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La télécopie fait de la résistance sur IP

On aurait pu imaginer que l’e-mail allait anéantir la télécopie. Il n’en est rien. Bien au contraire, le rythme très lent de son déclin justifie sa mise en ?”uvre dans le système d’information. Celle-ci passe par le transport sur les réseaux IP publics et privés et par l’intégration aux applications, à travers des serveurs de fax.

Trois cents terminaux de télécopie dans le monde, et un volume de transmission équivalant au tiers du trafic voix mondial : le fax n’est pas moribond.“Il reste le moyen le plus efficace lorsqu’il s’agit de toucher un maximum de gens, même si le courrier électronique est en pleine ascension”, estime Gilles Mas, chef de produit fax chez Esker. Il y a donc tout intérêt à l’intégrer harmonieusement aux applications et aux réseaux existants, plutôt que de continuer à entretenir un parc de matériels dédiés. Il est ainsi d’ores et déjà possible de virtualiser la télécopie en la fondant dans la chaîne complète qui va du poste de travail aux opérateurs télécoms de voix et de fax sur IP, en passant par le réseau de données et les applications métiers de l’entreprise. À la clé, une amélioration de l’ergonomie, donc de la productivité des utilisateurs, ainsi qu’un gain économique, sur des communications qui évitent, autant que possible, le coûteux réseau commuté.

Le fax s’invite sur IP

Le transport de la télécopie sur IP, possible depuis déjà quelques années, représente l’une des principales technologies nécessaires à cette intégration transparente. Cependant, la nature propriétaire des solutions en a limité la diffusion. L’émergence de normes et leur implémentation rigoureuse ouvrent la voie à une généralisation.L’encapsulation du fax peut être prise en charge par des équipements tels que des serveurs de télécopies, des routeurs existants, des passerelles de voix sur IP, voire des télécopieurs à interface Ethernet-IP. Toutes ces ressources doivent impérativement reconnaître et traiter spécifiquement la télécopie. En effet, en tant que flux numérique de bout en bout, celle-ci ne peut être vue, sur un réseau IP, comme une simple transmission vocale.Le transport du fax sur IP est possible selon deux procédés – fonctionnant respectivement en temps différé et réel – désormais normalisés à l’UIT sous les références T 37 et T 38, même si l’interopérabilité n’est pas toujours au rendez-vous.Quel que soit le procédé utilisé, une transmission est précédée d’une recherche de l’équipement distant le plus proche du destinataire (ou, du moins, le plus pertinent). Dans le cas d’une infrastructure prévue pour la voix sur IP, ce rôle est dévolu à un équipement dénommé gatekeeper, ou garde-barrière, qui opère exactement comme il le ferait pour l’établissement d’une communication vocale.

Un routage au moindre coût

Dans le cas d’un réseau de serveurs de télécopies, ces derniers recherchent le bon serveur distant. De plus, le gatekeeper, comme le serveur de télécopies, peut éventuellement appuyer sa décision sur une fonction de routage au moindre coût, généralement active au niveau du PABX.Vient ensuite la phase de transmission, différée ou en temps réel. Le mode différé est connu sous l’expression Store and forward. Il a été mis en ?”uvre depuis plusieurs années, dans un contexte propriétaire, sur les premières passerelles de voix sur IP et sur certains serveurs de fax. Il consiste à procéder à trois transmissions successives de l’ensemble des pages. D’abord, entre l’émetteur et un premier équipement local (routeur, serveur de messagerie ou passerelle de voix sur IP) ; ensuite, entre celui-ci et un second équipement ; et, enfin, entre ce dernier et le destinataire.Si l’émetteur est un télécopieur classique, le premier équipement dialogue avec lui en empruntant le protocole T 30 (la norme traditionnelle de télécopie sur RTC). Si l’émetteur est un utilisateur de la messagerie, ce dialogue s’effectue entre le serveur de messagerie (ou parfois le client) et le premier équipement.En sortie, vers le destinataire, le problème est le même. Lorsque la première passerelle a entièrement reçu la télécopie, elle la transmet à la seconde, via le protocole T 37, qui convertit la télécopie dans le format graphique Tiff, avant de l’envoyer sous protocoles SMTP (Simple mail transfer protocol) et Mime (Multipurpose Internet mail extension), comme s’il s’agissait d’une pièce jointe. En somme, T 37 n’est guère qu’une encapsulation des traditionnels protocoles de messagerie électronique.Certains fournisseurs, comme le constructeur de serveurs de télécopies Fenestrae, font du T 37-like, en utilisant comme réseau de transport une infrastructure composée de serveurs Microsoft Exchange.Ce mode différé présente l’avantage de la simplicité de mise en ?”uvre. De plus, il s’affranchit totalement des ” sautes d’humeur ” d’un réseau capricieux. Mais le délai de transmission jusqu’au destinataire peut atteindre plusieurs dizaines de minutes, et aucun véritable accusé de réception n’est fourni à l’émetteur, qui n’est sûr de l’acheminement de sa télécopie que jusqu’à la première passerelle.La transmission en temps réel resitue l’utilisateur dans le contexte du réseau commuté. L’avantage de ce mode est juridique car l’acquittement est immédiat. Le principe consiste à établir trois phases qui se succèdent, pour chaque paquet de données, au sens T 30 du terme, ce qui permet de conserver un dialogue T 30 de bout en bout.La première passerelle reçoit un signal analogique modulé. Elle numérise le flux et le transmet à la seconde passerelle, qui, à son tour, module un signal analogique et transmet les données au destinataire.

Les contraintes drastiques du protocole T 30

Entre les deux passerelles, la transmission est possible selon deux mécanismes différents – le Fax relay et le Spoofing -dont la coexistence est justifiée par les contraintes drastiques du protocole T 30, opposé à la qualité de service souvent fluctuante d’un réseau IP. En effet, T 30 ne supporte pas d’attente supérieure à une seconde, lors de la négociation entre télécopieurs. Faute de quoi, il coupe la communication. Or, un réseau IP mal maîtrisé a vite fait de dépasser ce délai.Avec le Spoofing, on contourne la difficulté. Le protocole T 30 est, en effet, interprété par la première passerelle, puis les données sont envoyées à la seconde, après encapsulation dans un protocole spécifique (au-dessus de TCP), évidemment adapté au délai de transit fluctuant d’un réseau IP. Dans le même temps, la passerelle évalue en permanence le risque de dépassement de délai en direction de l’émetteur et, le cas échéant, le lui signale, ce qui permet d’éviter une coupure intempestive. Cet artifice permet de supporter des délais de transit dans le réseau de trois secondes et demie, mais pas au-delà.“En contrepartie, par rapport au mode Fax relay, le temps de transmission et le trafic généré sur le réseau sont augmentés”, précise Xavier Paour, chef de produit chez Natural MicroSystems. Il reste que ce procédé tout récent n’a pas amélioré la réputation de la télécopie en temps réel sur IP. “Nous n’envisageons pas d’intégrer le T 38 sur notre serveur de télécopie car Internet n’est pas assez fiable”, affirme ainsi Gilles Mas, d’Esker.Lorsque le réseau IP est en mesure de garantir des délais inférieurs à une seconde, le mode Fax relay, moins gourmand, peut être suffisant. Fonctionnant sur UDP (User datagram protocol), synonyme de délai réduit, il se contente en effet de transmettre, en aveugle, les données T 30, entre les deux passerelles.Les acteurs concernés par la mise en ?”uvre de ces procédés sont multiples. En première ligne figurent des constructeurs de cartes vocales comme Dialogic ou Natural MicroSystems. Certains de leurs produits, basés sur des processeurs de traitement de signaux (DSP), savent démoduler un signal analogique et dialoguer sous protocole T 30, puis sous des protocoles propriétaires ou standardisés (T 37 et, très récemment, T 38). Des intégrateurs insèrent ces cartes dans des châssis, afin de proposer des équipements complets.

Des techniques différentes selon les constructeurs

Clients de Natural MicroSystems, Clarent et Siemens proposent ainsi des passerelles de voix sur IP gérant, depuis peu, la télécopie en temps réel, sous protocole T 38. Ayant pour sa part adopté les cartes Dialogic et Brooktrout, le français Esker se contente de mettre en ?”uvre un protocole propriétaire – curieusement construit au-dessus de LDAP (Lightweight directory access protocol) dédié à l’accès aux annuaires – fonctionnant en mode différé, comme T 37.D’autres constructeurs ont développé leur propre technologie matérielle. Tel est le cas de Topcall, un constructeur de serveurs de médias (traitant notamment la télécopie), qui affirme avoir déjà adopté les normes T 37 et T 38. Enfin, les constructeurs d’équipements de réseaux se convertissent également à la télécopie sur IP. Cisco Systems offre ainsi en option, pour la plupart de ses routeurs, la mise en ?”uvre des protocoles T 37 et T 38, moyennant une mise à jour logicielle, voire l’insertion d’une carte DSP.Le support des normes présente des avantages dans le cas d’un réseau hétérogène composé, par exemple, de routeurs et de serveurs de télécopies, voire de télécopieurs IP, dont l’interface Ethernet permet une connexion directe au réseau local. L’intérêt de la standardisation apparaît également lorsque l’entreprise veut acheminer des télécopies en utilisant simultanément, et sans couture, son propre réseau IP et celui d’un opérateur de télécopie sur IP. Encore faut-il que les différentes implémentations de T 38 soient compatibles, ce qui ne va pas de soi. À tel point que chaque couple d’acteurs doit valider l’interopérabilité.Netmoves.com (opérateur de télécopie sur IP) a réalisé ce travail avec Topcall et Fenestrae. De même que Clarent (dont les clients sont des opérateurs et de très grandes entreprises), avec Cisco et Open Port (fournisseur d’un serveur de télécopies).Avec T 37, en revanche, l’interopérabilité ne pose aucun problème. Le réseau de l’opérateur Graphnet, qui s’en tient au support de cette norme, est ainsi en mesure de dialoguer directement avec tout équipement compatible T 37.

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Thierry Lévy-Abégnoli