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Télécoms : vers la fin des généralistes

La crise qui secoue le monde des télécoms accélère une évolution déjà amorcée depuis quelques années : la disparition progressive des généralistes. Une mutation que l’informatique a déjà connue.

Il y a encore vingt ans, l’informatique était dominée par les IBM, Hewlett-Packard, Digital, ICL et autres Unisys. Ces mastodontes construisaient entièrement leurs systèmes : processeurs, composants matériels, système d’exploitation, et ils concevaient même les applications. Aujourd’hui, la plupart ont disparu, Hewlett-Packard traverse une crise grave et seul IBM s’en tire au prix d’une profonde réorientation de sa stratégie, fondée sur les services.Depuis, sont apparus des acteurs très spécialisés, comme Intel, le numéro un mondial des processeurs, Microsoft, le géant du système d’exploitation, et une myriade d’éditeurs d’applications.La mutation des télécoms a commencé timidement à partir du milieu des années 80 avec l’ouverture des marchés outre-Atlantique et s’est accélérée dans les années 90. On a alors vu une nouvelle génération d’opérateurs spécialisés, comme Worldcom sur la longue distance. Puis la percée de technologies comme IP ont favorisé l’émergence de nouveaux acteurs, surtout parmi les constructeurs, comme Cisco.Aujourd’hui, les opérateurs historiques, écrasés par les dettes, sont secoués par la crise. Pour y faire face, certains se scindent en plusieurs entités plus spécialisées. AT&T va éclater en quatre, BT (British Telecom) se coupe en deux, imité par… Worldcom, lui aussi à bout de souffle. But : que les secteurs traditionnels en perte de vitesse (voix longue distance) ne pénalisent ceux en forte croissance (données, Internet, mobiles).Même les plus conservateurs, comme France Télécom ou Deutsche Telekom, créent des filiales pour leurs activités mobiles et Internet, les introduisent en Bourse et les laissent progressivement vivre leur vie.Les constructeurs se sont pas en reste et font eux aussi le grand ménage. Lucent s’est déjà amputé de ses divisions entreprise (devenue Avaya), micro-électronique (Agere) et met en vente l’activité de fabrication de fibres optiques pour se recentrer sur les opérateurs et les c?”urs de réseaux optique.Nortel abandonne le DSL et met en sommeil d’autres lignes de produits. Alcatel prend ses distances avec le monde de l’entreprise et se concentre lui aussi sur les opérateurs. Comme Ericsson, il jette l’éponge dans la fabrication des téléphones mobiles.Bref, tous ces colosses qui, hier, ajoutaient sans cesse de nouveaux produits à leurs catalogues, ne prétendent plus aujourd’hui concourir toutes catégories. Qui sait même, si demain, ils n’iront pas plus loin et ne se scinderont pas eux aussi : accès haut débit, c?”ur de réseau optique, réseaux métropolitains, routage haute vitesse.On voit d’ailleurs déjà poindre des champions dans chacune de ces catégories, comme Juniper pour le routage c?”ur de réseau, Extrême Networks, Foundry et le tout nouveau Atrica pour les réseaux métropolitains, Corvis pour l’optique. Et comme aujourd’hui les équipementiers traditionnels ne sont plus en mesure de poursuivre leur folle politique d’acquisitions de ces dernières années, ces nouveaux venus ont des chances de prospérer sans être absorbés.Alors peut-être qu’à linstar des Intel, Microsoft et autres Dell, ces spécialistes sonneront-ils le glas des généralistes.Prochaine chronique le vendredi 24 août
2001

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Jean-Pierre Soulès