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L’écart va se creuser entre les grands et les moyens du semiconducteur

La comparaison des investissements des fabricants de semiconducteurs révèle souvent des tendances de fond qui sont plus significatives que de nombreuses études de marché.

Le cabinet d’études IC Insights vient de publier les montants des investissements 2005 prévus par les 25 premiers fabricants de semiconducteurs. Il ne s’agit pas là d’une donnée anecdotique : ce sont en fait les meilleurs
indicateurs que l’on puisse imaginer sur ce qui risque de se passer dans le secteur d’ici à deux ans.Un investissement reflète en effet une décision financière mûrement réfléchie ; les sociétés y engagent leur avenir. Rien à voir avec des prévisions de cabinets d’étude qui, eux, ne risquent que de… se tromper. Ce tableau
des investissements mondiaux répond en particulier à trois questions fondamentales pour notre chaîne d’approvisionnement : les fabricants de semiconducteurs vont-ils rattraper leur retard d’investissement des trois années passées ? La
répartition géographique des grandes puissances du semiconducteur est-elle en train de changer ? Le phénomène “fonderie” poursuit-il son ascension ?Première constatation : les données d’IC Insights montrent que les investissements annoncés par l’ensemble de l’industrie du semiconducteur pour 2005 atteignent 45,3 Md$. Si le chiffre d’affaires de cette industrie monte à
230 Md$ cette année, cela signifie qu’elle s’apprête à investir 20 % de son chiffre d’affaires, c’est-à-dire moins que les 23 % minimaux théoriquement nécessaires. Le sous-investissement mondial ne fait donc que se prolonger.

L’Europe en plein déclin

Deuxième constatation : en matière d’investissements, c’est le grand écart entre les sociétés qui croient en l’avenir de la fabrication des semiconducteurs et… les autres. En effet, Samsung devrait investir cette année
5,66 Md$ (+20 % par rapport à 2004 et… 37 % de son CA de 2004 !), Intel 5,6 Md$ (+46 % mais seulement 18 % du CA de 2004 ; Intel ne fait donc que reprendre confiance), TSMC 2,6 Md$ (+14 % mais
34 % de son CA 2004) et Hynix 2 Md$ (+28 % et 45 % du CA !).A l’opposé, des sociétés sont prises à la gorge financièrement parlant, ou souhaitent de plus en plus sous-traiter leurs fabrications (ce qui est souvent lié). Pour les premières, citons ST (­27 % ; 17 % du CA), Infineon
(­5 % ; 16 % du CA) et Toshiba (­26 % ; 16 % du CA), et, pour les secondes, Renesas (+3 % ; 10 % du CA), TI (0 % ; 12 % du CA), Freescale (­14 %, 8 % du CA) et Philips (­
16 % ; 11 % du CA).Le secteur de la fonderie investit-il plus que la moyenne, montrant par là que le monde du semiconducteur tend à devenir fabless ? Pour le découvrir, nous avons cumulé les investissements de TSMC, UMC, SMIC, IBM et Chartered :
ils devraient investir à eux tous 6,8 Md$ cette année (42,5 % de leur CA 2004) contre 8,2 Md$ l’an passé ; les ardeurs se calment donc, mais, clairement, le monde des fabricants de semiconducteurs continue globalement à devenir
fabless.La Chine va-t-elle devenir bientôt acteur qui compte dans notre secteur ? Aucun Chinois ne figurait parmi les 50 premiers en termes de chiffre d’affaires de 2004 mais SMIC apparaît comme 14e investisseur
mondial pour 2005 ; rendez-vous donc dans deux ans.Dans ce concert, l’Europe fait très pâle figure : ST, Infineon et Philips devraient investir à eux trois 3,6 Md$ cette année, soit 8 % de l’investissement mondial. Nous avions déjà déploré que cette part baissait l’an
passé. Cette année, c’est pire.Qu’il y a loin entre les discours politiques et la réalité du terrain ! Il faut dire que, côté Amérique, hors Intel, ce n’est guère mieux : AMD, Micron, TI, IBM et Freescale, à eux tous, ne devraient investir que 5,7 Md$
cette année (5,66 Md$ l’an passé). Mais, avec Intel, les Etats-Unis représentent tout de même encore un investissement global de 11,3 Md$ en 2005, soit 25 % de l’investissement mondial.A l’opposé, cette année, 5 sociétés taïwanaises et 7 sociétés japonaises devraient investir plus que Freescale, le 25e du classement des investisseurs mondiaux.Rappelons tout de même que les sociétés de semiconducteurs forgent leurs forces non seulement avec leurs investissements matériels mais aussi avec leurs recherches et développements : il ne sert à rien d’investir en semiconducteurs
si l’on n’a rien d’original à vendre.On notera pour finir que ceux qui augmentent le plus leur budget investissement cette année sont les mastodontes du semiconducteur, ceux qui, en fait, ont la meilleure visibilité sur les tendances des marchés. Quelque part, c’est
réconfortant.* Directeur de la rédaction d’ Electronique International HebdoProchaine chronqiue jeudi 26 mai

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Jean-Pierre Della Mussia*