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Internet, royaume des labels inutiles

Pour crédibiliser, donner confiance, les labels ont proliféré sur le Net. Ils ne servent à rien mais évitent à leurs initiateurs de prendre de vraies positions.

Dans le Nouvel Hebdo du 25 janvier, une phrase ?” somme toute anodine ?” m’a fait franchement marrer. L’article présente le bilan de l’e-commerce en 2001 dressé par l’Acsel (Association pour le commerce et les services en ligne). Après une présentation de résultats, jugés meilleurs ou moins bons que prévus (selon que l’on se place du côté des marchands ou de leurs actionnaires), on apprend que l’Acsel ne va pas ” s’endormir sur ses lauriers [et prépare] la mise en confiance des internautes, notamment via la création d’un label pour asseoir la crédibilité des cybermarchands “.Ah ah ! un label ! Je me disais bien que cela faisait longtemps qu’on n’avait pas créé de label sur Internet pour asseoir une quelconque crédibilité. Voyons voir. On a eu le label ” Spammeur sympa  ” (ou quelque chose d’approchant) lancé par un organe de VRP. Et puis, sur la même lancée (il ne faut jamais s’arrêter quand on frôle le Nobel de la paix), les mêmes VRP ont récidivé avec la liste Robinson. Un truc génial pour asseoir la crédibilité de je sais plus quoi, le principe étant de s’y inscrire pour ne pas être spammé.Et puis après, on a eu des labels ” Je pirate pas ta carte bancaire parce que j’ai le logo d’une banque sur mon site “, ” Je suis assuré contre les gens qui piratent ta carte pour m’embêter alors que j’ai le logo d’une banque sur mon site “, ” Mon assureur, il a encore deux, trois ronds en poche au cas où il faudrait te rembourser si des méchants piratent ta carte alors que… ” etc, etc.Et là, tadada ! l’Acsel va créer son label ” Cybermarchand sérieux, tous les logos sont conformes “. Après tout, je suis démocrate, égalitariste donc je ne vois pas pourquoi l’Acsel n’aurait pas son propre label. Cela occupe et c’est plus sympa que le tricotage des longues soirées d’hiver. Mais ça va servir à quoi ce label ? Hein ?Car, pour asseoir sa crédibilité, le plus simple n’est-il pas d’être crédible tout court ? Par exemple, en soutenant ouvertement les associations de consommateurs qui se battent contre des sites à la réputation sulfureuse, vous savez les spécialistes du ” payé mais pas livré “. Ou encore, en pratiquant une transparence par rapport aux vols de numéros de cartes bancaires sur certains sites d’e-commerce. Ou même, en dénonçant les pratiques anticoncurrentielles de certains marchands prêts à offrir leurs produits pour générer du chiffre d’affaires, de la page vue, etc. Vous en voulez encore ? N’en jetez plus.La crédibilité machin chose, ça ne se décrète pas, ça se gagne, comme le reste. Alors, messieurs les marchands membres de l’Acsel, ne vous triturez pas la cervelle pour savoir si ” le bleu pâle c’est trop froid et le rose ça fait… ” (comme disait Jean-Pascal) pour votre logo qui donne confiance. La plupart d’entre vous ont réussi à créer un vrai magasin qui vend de vraies marchandises à de vrais gens. Il ne vous reste qu’à prendre de vraies positions, plutôt que de vous cacher derrière un label.* Grand reporter au Nouvel HebdoProchaine chronique vendredi 15 février

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Alain Steinmann*