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La LEN plus conciliante à l’égard des FAI

Les fournisseurs d’accès ont obtenu gain de cause. La loi pour la confiance dans l’économie numérique adoptée hier par les sénateurs lève l’obligation de surveillance généralisée du Web et allège leur responsabilité dans la lutte contre
le piratage.

C’est dans une atmosphère ‘ sereine ‘, selon Patrick Devedjian, nouveau ministre délégué à l’Industrie, que le projet de loi sur la confiance dans l’économie numérique (LEN) a été
adopté hier, en deuxième lecture, par les sénateurs. Les partis de droite ont voté pour, les socialistes se sont abstenus et les communistes ont voté contre.Le texte doit désormais passer en commission mixte paritaire, pour aboutir à une version finale approuvée par les deux chambvres du Parlement.Les travaux de la commission ne seront pas trop compliqués : les sénateurs n’ont pas révolutionné le texte de l’Assemblée nationale.Concernant la responsabilité des prestataires d’Internet, les sénateurs ont mis la LEN en accord avec la directive européenne sur le commerce électronique. Les députés avaient en effet réintroduit une obligation de mettre en
 ?”uvre ‘ les moyens conformes à l’état de l’art ‘
pour empêcher la diffusion d’informations constituant des infractions (racisme, pédophilie).Cette expression imposait donc aux FAI et hébergeurs de procéder à une recherche active et généralisée d’infractions sur le web, ce que la directive européenne interdit expressément. Les fournisseurs d’accès et hébergeurs obtiennent
donc gain de cause. L’Association des fournisseurs d’accès s’en est félicitée.Par contre, les amendements, déposés par Odette Terrade pour le Groupe communiste républicain et citoyen et laissant au seul juge le droit de juger du caractère illicite d’une information, ont été rejetés.
‘ Il faut que les rôles respectifs des hébergeurs et des juges soient clairs (…) Créer une censure privée est inadmissible en démocratie : c’est confier à des personnes sans compétence juridique le soin de définir le
champ du licite et de l’illicite, alors que la frontière peut être floue ‘,
a souligné Odette Terrade lors des débats.Pierre Hérisson, rapporteur UMP de la loi au Sénat, a considéré pour sa part que ‘ Il n’est pas dans l’esprit de la directive de soumettre tous les cas litigieux à la justice. Avant qu’elle se prononce, les délais
seraient considérables et il est hors de question de laisser consulter pendant des mois ou des années des sites litigieux ‘.

La notification au FAI ou à l’hébergeur devient obligatoire

Les FAI et hébergeurs seront, au final, présumés avoir eu connaissance de faits litigieux au terme d’une procédure de notification. Les députés avaient précisé dans leur version que cette dernière était
‘ facultative ‘. Cet adjectif a disparu dans le texte du Sénat, la notification devenant de ce fait une étape obligatoire avant une éventuelle action en justice.Pour Patrick Devedjian, ‘ le système retenu ne transforme nullement l’hébergeur en juge, au contraire. Il oblige à notifier avant de saisir le juge ‘. Le ministre délégué considère que
c’est au prestataire de décider s’il donne suite ou non à la demande de retrait du contenu dénoncé, et de se retrouver ensuite le cas échéant devant le juge s’il ne donne pas suite.Les sénateurs ont également modifié une partie de l’article 2bis, qui précise ce que l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête. Par exemple, pour lutter contre l’échange illégal de fichiers musicaux sur les sites web
ou les réseaux de peer-to-peer.Les députés avaient précisé quelles étaient les mesures ‘ propres à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication publique en ligne ‘, à savoir des mesures
‘ visant à cesser de stocker ce contenu ou, à défaut, à cesser d’en permettre l’accès ‘. Ces dernières précisions ont disparu du texte des sénateurs.L’industrie du disque s’inquiète de la nouvelle mouture du texte, craignant que les pouvoirs du juge soient remis en question par les FAI (lire l’interview d’Hervé Rony,
directeur général du Syndicat national de l’édition phonographique).L’AFA ne craint pas de crier victoire, et interprète le texte des sénateurs comme la suppression de ‘ la possibilité pour le juge d’ordonner à un fournisseur d’accès de bloquer l’accès à un contenu en ligne par ses
abonnés ‘
, le Sénat ayant ‘ fait le choix de s’en remettre aux pouvoirs que le juge judiciaire tire du droit commun ‘.

Pas de régime spécial pour l’e-mail

Par ailleurs, les sénateurs ne sont pas revenus sur l’autre point très polémique de la LEN, concernant la définition de l’e-mail. La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale avait introduit un amendement lors de la
deuxième lecture introduisant la notion de ‘ correspondance privée ‘ pour cette forme de communication.Un sous-amendement de cette même commission avait ensuite supprimé cette expression, afin, selon la commission, de respecter à la lettre la directive européenne et ‘ ne pas étendre la notion de correspondance
privée ‘
.La Commission estimait également que rajouter cette notion aurait par exemple posé des problèmes pour lutter contre le spam. Cette suppression avait fait couler beaucoup d’encre, certains l’interprétant comme la fin du caractère privé
de l’e-mail.Or le courrier électronique demeurait régi par la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications, et par le code pénal (article 226-15). La loi de 1991 précise que
‘ le secret des correspondances émises par la voie des télécommunications est garanti par la loi. Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l’autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus
par la loi et dans les limites fixées par celle-ci ‘.
Les sénateurs n’ont pas réintroduit de caractère privé spécifique pour le courriel. Le groupe communiste avait déposé un amendement, mais sans suite. L’e-mail reste donc régi par les textes évoqués ci-dessus.L’association Iris a réagi au vote du Sénat, disant regretter que les sénateurs n’aient modifié que la surveillance généralisée du Web, sans s’opposer ‘ à la mise en place d’une justice
privée ‘
. Iris félicite le groupe communiste pour les amendements déposés, et dénonce la frilosité des socialistes. Elle demande à ces derniers de saisir le Conseil constitutionnel si la loi reste en l’état après le passage
en Commission mixte paritaire.L’Association des villes pour le câble et le multimedia (Avicam), elle, s’est félicitée que les sénateurs n’aient pas modifié larticle permettant aux collectivités territoriales de devenir opérateurs de télécommunications. Elle estime
que cela ‘ marque une étape significative pour le développement numérique des territoires ‘.

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Guillaume Deleurence