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Roland Montagne, analyste de l’Idate : ” Face à l’Internet gratuit, l’acquisition de Time Warner est un bol d’air pour AOL “

Après l’acquisition de Time Warner par AOL, Roland Montagne, analyste du cabinet Idate (Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe), et auteur de l’Atlas mondial de l’Internet, analyse les implications de cette mégafusion pour l’économie de l’Internet. Aux USA, bien sûr, mais aussi en Europe où la position du nouvel ensemble est encore fragile.

01net. : AOL vient de racheter Time Warner pour 180 milliards de dollars. Quels gains va-t-il tirer de cette acquisition?

Roland Montagne : Aux Etats-Unis, cet accord va offrir à AOL un bonus face à AT&T dans l’accès à haut débit. Le fournisseur d’accès à Internet gagne en effet le réseau Roadrunner de Time Warner. Cela lui permettra de répondre à l’offensive que son concurrent mène depuis dix-huit mois dans ce domaine, avec le rachat des réseaux câblés de TCI et de MediaOne.
Et ce, même si RoadRunner est moins important qu’@Home, le réseau câblé d’AT&T. En Grande-Bretagne, l’appui du contenu de Time Warner pourrait redonner de l’attrait à AOL Compuserve UK, en perte de vitesse face aux acteurs de l’accès Internet gratuit comme Freeserve.Quels sont les problèmes auxquels reste confronté AOL ? Aux Etats-Unis, sur le marché de l’accès payant à Internet, AOL tient une position confortable. Sa part de marché s’élevait à 55 % en septembre 1999, et ses concurrents suivent loin derrière. L’ensemble Mindspring/EarthLink possède une part de marché de 12 %, et Prodigy, de 5 %.
En ce qui concerne le marché de l’accès gratuit, qui se développe de l’autre coté de l’Atlantique, la problématique est malgré tout différente de celle de l’Europe, du fait du faible coût des communications locales. AOL doit néanmoins réagir face à des acteurs comme NetZero, qui affirme déjà avoir séduit 3 millions d’abonnés. Le contenu devrait permettre à AOL de bien résister.
En Europe, la donne est différente. Le marché de l’Internet gratuit est très développé. La position d’AOL est donc plus menacée. En outre, pour la société AOL Europe, joint-venture entre Bertelsmann et AOL, la partie va être délicate car Bertelsmann est un concurrent direct de Time Warner. Le président de Bertelsmann a d’ailleurs proposé de céder son fauteuil au conseil d’administration d’AOL.
En France et en Italie, le caractère anglo-saxon de Time Warner ne sera sans doute pas du goût des internautes. AOL devra donc continuer à passer des accords avec des fournisseurs de contenu locaux.AOL va-t-il distancer définitivement ses concurrents ? Il faut rappeler qu’AOL domine déjà largement le marché des FAI payants avec ses 22 millions d’abonnés. Maintenant, pour ses concurrents, tout dépend de la manière dont AOL va donner accès au contenu de Time Warner.
Si l’accès est gratuit, la part de marché du portail d’AOL va grimper. Dans ce cas, tous les acteurs d’Internet seront perdants, FAI et fournisseurs de contenu commeYahoo!. Dans le cas contraire, c’est-à-dire avec un contenu accessible via un abonnement à AOL, les grands perdants seront les fournisseurs d’accès. Dans tous les cas de figure, Microsoft est également en mauvaise posture.Faut-il s’attendre à d’autres mégafusions de ce type au cours des prochains mois ? En Europe, aucune fusion ne pourrait rivaliser avec celle d’AOL et de Time Warner. Pour deux raisons. Tout d’abord, les fournisseurs d’accès locaux sont loin des 22 millions d’abonnés à l’actif d’AOL. Ainsi, Wanadoo de France Télécom ne peut compter que sur 1 million de fidèles.
L’allemand T Online est le plus performant, mais avec 4 millions d’abonnés seulement. Par ailleurs, le nombre d’acteurs européens est très faible. Les seules sociétés pouvant attirer la convoitise sont le câblo-opérateurs UPC et la filiale européenne de @Home. Aux Etats-Unis, la seule société qui devrait réagir est Microsoft.
Elle cherche elle aussi à s’imposer dans le domaine des réseaux câblés américains. Elle obtient de mauvais résultats aussi bien en tant que FAI qu’en termes de popularité. Ainsi MSN a-t-elle vu sa part daudience passer de 13,4 % en janvier 1999 à 7,5 % en septembre. Mais cela reste tout de même important. Qui plus est, Microsoft dispose de la puissance financière nécessaire pour réagir.

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La rédaction