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Les catalogues deviennent un enjeu mondial

Le commerce électronique fait exploser le nombre d’informations nécessaires à la description des produits vendus. Chaque secteur d’activité définit ses propres standards de classification, qui ont du mal à passer les frontières.

Le catalogue électronique est le sésame du commerce sur Internet. Lui seul permet l’automatisation des processus commerciaux, grâce à une description standardisée des produits et des services. Sa fabrication doit cependant faire face à une difficulté de taille : chaque secteur d’activité ?” voire chaque entreprise ?”, pays par pays, possède ses propres modes d’identification et de description de ses produits. D’où une avalanche de standards qui créent autant d’îlots regroupant les acteurs d’un domaine donné.En témoigne, en France, la démarche des distributeurs de matériel de bricolage. Ils se sont dotés d’un standard métiers, baptisé Dicalis, à la suite des travaux de Leroy Merlin, depuis 1997. Pour cela, cette enseigne s’est associée à EAN Gencod, qui avait déjà ?”uvré à la normalisation des échanges entre distributeurs et fournisseurs, dans l’alimentaire. La solution repose sur l’identification EAN (European article numbering) des produits, dite code EAN UCC (Uniform code council) ou code-barres.

Une mise à jour manuelle des fiches du catalogue

Dicalis est une classification et un dictionnaire de plusieurs milliers d’attributs décrivant les produits. “Dicalis contient peu de classes, ce qui simplifie l’organisation des produits”, estime Jérôme Reboul, ingénieur chez Saqqara, éditeur de catalogues électroniques. “Dicalis contient des sous-dictionnaires. Chacun d’eux est associé à une classification, qui correspond au rayon d’un magasin de bricolage”, détaille-t-il. Grâce à ce standard, “nous partageons un catalogue électronique avec nos fournisseurs. Cela réduit les erreurs de saisie et permet d’automatiser les mises à jour, se félicite Laurent Cazier, responsable EDI (Electronic data interchange), chez Leroy Merlin. Nous pouvons aussi vendre plus parce que nous avons davantage d’informations sur les produits.”Seul bémol : les “tuyaux” e-business de Leroy Merlin datent de la génération EDI, d’où un manque de flexibilité. En effet, l’informatique du distributeur doit recevoir des fichiers Eancom-Edifact pour créer des fiches produits. Quant aux petits fournisseurs ?” qui ne maîtrisent pas l’EDI ?”, ils communiquent les caractéristiques de leurs produits au moyen d’outils de saisie sur le Web, proposés par des prestataires de services tels qu’Influe, Seres ou @GP. Ce sont ces derniers qui traduisent ensuite les informations en EDI pour Leroy Merlin. Résultat : au début de 2002, la base de données réunissait 132 fournisseurs pour 30 000 fiches produits, avec 500 familles de produits normalisées.Point P, un autre distributeur (sanitaires, chauffage, panneaux de bois…), a aussi retenu Dicalis. Point P recense 330 000 articles sur ses 1 200 points de vente, mais on n’en trouve que 43 000 sur ses sites de commerce en ligne.“Nous ajoutons des informations sur le mode de livraison, les tarifs, la disponibilité, la mise en ?”uvre”, explique Henry Dutray, responsable du projet. “Nous pensions être en retard, mais beaucoup de nos fournisseurs, même parmi les plus gros, ne sont pas prêts”, se rassure-t-il. Les fiches sont, pour l’instant, mises à jour manuellement. Dicalis est une goutte d’eau dans l’océan des classifications pour les catalogues électroniques. Certains secteurs industriels ont élaboré leurs standards verticaux. L’électronique a ainsi créé RosettaNet, dont le dictionnaire comprend maints attributs sur la nature des produits (telles la résistance électrique et la capacité). “Il y en a presque trop !”, s’exclame Jérôme Reboul. RosettaNet a l’avantage de la flexibilité, car il s’appuie sur un cadre d’échanges xML (Extensible markup language).Autre initiative, celle des firmes allemandes qui ont développé la classification généraliste eCl@ss, employée dans l’électrotechnique, l’électromécanique et pour les fournitures de bureau. Celle-ci comprend quatre niveaux, le dernier s’étoffant d’attributs, au point que le dictionnaire eCl@ss intègre douze mille objets.

Le standard UNSPSC, une initiative parmi bien d’autres

Un autre standard, l’UNSPSC (United nations standard products and services code system), propose uniquement une classification avec cinq sous-niveaux, sans attributs associés. Inconvénient : des produits aboutissent dans la même case faute d’une finesse suffisante, par exemple, des moteurs électriques et des triphasés. Avantage : “Cela simplifie les critères de choix pour les acheteurs”, analyse Jérôme Reboul. L’UNSPSC est ainsi très utilisé dans les achats hors production (telles les fournitures de bureau), pour tout mettre à plat. L’UNSPSC sert également pour le schéma de description produit de RosettaNet. Il reste que l’UNSPSC est américain, et se montre peu explicite (un stylo est l’UNSPSC commodity 44121701).

Du pain sur la planche

Face aux classifications trop réductrices, les fournisseurs préfèrent les dictionnaires valorisant les caractéristiques de leurs produits par rapport à la concurrence. Des initiatives comme l’UCEC ou l’EGAS ont donc étoffé l’UNSPSC avec des attributs.L’autre grande difficulté avec les catalogues est qu’ils traversent mal les frontières : “Les classifications dépendent de la langue”, confirme Jérôme Reboul. Ainsi, avec eCl@ss, il existe la classe des objets “que l’on presse dans la main” (telles les agrafeuses ou les pinces coupantes). “Comment la nommer en France ? Il est plus facile de traduire un dictionnaire d’attributs !”En Europe, c’est l’EAN international qui s’est attelé au problème pour le secteur de la distribution. Chaque pays ayant ses standards ?” Cataloguo au Portugal, Dicalis ou Gencod en France, Sinfos en Allemagne ?”, une synchronisation s’imposait. C’est l’objectif de GDAS (Global data alignment system). Au niveau mondial, entre les États-Unis et le Vieux Continent, la tâche en revient au consortium GCI (Global Commerce Initiative), qui coordonne les efforts de l’EAN et de l’UCC américain. “Les places de marché utiliseront les standards GCI”, estime Marc Barraud, président d’Influe. Sur le terrain, c’est l’organisme UCCNet qui réalisera cette synchronisation. Il s’agit d’un mécanisme de fédération des catalogues, basé sur xML. Un kit de développement, SYNCtrack, a été lancé en octobre 2001. GCI a du pain sur la planche, ses travaux ne devraient pas aboutir avant plusieurs années.

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Jean-Pierre Blettner