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Pourquoi la spectaculaire offensive d’Elon Musk contre Twitter affole la tech

L’homme d’affaires mène une guerre de communication sans pitié pour prendre le contrôle du réseau social. Mais ses méthodes et ses objectifs inquiètent.

La Silicon Valley retient son souffle. Elon Musk tente de rafler Twitter depuis plusieurs jours. Et la direction fait de la résistance. Retour sur une affaire qui s’enlise et fait beaucoup de bruit.

  • Elon Musk a officialisé début avril son entrée au capital de Twitter réalisé au mois de janvier dernier. Avec 9,2% des parts, il en est devenu le principal actionnaire. Il a alors assuré aux autorités de régulation américaines ne pas vouloir peser sur les inflexions stratégiques du géant du web.
  • Dans le même temps, le patron de Tesla et SpaceX s’est comporté comme un troll, multipliant les messages provocateurs. Il a ainsi proposé un sondage demandant aux internautes s’ils désiraient un bouton « éditer » pour modifier un tweet après publication… Ou encore déclaré que la plate-forme était en train de mourir après avoir souligné l’inactivité de comptes très suivis.

  • De façon apparemment paradoxale, il finit par renoncer le 11 avril à entrer au conseil d’administration de Twitter comme le lui proposait son patron Parag Agrawal. Mais le PDG avait probablement pour arrière-pensée de parvenir à le neutraliser ou tout du moins le garder sous contrôle. Il aurait dû, en effet, s’engager à ne pas posséder plus de 15 % des actions. 
  • Le plus beau coup de théâtre survient le jeudi 14 avril, quand Musk annonce vouloir finalement racheter tout Twitter pour 43 milliards de dollars. Soit 38 % de plus que le cours de l’action au moment où il a formulé l’offre.

  • Le lendemain, l’entreprise contre-attaque en adoptant une clause protectrice. Baptisée « pilule empoisonnée » par les financiers, elle permet de se défendre contre une OPA hostile. Lorsqu’un investisseur rafle plus de 15 % du capital sans l’accord du conseil d’administration, les autres peuvent racheter de nouvelles parts à prix réduit. Ce qui revient à diluer la participation du principal actionnaire. Il se retrouve obligé de débourser beaucoup plus que prévu pour mettre la main sur le reste. Et le conseil d’administration dispose alors de davantage de temps pour trouver éventuellement un autre acquéreur. Le corollaire de cette manœuvre, c’est de risquer de faire chuter le cours de l’action Twitter.
  • Pas de quoi arrêter Elon Musk. Il appelle ses fans sur Twitter à participer une nouvelle fois à un sondage biaisé pour protester contre cette pilule empoisonnée.

  • Pour ne rien gâcher, le fondateur de Twitter Jack Dorsey se montre très critique contre la direction du service.

  • Et Elon Musk peut compter sur le soutien sans faille des jumeaux Winklevoss, actionnaires de Twitter ou d’autres personnalités alliées.
  • Les sociétés de capital-investissement Apollo et Thomas Bravo se déclarent intéressées pour rejoindre un montage financier de repreneurs le 18 avril.

Un épilogue le 28 avril ?

En théorie, Elon Musk a largement les moyens de s’offrir Twitter : c’est l’homme le plus riche du monde, avec une fortune estimée par Forbes à plus de 200 milliards de dollars. Sauf qu’il faudrait qu’il vende des parts dans ses autres sociétés. Il peut aussi emprunter cet argent, la banque Morgan Stanley étant prête à lui accorder un financement. Ou encore s’associer avec d’autres partenaires.

Le suspens devrait prendre fin le 28 avril prochain lors de la publication des résultats financiers de Twitter. Le conseil d’administration pourrait alors rejeter l’offre d’Elon Musk et en appuyer une autre. Mais l’issue de l’affaire semble aujourd’hui encore totalement incertaine.

Un twitto compulsif à l’influence considérable

Contrairement aux apparences, ce n’est pas qu’un simple feuilleton technologico-financier. En saturant Twitter de ses moqueries et de ses éclats, Elon Musk est parvenu à retourner beaucoup d’utilisateurs contre le réseau social et même à le ridiculiser. Une sorte de putsch médiatique d’un niveau jamais vu.

Les méthodes de cet agitateur ne sont pas sans rappeler celles de l’ancien président américain Donald Trump. Comme lui, Elon Musk est un twitto compulsif. Cela lui permet de communiquer directement avec le public et de défendre efficacement ses intérêts. Car il ne fait pas dans la nuance et n’hésite pas à mentir ou enfreindre la loi dans ses tweets. Il a ainsi été reconnu coupable d’avoir manipulé le cours de la bourse de Tesla à son profit avec ses messages. Il a récidivé, par exemple, au bénéfice de la cryptomonnaie Bitcoin, puis Dogecoin.

Il faut dire qu’il compte plus de 82 millions d’abonnés, ce qui lui confère un pouvoir considérable. Alors, bien entendu, ce libertarien ne voit pas d’un bon œil la modération mise en place par Twitter, ni toute régulation en général.  Il n’a pas hésité à traiter de « bâtards » les régulateurs de la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain, lors d’une conférence TED à Vancouver la semaine dernière.

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Le danger plane sur nos données et la démocratie

La perspective de voir Elon Musk faire main basse sur Twitter a de quoi effrayer. Officiellement, il veut défendre la liberté d’expression et assure pour cela qu’il faut retirer la société de la bourse et la transformer en entreprise privée non cotée.

De cette manière, il se retrouverait surtout avec un contrôle total sur Twitter. Avec le danger que les données sensibles que détient la plate-forme sur des millions de personnes dans le monde ne soient plus aussi bien protégées.

Elon Musk pourrait aussi réduire à néant la politique de modération et le code de bonne conduite instaurés par Twitter, afin de s’exprimer sans plus aucune entrave et influencer encore davantage l’opinion publique. Le réseau social deviendrait alors son outil de propagande, au moment même où l’Europe tentent de responsabiliser davantage les GAFAM vis-à-vis de leurs contenus.

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Amélie CHARNAY