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Le PC russe « anti-sanctions » est là… et il ne servira à rien

Présenté comme un PC bureautique souverain imperméable aux sanctions internationales, l’Akinak russe est en fait un bricolage aux composants antédiluviens. Une machine qui a plus vocation à faire croire que les Russes auront bientôt une indépendance technologique qu’à vraiment être produite en série.

Voilà un MiG qui ne va pas voler bien haut ! Point d’avion de chasse ici, mais un ordinateur (pseudo) russe censé donner une plus grande autonomie technologique à la Russie de V. Poutine. Repéré par nos confrères américains de Tom’s Hardware US sur le site russe Cnews.ru (rien à voir avec M. Bolloré), ce petit PC bureautique s’appelle Akinak et a été développé par le Mobile Inform Group (d’où MIG). Un petit PC de bureau qui semble n’avoir besoin que d’un refroidissement passif et qui prend en charge l’augmentation de mémoire vive comme de stockage.

Lire aussi : Pourquoi la Russie ne peut pas développer smartphones souverains (mars 2023)

Alors que la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine est en phase de potentielle contre-attaque de la part des Ukrainiens, les sanctions occidentales continuent de stranguler la Russie. Qui cherche des alternatives à tout : aux exportations, notamment d’énergie, qui sont redirigées vers la Chine et l’Inde. Mais aussi aux importations, particulièrement de matériels et services numériques, la plupart des grands noms du monde numériques ayant fermé leurs filiales locales en cessant toutes leurs activités. En panne d’Intel Core, de Windows et autres plateformes numériques (paiements, Office, etc.) américains, les Russes et leur gouvernement tentent de développer des alternatives souveraines, surtout dans les processeurs – ce qui est plus facile à dire qu’à faire.

© Cnews.ru

Dans ce contexte, Akinak est une machine censée être protégée de sanctions futures : sa carte mère serait développée de manière locale, son processeur Скифы (prononcer “Skif” (1) ) est un processeur mobile ARM lui aussi conçu par des équipes russes. Et les systèmes d’exploitation basés sur Linux. Si la conception d’une carte mère et d’un processeur sur place semblent être des signaux positifs pour la Russie, en fait, il n’en est rien : outre des performances sans aucun doute déplorables, le pays envahisseur de l’Ukraine est à des années lumières de pouvoir prétendre à une quelconque autonomie.

(1) : se traduit en français par “Scythes”, du nom d’un ensemble de peuples nomade d’Asie centrale, qui ont vécu entre le VIIIe et le IIIe siècle avant Jésus-Christ.

Processeur non-indigène, performances d’une tablette de 10 ans d’âge

Annoncée en 2021, la puce qui propulse ce PC qui ressemble un peu à un NUC (en beaucoup plus modeste et moins bien fini) est en fait un SoC mobile ARM. Intégrant quatre cœurs Cortex A53 (architecture ARMv8) cadencés à 1,8GHz, cette puce est équipée de puce graphique PowerVR, d’un GPS, d’une puce IA, etc. Et loin d’être un coup de génie local, elle est bien évidemment totalement basée sur des plans ARM – et donc absolument pas souveraine pour un sou. Ce tant du point de vue du jeu d’instructions, qui appartiennent au britannique ARM (qui lui-même appartient au japonais SoftBank) que de la production.

Lire aussi : Le Royaume-Uni coupe l’accès de l’architecture ARM aux entreprises russes (mai 2022)

Gravée en 28 nm et avec des performances théoriquement similaires à celles du premier iPad Air de 2013, cette puce ne peut en aucun cas être gravée en Russie. Avec une finesse de production locale minimale de 90 nm, l’industrie russe est en effet complètement larguée dans la course aux semi-conducteurs et ne compte produire des puces en 28 nm qu’à partir de 2030.

Lire aussi : Le processeur russe souverain est toujours trop mauvais pour remplacer les puces d’Intel et AMD (décembre 2021)

En somme, l’ISA de la puce, ses plans de base (ARM) et le GPU (Imagination Technologies) sont britanniques et la gravure est forcément asiatique (Taïwan, Japon, Corée du Sud ou Chine). Quant aux performances, il faut s’attendre à des postes très légers… ou très lents. On est donc très loin des processeurs Elbrus ou Baïkal, moins performants que les puces américaines, mais déjà taillés pour le calcul scientifique. Et si les OS Linux compatibles (« Alt » de la société Basalt SPO ou Astra Linux) sont contrôlés et audités par les autorités russes, il s’agit plus de récupération de code international que d’un vrai développement indigène.

Ça, c’était pour les éléments les plus « souverains ». Car pour le reste des composants de la machine, c’est encore pire.

Ni RAM, ni Flash en Russie

Pour faire tourner n’importe quel ordinateur, il faut de la mémoire de stockage (désormais systématiquement de la mémoire dite Flash) ainsi que de la mémoire vive (RAM). Si la production de processeurs complexes (SoC, GPU, etc.) sont généralement celles qui sont mises sous le feu des projecteurs, la réalité est que la production de mémoires est tout aussi sensible. Et tout aussi complexe à maîtriser – TSMC est ainsi (bien) moins doué et spécialisé dans ce domaine que les Coréens Samsung ou SK Hynix. Et, Ô surprise, la plupart des producteurs de ces composants clés sont soit américains, soit coréens – et donc sous la sphère d’influence occidentale.

Lire aussi : Même la Chine ne veut pas vendre ses processeurs à la Russie ! (décembre 2022)

La Chine voisine est cependant un fournisseur potentiel en cas de blocage total, même si les composants de l’empire du milieu ne sont pas encore au niveau de la compétition internationale – la Chine a le savoir et les usines. Il faut aussi noter que si l’article originel russe parle d’une centaine de milliers d’unités prévues, ce volume de production nous paraît assez difficile à imaginer. Le producteur de l’engin étant en effet Азимут JSC (prononcer Azimut), une entreprise spécialisée dans l’électronique aéronautique (navigation, communications, etc.) dont les lignes de production sont spécialisées dans les petites séries. Il lui faudra beaucoup de temps et d’efforts pour produire 100.000 unités d’une machine déjà techniquement dépassée et dont une (bonne) partie des composants clés sont potentiellement difficiles à sourcer.

Outil de propagande et marché parallèle

Est-ce que le MIG Akinak fonctionne ? Sans aucun doute. Il a bien une équipe de développement – mais de quelle dimension ? Et l’intention est là. Mais mis à part rassurer la population locale et/ou envoyer un message (raté) à l’occident pour dire que la Russie développe des ordinateurs et qu’elle n’a pas peur, cette machine ne sert absolument à rien… Si le gouvernement russe ne met pas les moyens à côté : bourses d’études, laboratoires de recherche, stimulus économique pour enjoindre les industriels locaux à créer des chaînes d’approvisionnement, achat de matériel de production de pointe, etc. Quand on voit les difficultés et les sommes colossales déboursées par le titan des technologies qu’est la Chine pour rejoindre les champions que sont les USA, la Corée et Taïwan, les « efforts » russes ont de quoi faire rire.

La réalité est sans nul doute que, à côté de ces tentatives trop modestes, la Russie s’emploie surtout à éviter les sanctions pour acheter des composants étrangers en utilisant des marchés parallèles, qu’ils soient gris ou noirs. Il est largement plus facile de jouer au jeu des sociétés écrans ou à la contrebande que de développer (et produire !) des semi-conducteurs de 7 nm.  Et c’est à n’en pas douter ce à quoi s’emploie le gouvernement russe qui contrôle désormais toutes les grosses entreprises du pays. Tant qu’il ne mettra pas des dizaines, voire centaines de milliards sur la table, le reste n’est pour l’heure que vœux pieux et poudre aux yeux.

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Source : Cnews.ru (via Tom's Hardware US)


Adrian BRANCO
Votre opinion
  1. Il y a de longues années que je n’ai plus lu un article 01.net, et pour cause…
    C’est quoi votre article ?
    D’où tirez-vous ces (pseudos) infos ?
    Avez-vous tenté de vérifier quelque chose ?
    Et vous parlez “d’Outil de propagande et marché parallèle”….?

    Pro ou Anti Russe, la question ne se pose même pas : mais le niveau que vous atteignez dans la supercherie et la niaiserie…wow.
    Pensez-vous valoir plus et mieux que ceux d’en face ?

    1. Bonjour,
      Si vous aviez pris la peine de lire l’article (c’est d’ailleurs notre seul conseil : apprenez à lire), vous y auriez trouvé les sources de l’annonce (site russe, repéré par nos confrères de Tom’s Hardware. Voilà le premier élément de réponse à nos “pseudos infos” (qui sont donc de vraies infos).

      Ensuite, la Russie n’était absolument pas à même de produire quelques semi-conducteurs modernes que ce soit, il nous a fallu analyser le type de processeur présenté par l’entreprise russe en charge de son développement. Et remonter la source de l’entreprise en charge de la production du PC en lui-même. Bilan : aucune ISA Russe, aucune production russe hors de la carte mère, aucun composant produit en Russie. Et un processeur développant peu ou prou la puissance d’une tablette de 10 ans d’âge.

      Nous parlons de propagande, oui. Car toute communication d’État (même nigériane, française ou vietnamienne) procède d’une propagande – le terme n’est pas que négatif. Mais dans le cas de la Russie, c’est historiquement souvent le cas, les différents régimes russes ont usé et abusé du mensonge. Je vous renvoie aux articles élogieux de l’agence de presse TASS (ТАСС) à propos du tank (MBT) Armata T14 qui devait donner aux russes l’ascendant sur tous les tanks de la planète. Bilan : les rares qui ont été vus sur le terrain ukrainien ont été détruits. Et la Russie n’a pas réussi à en produire en masse (en grande partie à cause de sa dépendance aux composants étrangers, dont certains systèmes français au passage, comme les optiques).

      Quant au marché parallèle, il suffit de voir les différents reportages en Russie pour voir que l’on peut trouver, comme du temps du communisme, des produits théoriquement interdits d’exports vers ce pays : iPhone, cartes graphiques, processeurs, etc. Les Russes sont pleins de ressources, tant sur le plan personnel que du gouvernement. La proximité avec la Chine et l’Inde (mais aussi la Turquie, pour les composants électroniques, CF rapport de la Free Russia Foundation, Mars 2023), permet à la Russie de s’approvisionner en équipements divers, quoiqu’à prix bien plus élevés. On l’a ainsi vu dans le démontage des drones russes récents, qui intègrent des appareils photos japonais provenant de marques qui ont, sur le papier, cessé toute activité en Russie.

      Finalement, se pose la question d’anti/pro russe. Reconnaître la nullité de la Russie dans le domaine des semi-conducteurs n’est pas être pro ou anti, c’est être factuel. Comme la grande médiocrité des tennismen/women français à Roland-Garros.

      Enfin, être niais, c’est imaginer qu’il y a un complot contre les gentils russes.
      Je vous laisse noter les récentes actions militaires (Syrie, Afrique noire) et invasions russes ces dernières décennies, pour vous faire votre propre idée.

  2. La plupart des pays (y compris la France) sont totalement dépendant des américains. Sans les GAFAM on retourne à l’âge de pierre… donc pas seulement les russes…

    1. C’est évident, sauf que nous ne sommes pas sous les sanctions internationales, nous. De plus, des entreprises françaises de semi conducteurs comme STMicroelectronics sont tout à fait capables de graver en 28nm, voire en 9nm.

  3. C’est évident, sauf que nous ne sommes pas sous les sanctions internationales, nous. De plus, des entreprises françaises de semi conducteurs comme STMicroelectronics sont tout à fait capables de graver en 28nm, voire en 9nm.

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