Passer au contenu

Quand les algorithmes modifient le son de nos enceintes

L’intégration d’algorithmes dans l’audio change désormais la donne. Ce n’est plus la pièce qui doit s’adapter à nos enceintes, mais les enceintes qui s’adaptent à la pièce. Mais comment cela fonctionne-t-il et comment faisait-on avant ?

C’est l’une des innovations les plus importantes sur les enceintes commercialisées ces dernières années : l’arrivée d’algorithmes dédiés à la gestion de la qualité sonore. L’idée de ce principe est d’analyser l’acoustique de la pièce et d’y adapter le son de l’enceinte. Sonos a été l’un des premiers à proposer ce genre de chose avec son système Trueplay. Pendant que l’enceinte émet des fréquences allant des graves aux aigus, l’utilisateur doit se déplacer dans la pièce avec son iPhone à la main. Le micro de ce dernier analyse la signature sonore du lieu et harmonise en conséquence le son délivré par l’enceinte.

Le système est très efficace et peut réellement transformer la qualité sonore d’un produit Sonos, nous avons pu le vérifier à de multiples reprises lors de nos différents tests. En revanche, il prend une petite dizaine de minutes à être mis en œuvre et doit être reproduit à chaque fois que l’on déplace l’enceinte. Enfin, il nécessite forcément un iPhone, impossible de le faire avec un smartphone Android.

LM/01net.com – La Google Home Max est elle aussi munie d’un micro permettant de se calibrer.

« Nous avons limité cela aux smartphones d’Apple, car nous connaissons parfaitement les caractéristiques de leurs micros », nous indique Greg McAllister, responsable de l’expérience sonore de Sonos. Pour y parvenir, la marque teste des milliers d’iPhone pour analyser les performances techniques de leurs microphones, notamment les fréquences qu’ils peuvent saisir et surtout celles avec lesquelles ils sont moins à l’aise. Logique, ces micros sont faits pour capter essentiellement la voix, ils ne sont pas dédiés à l’analyse d’un spectre sonore complet. Impossible pour la société d’analyser ainsi les milliers de modèles Android sur le marché et dont les composants peuvent même varier entre les différents exemplaires d’un même modèle.

Pour ne pas être dépendant d’un appareil qui n’est pas fabriqué par leurs soins, certains constructeurs ont fait un autre choix : utiliser les micros inclus directement au sein de leurs appareils. Ainsi, le HomePod d’Apple et la Google Home Max, deux enceintes munies d’un assistant vocal et donc de micros, analysent leur environnement en temps réel pour y adapter leur qualité audio. Tout cela sans que l’utilisateur n’ait rien à faire.

Le casse-tête de la hi-fi

Mais que veut dire exactement « adapter » le son d’une enceinte à une pièce ? Tout d’abord, le procédé existe depuis longtemps dans le milieu de la haute-fidélité. Il paraîtrait même incongru de s’offrir un ampli et des enceintes valant plusieurs milliers d’euros sans procéder à une installation en bonne et due forme. Pour cela, l’idée est généralement de faire en sorte d’obtenir une acoustique la plus neutre possible de la pièce où est placé le matériel.

Cette courbe de réponse en fréquence montre que l’enceinte analysée a tendance à accentuer les basses.

Bien entendu, s’il s’agit d’une pièce à vivre, il est exclu de la recouvrir de boites d’œufs vides ou d’habiller les murs de laine de roche pour en faire un studio d’enregistrement. Le but est alors de sonder l’acoustique du lieu, puis de modifier au fur et à mesure l’emplacement des enceintes et du mobilier. On cherche ainsi à éviter que les signaux acoustiques émis par les enceintes soient déphasés et produisent un résultat audio qui sonnerait étrangement. En déplaçant sensiblement le mobilier (de quelques centimètres), on joue sur la réflexion du signal pour éviter qu’il vienne perturber celui des enceintes.

Le but ici est d’obtenir une courbe de réponse en fréquence la plus plate possible. Pour cela, on doit s’aider d’un logiciel adéquat (tel que Room EQ Wizard) et d’un microphone (de bonne qualité) branché sur l’ordinateur. Comme pour le système Trueplay de Sonos, on diffuse sur les enceintes des sons allant des graves aux aigus et on analyse leur restitution grâce au micro. Seul problème, une telle configuration prend plusieurs heures à être mise en place et nécessite la répétition de toutes ces étapes pour ajuster au fur et à mesure le placement des enceintes et des meubles.

L’interface de du logiciel Room EQ Wizard.

Les algorithmes déterminent l’égalisation appliquée aux enceintes

On comprend aisément que le grand public, exigeant, mais moins regardant quant à la perfection de son installation audio, ne désire pas se plier à cette étape. Et ne souhaite pas non plus déménager l’ensemble de son salon. D’où les systèmes de Sonos, Google et Apple, beaucoup moins contraignants à l’usage. Mais alors, comment peuvent-ils mieux sonner dans une pièce sans que l’on ait à bouger tous ses meubles ou mesurer au centimètre près l’exact placement de l’enceinte ?

« Avec le système Trueplay, on veut s’affranchir des contingences de la pièce pour obtenir la meilleure qualité sonore, expose Greg McAllister. En se promenant dans la pièce avec le micro de son iPhone à la main, l’utilisateur nous remonte la signature sonore du lieu. Grâce à cela, on sait quelles sont les fréquences accentuées par rapport à une courbe de réponse en fréquence plate. Les caractéristiques de la pièce sont alors rapprochées de notre catalogue de modélisation qui recense différents types de signature sonores, détaille-t-il. À chaque type de lieu correspond alors une simple égalisation adaptée de l’enceinte. Si la pièce reflète par exemple beaucoup les aigus, on pourra les atténuer légèrement pour éviter que cela soit désagréable à l’écoute ».

En mars 2017, Hilmar Lehnert nous avait donné un premier indice. À l’occasion de la présentation de la Playbase, le directeur de l’ingénierie de Sonos nous expliquait que les enceintes elles-mêmes étaient conçues à partir de ces algorithmes : « Nous pouvons recouper les données de nos utilisateurs pour obtenir la signature sonore moyenne de leur domicile. Je serai bien incapable de vous dire à quoi ressemblent leurs pièces ni quelle est leur taille, mais au moins nous pouvons nous approcher de la meilleure configuration d’origine possible sur nos enceintes ».

Dès leur conception, les enceintes du constructeur sont donc conçues pour s’approcher au mieux de l’acoustique de la pièce dans laquelle elles vont être utilisées. Une approche qui fait bondir les fabricants d’enceintes haut de gamme lorsqu’on les interroge sur le sujet : « Nous avons surtout l’impression que ces algorithmes sont utilisés pour pallier les performances moyennes de ces enceintes », considère Nicolas Debard, chef de produit chez Focal. Entre hi-fi et audio grand public, voilà donc à nouveau deux approches qui s’affrontent. Certainement pour longtemps encore.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Jean-Sébastien Zanchi