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Joe Tucci (EMC) : ” Tout en gardant notre métier de base, nous misons sur le logiciel “

EMC, le leader du stockage, vit sa première vraie crise. De passage à Bruxelles, le nouveau patron détaille sa stratégie de reconquête. Fer de lance : le ” soft “.


01net. : Commençons par la conjoncture. La reprise prévue pour le 2e semestre est-elle toujours d’actualité ?
Joe Tucci : Aux Etats-Unis, l’économie a bien rebondi au niveau ” macro “. Les fondamentaux sont bons. Mais du côté des entreprises, c’est une tout autre affaire. Elles sont toujours en phase basse… Et toujours aussi peu disposées à redémarrer. Regardez Siebel, Peoplesoft ou encore SAP : toutes sont des sociétés high-tech qui fournissent des applications à l’ensemble des groupes industriels et financiers. Aucune n’échappe aux difficultés. Pourquoi traversent-elles une passe aussi délicate ? Parce que leurs clients, eux-mêmes, sont extrêmement prudents, pour ne pas dire réservés, sur les investissements qu’ils entendent consentir au titre des technologies de l’information.Et en Europe ?Cela va beaucoup mieux. En disant cela, je pense notamment à l’Italie et à la France. Il me semble que, lorsque l’on observe les choses avec un peu de hauteur, l’Europe paraît mieux placée que les Etats-Unis pour profiter de la reprise. Quand celle-ci se concrétisera, bien sûr. Ce qui n’est pas encore avéré. Mais ce que je dis sur l’Europe, c’est un sentiment purement intuitif : je ne saurais pas l’étayer davantage. Pourtant, l’industrie du stockage est considérée comme un indicateur avancé de la reprise…Oui, à juste titre. Quand les entreprises expriment des besoins en termes de dispositifs d’archivage des données et de stockage d’informations, c’est que leur activité est en plein développement. Cette expansion nécessite alors, de la part des dirigeants, le recours à des ressources puissantes pour traiter efficacement leurs données. C’est un signe de bonne santé.Dell s’attaque aujourd’hui à votre business ?” le stockage ?” un secteur réputé comme juteux. Êtes-vous inquiet de cette vocation soudaine ?Non, car nous avons déjà un partenariat étroit avec Dell, qui distribue une partie de nos produits [la série Clarion, milieu de gamme de l’offre EMC, NDLR]. Mais nous n’entendons pas concurrencer cette entreprise : toute notre stratégie est fondée sur notre capacité à innover en permanence et sur une maîtrise affirmée de la technologie. Vous voyez que c’est très différent ! Ce qui ne m’empêche pas de lire, ici ou là, des rumeurs suggérant que Dell pourrait nous racheter. Voyez, je lis tout ce que vous écrivez… Mais là-dessus, je n’en sais pas plus que vous.Vraiment ?Vraiment. Si ces rumeurs fusent si facilement, n’est-ce pas le signe qu’EMC, pourtant une des valeurs phares de la décennie 90, marque le pas ?C’est assez compréhensible : au cours de la dernière période, l’action a lourdement chuté, s’associant à un phénomène assez général, en fin de compte, sur le marché. Ajoutez à cela que, au plus fort de la bulle financière, beaucoup de PER [rapport du cours sur le bénéfice, ndlr] avaient totalement perdu la raison, et vous comprendrez pourquoi des groupes comme Cisco, Amazon, Yahoo, Sun, et naturellement EMC ont eu quelques problèmes. N’oubliez pas qu’en 2001, pour la première fois depuis trente ans, le Japon mais aussi l’Europe et les États-Unis sont entrés en récession. Et ce, simultanément ! Jamais, dans toute ma carrière, il m’a été donné de voir un retournement aussi brutal. Dans ces conditions, comment pourrait-on s’étonner qu’il y ait des surcapacités d’investissement et de production un peu partout ?Cela n’est pas spécifique à EMC.Mais ces faits constituent des facteurs d’explications essentiels ! Dans le cas particulier d’EMC, nous avons dû nous séparer de 22 % des effectifs.Avec des implications stratégiques ?Pas sur l’innovation, qui reste notre bien le plus précieux. En revanche, nous avons engagé une évolution très forte en termes de produits : tout en restant dans notre métier de base ?” le stockage et l’archivage de données ?” nous allons privilégier une approche dirigée vers le logiciel. Cette activité permet de ” marger ” beaucoup plus. 70 % de notre recherche s’effectue d’ores et déjà dans le domaine du soft, et la totalité des acquisitions de ces derniers mois ont eu lieu, elles aussi, dans l’univers du logiciel. Et je peux vous dire que ce n’est pas fini.Quand prévoyez-vous le retour aux bénéfices ?On vient d’avoir trois trimestres difficiles [en pertes, NDLR], mais le retour à la profitabilité est prévu pour le quatrième trimestre. Je pense même qu’à la fin de l’année on s’apercevra que l’ensemble du second semestre aura été dans le vert. En tout cas, nous sommes bien positionnés pour atteindre cet objectif : nous disposons de 1,6 milliard de dollars (1,76 milliard d’euros) en cash, et notre budget annuel de recherche et développement dépasse les 800 millions de dollars. Plus important encore, nous n’avons pas de dettes.

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Propos recueillis pas Pierre-Antoine Merlin, envoyé spécial à Bruxelles