Passer au contenu

Sous le coup de la loi du talon

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler?” et parfois crier ?” plus librement…

Pourquoi n’y voit-on plus dans nos bureaux ? Parce qu’une fois de plus notre boss a disjoncté. Ce n’est pas une blague : les plombs de la boîte ont sauté en même temps que ceux de Roland. Un phénomène paranormal pour les uns (dont mon assistante, qui s’est transformée en machine à faire des signes de croix), et presque normal pour les autres (dont le responsable informatique, spécialiste du “J’en ai vu d’autres”).Quel fil étrange relie-t-il les plombs au cerveau de Roland ? Je vais tenter d’expliquer l’inexplicable. Depuis les attentats aux USA, notre cher président est obsédé par la fin du monde et régresse à la vitesse du Concorde dans ses bons jours. Bientôt, il sucera son pouce. En attendant, il a fait installer un “système de sécurité” dans la boîte. Résultat : des caméras à tous les étages. Très efficace. On peut repérer celles qui dégrafent un bouton de leur chemisier avant d’entrer dans le bureau du boss, savoir qui pince les fesses de qui dans quel couloir, et quels membres de la direction se curent le nez en attendant l’ascenseur.
Autre effet pervers : les hôtesses d’accueil (deux pretty girls en emploi-formation et aux sourires prometteurs) ont été remplacées par deux culturistes dotés d’une gueule aussi dissuasive pour nos clients que pour les terroristes, que nous attendons maintenant de pied ferme. Le système de caméras et d’alarmes est si compliqué que le préposé aux services techniques, un bon gars qui jusque-là vissait gentiment quelques ampoules et que Roland vient de bombarder “responsable de la sécurité”, a fait sauter tous les plombs en effectuant “deux ou trois putains de réglages sur ce putain de système”. Le mystère des plombs étant élucidé, penchons-nous maintenant sur les pages les plus inquiétantes de ce dossier.Les mesures de sécurité dont je viens de vous parler ne sont qu’un des symptômes du mal de Roland. Qui confirme ce qu’il avait annoncé : le déménagement du groupe loin des tours “menacées” de La Défense, vers une rase campagne inconnue des terroristes. Caméras et gros bras ne sont là que pour préserver notre cher e-business, le temps que nous trouvions l’adresse idéale dans un trou perdu, un anus mundi provincial où aucun Ben Laden ne viendra mettre son nez… Au début, on rigolait entre nous de Roland et de sa paranoïa planétaire. Mais il a fini par nous coller la trouille. Et chaque matin, il enfonce le clou en nous faisant une revue de presse, où le fracas des armes nous donne de plus en plus envie de nous terrer comme des lapins.De son côté, Charlotte, notre directrice adjointe, accentue désespérément ses effets de hanche à l’adresse du boss, qui n’a plus à la bouche que son cher “principe de précaution”, peu propice à leurs dangereux ébats extra-conjuguaux. Elle se venge donc sur les autres membres de la direction, moins dignes d’être caressés dans le sens du poil… Son nouveau truc, c’est la version française de l’opération “Justice sans limite” : elle veut la peau des terroristes qui attentent à son autorité, et je suis en tête de liste. Elle a donc lancé contre moi toutes ses divisions, qui frappent déjà à ma porte. Une seule solution : m’allier à elle et lui livrer les autres. Ce serait ignoble, évidemment. Mais dun autre côté…

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


La rédaction