayrou, qui s’enorgueillit d’avoir rétabli à lui tout seul l’autorité de l’État ! Délirant sur son lit de douleur, le boss me demande de lui concocter une image de patron de choc qui ne transige pas avec la morale. Bref, de lui pondre une campagne de com’ contrecarrant les effets dévastateurs de l’affaire Enron et du soupçon généralisé pesant sur l’honnêteté des entreprises, et hum… de la nôtre en particulier. “Mais Roland, en quoi l’histoire du coursier montre-t-elle que…”?”“À toi de nous le dire, tu es payé pour ça !” Depuis, je sèche. Je n’ai trouvé que laccroche de cette campagne : “Tolérance Zorro”. Roland trouve ça top, ce qui, à mon avis, confirme le diagnostic alarmant des médecins…

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La rédaction