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Les opérateurs devront faire preuve d’imagination pour amortir leurs investissements

Plombés par de lourdes dépenses en licences et en infrastructures, les opérateurs télécoms cherchent de nouvelles sources de revenus. Principale cible : le marché très convoité des professionnels.

NTT Docomo a franchi en début d’année la barre des 20 millions d’abonnés à ses services I-mode. Le succès que rencontre le promoteur japonais de l’internet mobile laisse rêveurs ses comparses des autres continents. L’usager moyen nippon est prêt à voir progresser sa note téléphonique de 30 % pour payer les services nomades, “et la part de la voix dans la note augmente sensiblement “, constate Franck Bouetard, directeur marketing d’Ericsson France. Mais, malgré son franc succès, le laboratoire japonais aura eu le mérite de prouver que le marché est particulièrement difficile à cerner. Là où l’on attendait les usages professionnels, ce sont les activités ludiques qui tiennent le haut du pavé. Mais les données sont très différentes et la recette nippone n’est pas directement transposable au marché européen ou américain. Au Japon, l’internet mobile sert principalement à consulter ou à écrire des e-mails, l’accès au réseau par le biais du PC étant particulièrement onéreux. Viennent ensuite les revenus liés aux jeux, ou aux échanges de fichiers numériques, notamment des photos. NTT Docomo propose ainsi une centaine de services à ses abonnés, de l’homme d’affaires aux adolescents.

Un développement freiné

Reproduit à l’identique, l’Europe représenterait une véritable manne pour les opérateurs de télécoms compte tenu du fort taux de pénétration du portable, qui va de 52 % en France à 81 % en Finlande. Mais la concurrence de l’accès sur PC, avec une multitude de services gratuits, et le retard à l’allumage des technologies facilitant l’utilisation de l’internet mobile ont mis un frein considérable à son développement.”Beaucoup de services qui paraissaient prometteurs n’en sont en fait qu’à leur balbutiement “, constate Vincent Poulbère, de l’Idate (Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe). Quant à faire payer pour les obtenir… Une étude de Forrester Research montre que les revenus de ces services augmenteront de 6 dollars (7,10 euros) par mois en 2005. Ils ne combleront même pas la chute des revenus de la voix estimés à 13 dollars à cette époque. La principale source de valeur ajoutée, le contenu, ne représentera que 600 millions de dollars pour les opérateurs européens à l’horizon 2003, selon Datamonitor. “ Mais toutes ces estimations sont basées sur la connaissance que l’on a de l’univers du GSM et du WAP“, insiste Franck Bouetard. “Nous sommes en plein changement de paradigme : il faut faire abstraction du passé et tout réinventer“, assure le directeur marketing France d’Ericsson, résolument optimiste. “Seuls les opérateurs les plus créatifs, capables de transformer leurs idées en modèle d’affaires, sortiront bénéficiaires “, prédit-il. Et de citer la possibilité de miser sur les tribus, phénomène important du téléphone mobile mis en avant par l’usage des SMS.Ces messages, souvent phonétiques, sont particulièrement prisés par les 15-25 ans. “ L’euphorie totalement inattendue envers les messages courts confirme que prévoir les “killer applications” de l’internet mobile est quasiment impossible“, poursuit Julien Billot, d’Orange. Il constate l’échange de près de 130 millions de messages par mois, contre 20 millions l’année dernière. “Rien que le phénomène Loftstory génère un million de messages courts par semaine “, précise-t-il. Le WAP, lui, ne décolle décidément pas. Orange va péniblement atteindre les 700 000 utilisateurs ” actifs ” à la fin du mois. Pourtant, Julien Billot se hasarde à estimer que sur les 15 millions d’abonnés d’Orange, ces services particuliers d’échange de données pourraient concerner un million de personnes . Les services à réinventer vont devoir être modulables.Une application phare “sans laquelle l’internet mobile n’aura plus autant de raisons d’être“, selon Franck Bouetard : la géolocalisation. Ainsi, Ericsson développe des applications de localisation de flottes de camions. Les professionnels sont une cible privilégiée des opérateurs qui rivalisent d’imagination pour leur proposer des services adaptés. Le cabinet d’analyse Markess International estime que, l’année prochaine, les entreprises françaises achèteront plus d’un million de terminaux pour des applications internet mobiles professionnelles, pour un montant de plus de 500 millions d’euros. Les professionnels et en particulier les grands comptes sont une source de revenus importante pour des portails de services mobiles comme l’Américain Avantgo ou le Français Aladdino. “Nos services grand public ont été lancés surtout pour faire office de vitrine“, se remémore Richard Owen, CEO d’Avantgo. Mais, preuve de leur succès, ils représentent désormais le quart des revenus de la société. Les clients privilégiés du PDG restent ses 18 grands comptes issus des ” Fortune 500 ” et ses 2 500 PME.Au sein des entreprises, ce sont les managers qui, les premiers, obtiennent les outils intelligents de l’internet mobile, assistants numériques communicants ou smartphones. Ils peuvent ainsi accéder à tout moment aux données clés de l’entreprise. L’usage se répand ensuite parmi les forces de ventes. “Chez Palm, tous nos commerciaux peuvent avoir en temps réel les chiffres de ventes des produits dans tous les pays “, annonce Franck Gaget, directeur marketing Europe du groupe. C’est une application Palm qui permet aux concessionnaires Fiat de consulter offres et possibilités de prêt directement sur leur machine sans lâcher le client potentiel d’une semelle. Les techniciens en profitent aussi. Aladdino propose des services qui chargent leurs feuilles de routes et leur donne accès aux contrats ou aux catalogues de l’entreprise. “Ils peuvent assurer un service de commercial“, détail Yvon Corcia, PDG d’Alddino.

Un compromis coût-usage

Certaines catégories professionnelles se lancent dans l’informatisation avec ces outils sans être passés par des ordinateurs portables parce qu’ils ont enfin trouvé un bon compromis coût-usage“, se réjouit Rick Goetter, responsable des produits sans fil chez Kyocera. Compaq vient de décrocher un appel d’offre aux États-Unis pour équiper des médecins. Ces derniers pourront visualiser des radios au côté du patient.Une application ” machine to machine ” se dessine également. “ Il n’est pas impensable d’équiper des appareils de puces GPRS ou UMTS pour permettre d’effectuer des relevés à distance“, lance Christophe Bouniol, directeur France -Europe du Sud d’Xcellenet, spécialisé dans la gestion des parcs mobiles pour les entreprises. Air Liquide a ainsi équipé des cuves de gaz chez ses clients de systèmes lui transmettant en permanence les niveaux de remplissage. Autant de services à valeur ajoutée qui permettront de générer du trafic et de fidéliser les clients des opérateurs.

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Agathe Remoué