Passer au contenu

FT casse les prix de l’ADSL et l’autorité de l’ART

France Télécom a cédé aux pressions conjointes des opérateurs tiers, de l’ART, de la Commission européenne et sans doute du Gouvernement. Sans attendre l’homologation de l’ART, l’opérateur historique propose une baisse de ses tarifs ADSL d’environ 20 % pour ” démocratiser le haut débit “. Les opérateurs concurrents sont partagés entre satisfaction et réserve.

France Télécom est bien décidé à faire progresser l’ADSL en France et à faire baisser les prix du haut débit. C’est, du moins, le discours officiel qu’a tenu l’opérateur historique jeudi, en annonçant tout un éventail de baisses de tarifs. Ainsi, le prix d’une ligne ADSL de 512 kbp/s, appelée autrefois Netissimo 1, baisse de 17 % et sera commercialisée 25 euros au lieu de 30,18 euros. La baisse est encore plus forte sur l’ex-Netissimo 2, apportant un débit de 1024 kbp/s. Son prix passe de 91,47 euros à 70 euros (hors taxe), soit une diminution de 23 %.Toutefois, les internautes ne doivent pas attendre une baisse immédiate des prix. C’est à leur fournisseur d’accès à Internet (FAI) de répercuter ces nouveaux tarifs. De Tiscali à Free, comme chez Wanadoo (lire les réactions ci-dessous), il n’est pas question de modifier immédiatement la politique tarifaire. Les fournisseurs d’accès voient tout d’abord cette baisse des prix comme un moyen de faire augmenter leurs marges, quasi nulles pour l’instant.

De l’ADSL à moyen débit pour 85 % de la population

Parallèlement à cette nouvelle grille tarifaire, France Télécom va mettre en place deux nouvelles offres, dès la rentrée de septembre : une ligne ADSL d’un débit de 128 kbp/s, facturée 20 euros par mois, et une ligne à 1024 kbp/s à 55 euros par mois, à la place de l’offre grand public, dérivée elle de Netissimo 2. Autre promesse de l’opérateur historique : augmenter la couverture de la population. En lieu et place de l’engagement de couvrir 80 % de la population, d’ici à la fin de l’année 2004, FT mise maintenant sur 85 %.” Pour cela, nous allons investir quelques dizaines de millions d’euros en plus du plan de 400 millions d’euros initialement prévu, précise Marc Fossier, directeur des relations extérieures de France Télécom. Mais la couverture de tout le territoire pose un problème d’équilibre économique, puisque nous attaquons des centraux téléphoniques de plus en plus petits, et donc moins rentables. “ Et les actionnaires de France Télécom verraient d’un mauvais oeil de nouveaux investissements, alors que l’opérateur s’est engagé à réduire sa dette.Au-delà des tarifs pour l’utilisateur final, France Télécom a totalement revu ses prix dits ” de gros ” à destination des fournisseurs d’accès à Internet. Pour l’offre de collecte du trafic IP, au niveau des répartiteurs de quartier et son acheminement jusqu’aux infrastructures des fournisseurs d’accès, une baisse de 45 % est prévue.

” Nous avons refait nos calculs “

Marc Fossier explique ” qu’il ne s’agit pas d’une décision arbitraire. Avec plus d’abonnés, les frais fixes sont plus facilement amortis “. Les opérateurs qui souhaiteraient ” dégrouper ” les lignes de France Télécom, c’est-à-dire prendre en charge le trafic des abonnés dès le répartiteur de quartier, bénéficieront, eux, d’une baisse de 21 %, le coût d’un accès totalement dégroupé passant de 14,48 euros à 11,5 euros par mois.Et lorsqu’il s’agit d’expliquer cette baisse du tarif, l’opérateur ” s’emmêle un peu les pinceaux “, car il est difficile de justifier que le coût d’une paire de cuivre ou de sa maintenance chute de 21 % en un mois. France Télécom s’était pourtant engagé à ne facturer que le coût réel à ses clients opérateurs. “Nous avons refait nos calculs et aujourd’hui nous pensons que nos coûts se situent autour de 14 euros”, précise Marc Fossier, laissant planer un doute sur la raison pour laquelle France Télécom baissait ses prix à 11,5 euros.Mais l’opérateur historique n’a pas seulement souhaité jouer sur les prix. Les conditions même du dégroupage sont rendues nettement plus attrayantes pour les opérateurs télécoms nouveaux entrants. Avant, ils devaient construire une salle pour y installer leur matériel. Maintenant, ils pourront utiliser les salles de France Télécom.De même, à la suite de l’affaire qui l’opposait à Club-Internet, FT a annoncé que les fournisseurs d’accès à Internet disposeraient dès le 15 avril d’un extranet leur permettant de suivre l’avancée du dégroupage d’une ligne. Cette ouverture devrait permettre aux agences France Télécom de commercialiser à nouveau des packs ADSL Wanadoo dans les mois à venir.” Nous espérions un million de lignes ADSL d’ici à la fin de l’année, nous pensons désormais pouvoir en compter 1,3 million “, se réjouit Marc Fossier.

L’ART prise de court

Seul problème en suspens : toutes ces nouvelles mesures ne sont que des propositions qui devront être homologuées dans les semaines à venir. Mais France Télécom aura au moins réussi à prendre l’ART (Autorité de régulation des télécommunications) de court, grâce à cette annonce préparée dans l’urgence. L’ART s’apprêtait en effet à imposer ses propres vues à France Télécom mardi prochain.Si, du côté des opérateurs, on parie que l’autorité demandera des baisses de tarifs encore plus importantes, on reconnaît que l’ART a été coiffée sur le fil très habilement. “Jean-Michel Hubert [NDLR : président de l’ART] n’est pas candidat à la présidence de la République”, s’amuse un cadre de France Télécom, laissant entendre que les baisses de tarifs ont été directement demandées par le Gouvernement, et que l’ART a été mise devant le fait accompli.Reste aussi à savoir si ces mesures favoriseront vraiment la baisse des prix pour le consommateur final. Et si la multitude d’opérateurs télécoms, découragés par les conditions d’accès au dégroupage, se lance finalement dans la bagarre ? Philippe Germond, président de Cegetel, indiquait la semaine dernière qu’il réservait sa décision en fonction des baisses de tarifs, mais qu’en tout état de cause, Cegetel pourrait difficilement être prêt commercialement avant la fin de l’année. Alors que le groupe pensait, il y a maintenant un an et demi, ouvrir fin 2001. Une année de perdue…

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Alain Steinmann (Le Nouvel Hebdo) avec David Prud'homme