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L’accès à Internet 100% gratuit survivra-t-il?

Personne ne croit à l’accès à Internet entièrement gratuit. Pourtant, les quelques fournisseurs lancés dans l’aventure ont tous une bonne raison, plus ou moins avouable, d’offrir ce service. Comment comptent-ils s’en sortir?

Face au fiasco des forfaits illimités à Internet, le 100 % gratuit semble tenir le choc. 100 %gratuit, c’est-à-dire accès et communications téléphoniques gratuits. C’est LibertySurf qui a inauguré la formule en mai 2000 en offrant 4 heures par mois. Mais comment les fournisseurs s’y retrouvent-ils ?” Certains de nos abonnés vont rapporter de l’argent parce qu’ils vont surfer plus de 4 heures, et d’autres nous coûterons peu parce qu’ils vont surfer moins “, résume la directrice marketing et communication de LibertySurf, Carole Liscia.Le temps de surf moyen en France se situe entre 7 et 8 heures par mois. Le calcul est vite fait. Les fournisseurs d’accès négocient la minute entre 9 et 14 centimes. L’internaute inscrit auprès de LibertySurf qui se connecte 4 heures par mois coûte au maximum 34 francs au fournisseur d’accès. La minute supplémentaire étant facturée 19 centimes, si l’internaute dépasse de 4 heures son forfait, LibertySurf récoltera près de 46 francs.
Les abonnés gratuits rapportent en général plus qu’ils ne coûtent parce qu’ils ne savent pas… s’arrêter à temps.De plus, après un an d’abonnement, le forfait devient payant. Mais les internautes ne seraient-ils pas tentés alors d’ouvrir un compte chez un autre fournisseur gratuit ? “Aucun risque, estime Jérôme Rigaud, le directeur général d’Infosource, à l’origine du forfait Infonie de 10 heures gratuites. Les internautes ne changent pas facilement de fournisseur, car ils sont perdus dans l’avalanche d’offres.” Un schéma économique qui ne résiste pas aux internautes bien informés.

Des dépenses publicitaires colossales

Dans tous les cas, ” ce service n’a pas un coût énorme pour LibertySurf “, précise Carole Liscia. Tant mieux, car les dépenses publicitaires sont colossales : entre janvier et juillet 2000, LibertySurf a investi environ 80 millions de francs dans des campagnes publicitaires à grande échelle.
Des frais que les trois autres acteurs du 100 % gratuit ont cherché à limiter.Oreka, par exemple, a investi 2 millions de francs seulement dans la conception du site et en communication. Sa stratégie ? ” Une offre assez agressive pour faire fonctionner le bouche à oreille et attirer les internautes en masse “, explique David Bitton, fondateur et président d’Oreka. Une semaine après LibertySurf, Oreka offrait rien de moins que 18 heures par mois !Le succès ne s’est pas fait attendre : Oreka a rapidement dépassé les 2 000 demandes d’inscriptions par jour. Or, au-delà de ce nombre critique, les charges du fournisseur augmentent trop par rapport aux revenus, fondés sur la vente d’espaces publicitaires. Résultat : la liste d’attente s’allonge. Et Oreka offre 4 heures par mois aux internautes qui y sont inscrits.150 000 : c’est le nombre actuel d’internautes qui bénéficient des 18 heures gratuites d’Oreka. Comme les abonnés ne dépassent pas, en moyenne, le temps de surf moyen des internautes français (huit heures), le coût d’un abonnement ne dépasse pas 40 francs par mois.
Pour Oreka, le calcul est simple, encore une fois. ” Plutôt que de dépenser 20 millions de francs par mois dans une campagne de publicité, nous préférons offrir des communications téléphoniques “, explique David Bitton.

Des bannières présentes tout au long de la navigation

” En ce moment, le prix de recrutement d’un nouvel abonné est d’environ 1000 francs pour les leaders “, estime le directeur général d’Infosource, Jérôme Rigaud. Pour ce prix, Oreka peut entretenir ses inscrits pendant plus de deux ans. Ce qui fait dire à son président, David Bitton : ” TF1 réussit à vivre uniquement grâce à la publicité. Un fournisseur d’accès peut faire pareil. “ Pour le moment, Oreka aurait pris pour 15 millions de francs de commandes auprès d’annonceurs.Avec ses 280 000 inscrits, forfaits 18 heures et 4 heures confondus, Oreka estime toucher 12 % de la population française connectée. Mais, au-delà de l’audience, gagner de l’argent uniquement grâce à la publicité suppose que les visiteurs verront les annonces et que ces dernières les inciteront à consommer.Entre autres stratégies, Oreka a mis en place une bannière présente tout au long de la navigation. Et, pour plus de pertinence, le fournisseur d’accès enregistre le profil des sites visités ?” leur thème plus précisément, conformément aux réglementations de la Cnil. En croisant les informations recueillies lors de l’inscription ?” l’âge, le sexe et la situation géographique de l’abonné ?” avec son comportement sur le Net, le site cible la publicité diffusée.” En France, le taux de consultation des bannières publicitaires n’excède pas 0,7 %. Or nous atteignons 2 % sur la bannière d’Oreka “, estime David Bitton.

L’ignorance des consommateurs

Oreka compte recruter de nouveaux internautes pour atteindre 20 % de part du marché français ?” à l’instar de TF1 qui affiche environ 30 % de part d’audience ? Infonie affiche le même but : augmenter sa part de marché, en attirant plus spécialement les novices du Web. Distribuée par Carrefour, l’offre d’Infonie devrait, si les prévisions sont bonnes, se transformer en un forfait payant au-delà d’un an.M6net, qui offre 6 heures depuis la mi-août 2000, refuse de communiquer son modèle économique. Son retard par rapport aux autres chaînes n’est sans doute pas facile à justifier…M6net semble avoir compris en décembre 1999 qu’Internet n’était pas une lubie passagère. Le responsable du service multimédia, Antoine Michel, a fait alors office de dinosaure en déclarant : “Aujourd’hui, le Web devient un média à part entière, sur lequel M6 veut être présent.”Plutôt que d’entreprendre une longue campagne publicitaire, M6 a préféré investir dans cette offre destinée à générer du trafic sur son site. La chaîne s’est fixée un objectif de 100 000 abonnés.Certains fournisseurs d’accès, comme Infonie ou LibertySurf, misent sur l’ignorance des consommateurs pour dégager des bénéfices avec des offres alléchantes. D’autres, comme Oreka, comptent sur leur réactivité à saisir une offre peu médiatisée. Radicalement opposés, ces modèles trouveront peut-être chacun leur place. A moins que n’apparaissent des fournisseurs prêts à payer leurs abonnés.

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Corinne Couté