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Interview : comment GOG Galaxy veut devenir la bibliothèque universelle de vos jeux vidéo

Dans une interview accordée à 01net.com, Piotr Karwoski, directeur général de GOG, détaille les promesses de la nouvelle version de leur client Galaxy. Une seconde mouture qui se veut le point nodal de toutes les plates-formes de jeu, PC comme consoles.

Il y eut un monde où Steam était roi sur PC, ou les consoles ne se parlaient pas et où le Cloud Gaming n’était qu’une idée. Mais depuis deux-trois ans, le paysage des plates-formes vidéoludiques se transforme : les gros éditeurs se dotent ou renforcent leurs offres directes – certains, comme Epic, se payant même le luxe de snober Steam –, les joueurs PS4 veulent affronter leurs amis sur Xbox One et on voit se dessiner les stratégies de cloud gaming des historiques (Sony) comme des nouveaux entrants (Google Stadia).

De cette fragmentation née un chaos : où sont mes jeux ? Avec qui puis-je jouer et communiquer ? Un capharnaüm dans lequel le logiciel Galaxy 2.0 des Polonais de GOG veut mettre de l’ordre… en douceur.

Dans cet univers vidéoludique dominé par les Américains et les Japonais, les hérauts de l’Europe prônent une approche bien différente de celle de la chasse gardée. Il faut dire que leur ADN est bien différent de la compétition. Division de CD Projekt, entreprise connue pour son studio de développement à qui on doit la série des Witcher et du prochain Cyberpunk 2077, GOG est une plate-forme de distribution numérique. Un concurrent de Steam, mais dont les fondements sont bien différents : à ses débuts, Good Old Games (devenu GOG) s’était donné comme mission de distribuer les anciennes perles du monde PC – Fallout, Dungeon Keeper, etc. – avec des installeurs préconfigurés DOS qui facilitaient l’installation de ces programmes sur les ordinateurs modernes. Avec au cœur de la promesse un amour des jeux, même vieux, et une volonté de distribuer des logiciels sans protection numérique (DRM) téléchargeables à loisir.

01net.com – Piotr Karwowski, directeur général de GOG qui me demande d’entrée de jeu de l’appeler “Peter”, sans doute par crainte que ma prononciation du “Piotr” polonais soit exécrable. Ce qui est sans doute vrai.

Cet esprit de passion et d’ouverture, on le retrouve dès les premiers échanges avec Piotr Karwowski, directeur général de GOG. Un fan avoué de Nintendo qui a pris le temps de parler avec nous à l’occasion de la sortie prochaine de Galaxy 2.0, la seconde version majeure de leur logiciel de distribution de jeux qui se veut être le pont entre toutes les plates-formes.

« Dès 2014 quand nous avons commencé à travailler sur la première version de Galaxy 1.0 (lancée en 2015, ndr), nous avions déjà constaté les silos que représentaient les différentes plates-formes qui apparaissaient », relate-t-il. « Nous sommes des joueurs avant tout, et moi-même je suis agacé de ces limites : on ne sait jamais où trouver nos amis, j’ai plusieurs lanceurs de jeux et je ne sais jamais quels sont les titres que je possède », poursuit-t-il, avant de conclure : « ce n’est pas une situation favorable aux joueurs, ce n’est pas comme cela que devrait se passer l’expérience de jeu ».

Microsoft motivé, la communauté sollicitée

Annoncé le 23 mai dernier, GOG Galaxy 2.0 n’est pas une énième mise à jour d’une plate-forme de distribution : le projet est ici moins de faire évoluer graphiquement son client pour mieux vendre les jeux que d’apprendre à faire parler les plates-formes entre elles. Le but est de mettre à la disposition du joueur un outil qui réunisse non seulement tous ses jeux, mais aussi tous ses amis. Selon les captures d’écran qui sont actuellement diffusées par GOG, on peut voir non seulement une interface qui recense tous les jeux d’un utilisateur, mais aussi des tableaux de scores hétérogènes mêlant des contacts sous Steam, Origin, Xbox, Steam et GOG. Un onglet « Tracked discounts » semble même réunir tous les bons plans des différentes plates-formes, permettant au joueur de ne pas perdre son temps à « chasser » les promotions sur chacune des plates-formes auxquelles il a souscrit.

« La grande difficulté est évidemment de mettre tout le monde dans le même bateau », explique Piotr Karwowski. « C’est très difficile évidemment, je ne vais pas le cacher, mais nous avons parlé à tout le monde et continuerons de parler à tout le monde », admet-il avant d’ajouter « que certains retours sont très positifs, comme celui de Microsoft ». Pierre angulaire du jeu PC et papa de la Xbox, Microsoft « a de suite répondu présent quand nous leur en avons parlé il y a un peu moins d’un an. Et ils ont directement mis à disposition leurs outils, leur savoir-faire et leurs ressources pour nous aider dans l’intégration des connecteurs Xbox dans Galaxy 2.0 ».

S’il est probable que seuls quelques éditeurs soient de la partie au lancement de la bêta publique, qui devrait avoir lieu d’ici la fin de l’année (la bêta fermée sera lancée d’ici la fin de l’été), « nous parlons à tous les éditeurs, toutes les plates-formes et notre logiciel est open-source », continue Piotr Karwowski. Un modèle de développement ouvert, qui semble déjà porter ses fruits puisque « je suis allé voir sur la page GitHub du projet hier (qui rassemble les modifications de code apportées par la communauté des développeurs, ndr) et j’ai déjà vu des développeurs se mettre au travail autour des API », se félicite-t-il.

Monétisation “au Karma”

Interrogé au sujet du coût qu’engendrent le projet et les éventuels deals financiers avec les différents interlocuteurs, la réponse de Piotr a été claire : « Nous n’avons jamais parlé d’argent avec nos contacts. À aucun moment nous n’avons mis en place et pensé un système de monétisation ou de souscription autour de Galaxy 2.0. ».

GOG ne serait donc qu’une entreprise de bons samaritains ? « GOG a été fondée en réaction à l’abandon des jeux et contre les DRM. Au début, tout le monde nous a dit que cela ne fonctionnerait pas bien longtemps et que les gens pirateraient nos jeux », se souvient Piotr Karwowski. « Et 10 après, on est encore là ! Nous, on veut juste que les joueurs aient une expérience si bonne de notre logiciel qu’ils se disent ‘’Je vais acheter des jeux chez eux pour les remercier’’. C’est une forme de ‘’monétisation par le karma’’ si vous voulez, pas une approche prédatrice. »

Ce qui veut dire qu’à aucun moment « ne nous mettrons en avant l’achat prioritaire des jeux via notre plate-forme par rapport aux autres », continue-t-il. Une affirmation qui non seulement paraît sincère, mais aussi logique : cela semble être la condition sine qua non pour que des acteurs aussi sensibles qu’Ubisoft ou Sony cèdent au désir d’interopérabilité de ces « dangereux » gamers venus de l’Est.

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Adrian BRANCO