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Qui peut arrêter DeCSS?

Sur le réseau, ce qui ne passe pas par la porte passe la fenêtre. La fenêtre est condamnée? La cheminée fera l’affaire, ou alors les trous de souris. La preuve s’appelle DeCSS.

Lorsque les grands faiseurs de cinéma (Sony, Universal, Disney…) ont adopté le DVD, ils avaient très très peur des copies pirates. Ils ont donc inclus dans les DVD un système de cryptage afin d’interdire toute copie d’un film sur un disque dur, un DVD-RAM ou, pire, sa diffusion sur Internet. C’est le Content Scrambling System ou CSS. Pourquoi détester le CSS ? Aucune raison, sauf lorsque son micro-ordinateur fonctionne avec Linux.La communauté des développeurs Linux, des gens soupçonnés d’entretenir des tendances anarchistes néfastes à la protection de la propriété intellectuelle en général et aux propriétés des majors en particulier, a été privée du code source de CSS. Conséquence, il est interdit de regarder un DVD sur son PC Linux. Réponse du berger à la bergère ? Le logiciel libre DeCSS casse le chiffrement CSS.Le DVD Forum, qui compte Time Warner et Sony parmi ses membres fondateurs, a aussitôt fait interdire DeCSS par la justice. Un tel code scélérat ne pouvait décider à leur place de qui a le droit d’accéder aux précieuses productions cinématographiques de ses membres. Le site de hackers 2600.com, qui diffusait très largement DeCSS, a été condamné à retirer de ses pages tous les liens hypertexte qui renvoyaient au logiciel incriminé.La condamnation à peine publiée, DeCSS s’est mis à pulluler sous toutes les formes possibles et imaginables. Les exécutables du programme sont disponibles sur un nombre impressionnant de sites (testez la chose avec n’importe quel moteur de recherche en entrant juste DeCSS comme mot-clé). Le code source, lui-même interdit, s’est trouvé animé d’une étrange vie autonome.Diffusé par le réseau, on le retrouve sur des T-shirts et des tracts, dans les journaux et sur des affiches. Un tribunal américain a même eu la bonne idée de l’inclure intégralement dans un de ses jugements. Les jugements étant publics, n’importe quel citoyen américain a donc un accès légal à DeCSS en consultant les archives du tribunal… qui déclare DeCSS interdit. La mode est telle que l’on se prend à rêver de hordes de cadres s’en allant travailler avec leur cravate frappée du code de DeCSS.L’une des morales à tirer de cette histoire est que l’idée même de censurer un code informatique à l’époque d’Internet est stupide et inopérante. Elle l’est encore plus lorsqu’elle est provoquée par un réflexe de protection corporatiste. L’industrie du DVD, constructeurs de lecteurs et pourvoyeurs de contenus réunis, s’est couverte de ridicule. Plus elle interdit, plus ce qu’elle interdit circule et se réplique. La capillarité du réseau, sa capacité à diffracter indéfiniment un bout de logiciel est incontrôlable. Et certainement pas contrôlable par des intérêts privés qui agissent contre l’intérêt collectif.Ceux qui participent à la diffusion de DeCSS ne sont pas des pirates. Loin de là : la majorité de ceux qui le téléchargent n’ont même pas de lecteur de DVD ! Leur acte est une prise de position, un pied de nez militant à ceux qui prétendent limiter les échanges numériques pour de sombres motifs de bénéfices commerciaux. La démonstration est faite, cette censure-là ne peut plus marcher.Alors, souhaitez-vous télécharger DeCSS aujourdhui ? Prenez votre temps.Prochaine chronique le jeudi 28 septembre.

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Renaud Bonnet, chef de la rubrique Actualités