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Mondialisation : six recommandations pour vos projets commandos

L’implantation de progiciels dans des pays dotés d’une infrastructure informatique déficiente nécessite la mise en place d’une organisation ad hoc.

Pour les entreprises, la mondialisation n’est pas qu’un sujet de débat idéologique. C’est une réalité quotidienne. Délocalisation d’activité, rachat de concurrents locaux ou d’unités de production, partenariats internationaux sont devenus courants. Ce n’est pas sans avoir des conséquences sur leur système d’information. Qu’ils cherchent à équiper une nouvelle implantation, à remplacer un système informatique “préhistorique”, à faire communiquer entre elles des applications ou à harmoniser les progiciels entre leurs différentes entités internationales pour unifier leur référentiel de méthodes et de données, les services informatiques des entreprises sont lourdement mis à contribution.Bien que la technologie se mondialise elle aussi, ces projets se déroulent souvent dans des pays où les infrastructures sont déficientes, où les partenaires habituels ne sont pas ou peu présents, où il est difficile de recruter des informaticiens compétents. Dès lors, en Afrique, en Asie, en Europe de l’Est, ou en Amérique Centrale, ils peuvent prendre une tournure particulière. Ils s’apparentent ainsi quelque peu à des projets commandos, sur lesquels les entreprises avancent, bien souvent, sans beaucoup d’aide.

1. Évaluer le coût de déploiement

Avant de s’engager sur un projet délicat et lointain, la première question qu’une entreprise doit se poser est celle du coût. Lorsque l’on décide de déployer un progiciel de gestion intégré (PGI) dans un pays où un PC coûte déjà plusieurs mois de salaire, le retour sur investissement est loin d’être évident. D’autant plus que le choix d’une implantation dans un pays émergent est souvent motivé par des raisons économiques. Cependant, l’évaluation de la nécessité de l’investissement informatique et de sa rentabilité diffère de ce qu’elle peut représenter pour un projet dans un pays développé. Même s’il coûte cher, l’outil de gestion informatique sera, par exemple, l’indispensable base sur laquelle on réorganisera le fonctionnement de l’unité de production. Dans ces conditions, on préférera dans certains cas un outil plus onéreux s’il permet de lancer plus rapidement l’activité.

2. Se repérer sur le terrain

Estimer le prix du projet par rapport aux coûts locaux, c’est déjà se plonger dans le contexte spécifique au pays d’implantation. Arnaud Demay, chef de projet chez Lafarge Aluminates, a dû gérer des implantations du PGI Generix en Chine ou en Turquie. Pour lui, l’étude préalable du terrain est cruciale. “Avant de démarrer le projet, souligne-t-il, il est indispensable d’obtenir le maximum d’informations sur le contexte local : règles administratives et comptables, formats spécifiques de documents, pratiques particulières, nature des relations avec l’Administration, les banques et les clients.” Certes, les études préalables sont souvent menées depuis la France. Mais un premier voyage de reconnaissance est inévitable pour juger, sur place, de l’état des infrastructures ou établir les premières relations avec les contacts locaux de l’entreprise. Dans ce cas, le poste d’expansion économique des ambassades françaises peut s’avérer un bon relais. Petite restriction, cependant : “Cela n’est réellement utile ?” dans des négociations commerciales, par exemple ?” que si l’entreprise sait précisément ce qu’elle recherche”, prévient Yves Sarrazin, directeur de l’international et des acquisitions chez Euriware. De cette étude préalable découlera, en particulier, le choix des outils et des hommes, qui devront s’adapter à un contexte souvent inédit.

3. Choisir la solution

Ce n’est qu’après ces premières phases de reconnaissance que l’outil et l’architecture seront choisis. Certes, on privilégiera souvent, comme l’a fait Lafarge avec J.D. Edwards et Generix, des solutions déjà utilisées par l’entreprise, qui permettent de s’appuyer sur de bonnes connaissances internes. Cependant, on pourra, par exemple, opter pour des plates-formes à la fiabilité éprouvée, comme l’AS/400, choisir un système centralisé ?” les serveurs restant en France ?”, voire recourir à des solutions plus originales. Ainsi, une société possédant une mine de bauxite en Guinée et utilisant le progiciel Iris, de Viveo Entreprise, a décidé de rapatrier mensuellement les données ?” après que celles-ci ont été stockées sur disque. Et ce, pour éviter tout risque de fraude et ne pas dépendre de la mauvaise qualité du réseau téléphonique. “Les multinationales imposent rarement d’adopter SAP ou Oracle si nous pouvons trouver mieux sur le marché local, assure Yves Sarrazin. Mais si l’un ou l’autre n’est pas présent sur ce marché, on peut douter du fait qu’il y ait mieux.” Et d’ajouter : “Le plus gros problème n’est pas la localisation des progiciels, mais le support à distance. Surtout s’il n’est pas possible de s’appuyer sur des partenaires locaux.”

4. Trouver et conserver les bons appuis locaux

“Il faut déléguer au maximum la gestion des sous-traitants locaux”, conseille Arnaud Demay, chef de projet de Lafarge Aluminates. Pour Jeff Arnaud, adjoint au CIO de Lafarge, la fonction de responsable informatique consiste même davantage à superviser des équipes composées d’éditeurs, de consultants et d’intégrateurs qu’à maîtriser des technologies. A partir de là, toutes les expériences sont bonnes à mener. “Au Maroc, c’est le client lui-même qui nous a recommandé des partenaires ; en Pologne, c’était IBM”, explique Yves Sarrazin, chez Euriware. On peut également passer par des structures associatives. “Au sein du Syntec, il existe un groupe d’entreprises international. Celles-ci se proposent d’accueillir les nouveaux arrivants dans les pays où elles sont déjà présentes”, rappelle Yves Sarrazin. Quant au responsable du projet Generix pour la Chine, il a été contacté par un autre client de l’éditeur, souhaitant déployer le progiciel à Hong Kong. En l’occurrence, c’est le club utilisateurs qui a permis cette prise de contact. “Concernant les particularismes locaux, ils relèvent souvent du contexte métier, souligne Arnaud Demay. On ne peut donc pas se reposer sur l’éditeur.” Ce dernier peut cependant être très impliqué dans la création d’une équipe volante, à l’instar des intégrateurs et de l’utilisateur.

5. Constituer et fidéliser l’équipe

“Nous sommes souvent le dos au mur pour constituer une équipe. Et nous nous demandons ce que l’on peut trouver au lieu de ce que l’on veut trouver, note Mohamed Marfouk, DSI du Groupe Danone. Heureusement, les partenaires ?” éditeurs ou intégrateurs ?” sont souvent prêts à jouer le jeu.” Ces derniers sont unanimes sur le profil des membres de l’équipe : extrêmement qualifiés dans plusieurs domaines, indépendants et n’hésitant pas à sortir des sentiers battus. Bref : des entrepreneurs. “En plus de l’installation du progiciel, nous avons été consultés pour la construction d’un bâtiment et le recrutement, se souvient Marc Bonnemains, directeur technique du projet d’installation du centre d’appel de Dacia ?” filiale de Renault ?” en Roumanie. Nous constituons généralement des équipes mixtes, françaises et locales. Quand il n’y a pas de compétences sur place, nous pouvons recourir à celles issues de pays frontaliers. Pour notre implantation de SAP en Roumanie, nous avons fait venir quelqu’un de République tchèque, par exemple.” Les compétences techniques et fonctionnelles ne suffisent pas : la langue locale, l’anglais, la connaissance des habitudes, et celle du contexte social et politique, sont recherchés. Sans compter la faculté de former le personnel local.

6. Savoir transférer les compétences

Dans la plupart des cas, les éditeurs et SSII ne profitent pas de ces “missions commandos” pour s’implanter définitivement sur le terrain. “Il s’agit plutôt d’une exportation intellectuelle des progiciels”, définit Hervé Rozier, directeur des services chez l’éditeur Viveo Entreprise. Dès lors, il est indispensable de rendre autonomes les utilisateurs locaux. Hormis les problèmes de langage, la formation porte plus sur la compréhension du business model et sur la prise de décision que sur les compétences informatiques pures. Cette formation peut se faire dès la conception du projet. “Nous avons commencé la mise en ?”uvre en France avec les Guinéens. Une fois trouvée la maquette satisfaisante, nous sommes partis sur place”, se rappelle Hervé Rozier. Même chose lors de la mise en ?”uvre, par Danone, de SAP en Chine : le transfert de compétences a eu lieu à Paris, où l’équipe chinoise est venue se former pendant une quinzaine de jours. Mais cela ne suffit généralement pas. L’utilisateur doit donc prévoir, dans le contrat avec son intégrateur et son éditeur, non seulement un transfert de compétences sur site, mais aussi des hotlines qualifiées et adaptées au fuseau horaire du pays.

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Jean-Baptiste Dupin et Renaud Edouard