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La petite culotte de l’âme

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler ?” et parfois crier ?” plus librement…

Au bureau comme ailleurs, la véritable raison de nos actions est toujours secrète, et pour vivre et travailler efficacement, Dieu nous a fait ce cadeau : le mensonge. Il est à nos âmes ce que le caleçon ou la petite culotte sont à nos corps. Le rempart de notre inavouable intimité. Ainsi, pourquoi vous défoncez-vous jour et nuit pour souffler ce contrat à la barbe de votre concurrent ? Pourquoi vous échinez-vous à grimper vers votre bureau par l’escalier plutôt que par l’ascenseur ? Je connais votre réponse : pour que les parts de marché blabla, et par claustrophobie blablabla. Mensonges ! Ce n’est en fait que pour plaire à la nouvelle stagiaire. Pour lui exhiber compétence et cuisses d’acier.Roland, le président de notre groupe, n’échappe pas à cette règle, se conduisant là, comme ailleurs, en simple coq de basse-cour. Dieu lui pardonne, mais pas Charlotte. Car notre directrice générale est jalouse de cette Marie-Stéphanie, bombe sexuelle dont l’éclat pourrait l’amputer des relations qu’elle entretient avec notre président : l’organigramme voudrait qu’elles soient verticales, mais vous connaissez la vie… Bref, entre ces deux tenantes de l’horizontalité hiérarchique, la guerre est ouverte. Ce qui a de graves conséquences : on ne peut plus demander telle ou telle faveur à Roland en le coinçant dans l’ascenseur, puisqu’il prend l’escalier (voir plus haut).On ne peut pas non plus demander quoi que ce soit à Marie-Stéphanie, qu’on était pourtant censé former à la haute finance en l’envoyant 127 fois par jour à la photocopieuse et à la machine à café. On ne le peut plus, car Roland a osé nous rappeler qu’elle était diplômée d’HEC… Depuis quand cela donne-t-il le droit de ne pas se faire piétiner par des bacheliers mention Z, je vous le demande ! D’ailleurs, Charlotte n’en tient aucun compte : elle envoie régulièrement Marie-Stéphanie à la documentation pour rapporter des piles de magazines qui lui broient les bras, ou rechercher pendant des heures des revues auxquelles nous n’avons jamais été abonnés…Pendant ce temps, Charlotte parade en pantalon de cuir moulant dans le bureau de Roland qui ne sait plus où donner de la… tête. “Ah si, se reprend-il “in petto”, je dois d’urgence retrouver la marque de cette crème antirides pour hommes (Bioté ? Beau Terne ?) et… signer ce fichu “Projet d’organisation”, qui ne renforcera ici que la théorie du Bordel ambiant. Mais un vrai chef doit toujours avoir des projets, alors celui-là ou un autre…” Erreur, Roland ! Pas celui-là ! Car pourquoi Charlotte s’est-elle tant défoncée pour ce “Projet d’organisation”, que tu viens de signer sans le lire, comme d’habitude ? Pour la bonne marche de la boîte ? Blablabla. Pour faire passer, en fait, parmi une vingtaine d’autres décisions, la mutation de Marie-Stéphanie dans notre filiale bretonne. Loin, loin là-bas, très loin de toi. Et quand tu t’en apercevras, il sera trop tard pour revenir sur ta signature. Car ce serait avouer que ton cerveau de manager se résume à un phallus stagiairophile… Exclu, n’est-ce pas ? Ouf : on va à nouveau pouvoir prendre la tête à Roland dans lascenseur. Et pour la corvée de photocopies, Charlotte a pensé à une nouvelle stagiaire, rugbyman junior au Racing…

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La rédaction