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Les pseudo-dollars de l’industrie informatique

Au moment où la Bourse apprend à ne plus croire aux chiffres présentés par les industriels, les révélations sur les manipulations comptables se multiplient

La pratique porte le joli nom de ” comptabilité créative “. Elle est apparue aux yeux du grand public pendant l’affaire Enron, où on a découvert que plus de100 milliards de dollars ont artificiellement gonflé le chiffre d’affaires de la société. Depuis, les pratiques financières des entreprises américaines sont soumises à caution.Et en particulier celles de l’industrie informatique, la plus sensible aux fluctuations de Wall Street. La suspicion touche désormais tout le monde. Même le respectacle IBM vient de s’y faire prendre. Lors de son dernier trimestre fiscal, la société a vendu pour 340 millions de dollars une unité de composants optiques à JDS Uniphase. Le New York Times révélait plus tard que la compagnie n’a pas communiqué cette transaction dans son dernier rapport financier.C’est que, contrairement aux usages, IBM n’a pas inscrit cet apport au titre de gain exceptionnel, mais l’a fondu dans ses résultats. Une astuce comptable ” créative ” qui a permis à IBM d’atteindre discrètement les objectifs financiers fixés par la Bourse.Pour sa part, Cisco s’est attelé à limiter ses pertes. Lors de son troisième trimestre, le constructeur a provisionné une charge exceptionnelle de 2,25 milliards de dollars, consistant en produits invendus. Sauf que, d’après CNet, certains de ses invendus auraient été… vendus par la suite. Or la valeur de ces produits, censés être bons pour la décharge, est nulle. Le moindre dollar vendu devient alors un dollar de bénéfice. L’astuce permet ainsi à Cisco de diviser par deux ses pertes sur son dernier trimestre.

Encore plus fort

Plutôt que de jouer chacun de leur côté avec leurs comptes, les fournisseurs de capacités télécoms s’arrangent entre eux. A l’instar des pratiques de Global Crossing, il est courant pour deux opérateurs de s’échanger des capacités de communication. L’un et l’autre peuvent alors présenter la capacité fournie comme une vente et gonfler d’autant son chiffre d’affaires. Selon le Gartner Group, KPNQwest tire ainsi 15 % de son chiffre d’affaires de ces échanges de bons procédés.A contrario, plutôt que de gonfler artificiellement leurs ventes, certains préfèrent dégonfler artificiellement leurs dépenses, comme Qwest avec la complicité de KMC Telecom. Selon le Wall Street Journal, ce holding a acheté plus de 450 millions de dollars d’ équipements à Qwest, lui vendant en échange des services. Services qui consisteraient avant tout en l’externalisation des produits acquis. Qwest aurait ainsi réduit ses dépenses à bon compte, se délestant de la gestion d’ une partie de ses équipements.Toutes ces dépenses ont un point commun : elles sont légales. Rien n’empêche une société de se livrer à de telles pratiques.Du moins, tant qu’elle en parle. La SEC, équivalent américain de la COB, tire en effet son pouvoir des règlements boursiers, qui exigent des entreprises une communication claire vis-à-vis des investisseurs. Mais, plus que les détenteurs d’actions, les détenteurs d’emprunts pourraient poser problèmes aux entreprises trop ” créatives “.Qwest et Tyco, deux compagnies surveillées par la SEC, ont ainsi été obligées d’emprunter auprès de leurs banques, les investisseurs demandant des taux de rémunération trop élevés pour cause de finances sujettes à caution. Les chiffres d’affaires virtuels ne plaisent pas à tous.

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Ludovic Nachury, à New York