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Pourquoi les arguments de Facebook pour défendre les petites entreprises contre Apple ne tiennent pas

« Au nom des petites entreprises », Facebook a entrepris de dénoncer la future mise à jour d’iOS 14. Or, il semblerait que ce soit plutôt une lutte pour sa propre survie (et l’exploitation de nos données). 

Mi-décembre, Facebook a acheté des annonces pleine page dans les principaux quotidiens américains (le New York Times, le Washington Post et le Wall Street Journal) arguant que les changements dans la politique de confidentialité d’Apple, applicables via une prochaine mise à jour d’iOS 14, nuira aux petites entreprises.
Les publicités, publiées le 16 décembre, affirment que Facebook « tient tête à Apple pour les petites entreprises », pour lesquelles les changements apportés par Apple seront « dévastateurs ». Le message essentiel : l’entreprise de Tim Cook serait « anti-Web ».

Apple « anti-Web » ? 

Et ce n’est pas fini : Facebook a agrémenté le tout d’une note de blog avec une vidéo en soutien aux petites entreprises pour asseoir sa position de défenseurs des David contre Goliath.
Après l’Electronic Frontier Foundation (EFF), qui n’a pas manqué de se moquer de la campagne du mastodonte, c’est au tour du magazine Wired de se payer Facebook en publiant une tribune d’un universitaire américain, Dipayan Ghosh, enseignant à la réputée Harvard Kennedy School, qui a entre autres vu passer par ses bancs Felipe Calderon, l’actuel président du Mexique, ou l’ancien premier ministre canadien, Pierre Elliott Trudeau, père de l’actuel premier ministre canadien. 
L’article explique pourquoi cette position est finalement purement « égoïste » et démonte un par un les arguments avancés le groupe de Mark Zuckerberg. 

Un tracking étendu mais milimètré 

D’abord, la nouvelle politique de confidentialité d’Apple, qui s’appliquera à iOS 14, est assez claire : le suivi des données n’est pas autorisé si l’utilisateur choisit de désactiver l’option. Ce choix doit lui être présenté à travers l’App Tracking Transparency, d’Apple, qui, dans l’interface utilisateur, se matérialisera par une requête pop-up d’iPhone typique. 

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Ensuite, Apple a indiqué explicitement ce que recouvrait cette notion de tracking : des publicités ciblées intégrées aux applications avec l’aide de tiers, le partage de données de localisation avec des courtiers, le partage de données personnelles (adresses mail par exemple) et, enfin, l’utilisation de SDK par des tiers à des fins de ciblage publicitaire. C’est une définition étendue du tracking, en effet, mais elle aurait pu l’être encore plus, note Dipayan Ghosh

Des pubs à perte ? 

D’après les publicités de Facebook, les petites entreprises (développeurs et annonceurs surtout) seront touchées à long terme par ces changements.

Le groupe estime ainsi que 44 % des « petites et moyennes entreprises ont commencé ou augmenté leur utilisation de publicités personnalisées sur les réseaux sociaux pendant la pandémie » et que « l’annonceur moyen d’une petite entreprise devrait voir ses ventes diminuer de plus de 60 % pour chaque dollar dépensé ». 

Mais en y regardant de plus près, l’article du Wired décortiquent ces chiffres avancés par Facebook. Ils apparaissent en réalité ni étonnants, ni choquants, ni même inquiétants : ce 44 % correspond au fait que tout le monde était sur les réseaux car on était coincés chez nous, et donc que les publicitaires sont allés chercher les gens où ils étaient, et ce 60 % qualifié de « trompeur » par nos confrères américains, ne tient pas compte de la possibilité que ces entreprises trouvent d’autres interfaces pour toucher les consommateurs.

Facebook se bat pour sa pomme ? 

En étayant le propos par d’autres détails, l’article du Wired démontre qu’en fait ces changements vont être moins contraignants pour les petits développeurs et annonceurs qui travaillent avant tout sur les réseaux sociaux que pour Facebook. « Des corrections mineures de codage » qui vont causer « quelques petits maux de tête », admet l’article mais il s’agit surtout de l’effondrement du système sur lequel s’est structuré le groupe de Mark Zuckerberg. Et Apple lui prendra des parts de marché. Facebook ne se bat donc pas pour les petits mais pour sa pomme. 

Facebook avait un quasi-monopole de l’information personnalisée à revendre, il va devoir partager. Et en reprenant un peu de recul, il semblerait en outre que les changements de politique d’Apple aillent plus dans le sens de ce que demandent les citoyens, les États et les lois, c’est à dire une protection millimétrée de notre vie privée en ligne. Pourtant, Facebook semble s’accrocher contre vents et marées à un modèle peu durable.

Source : Wired  

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Marion SIMON-RAINAUD