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François Enaud (PDG de Steria) : ” Je ne vois aucun signe de ralentissement dans les services “

Steria s’est distinguée en 2001 par sa boulimie d’acquisitions. Les activités services de Bull Europe la font entrer dans le top 10 des SSII européennes.


Le Nouvel Hebdo : À chaud, quel est votre sentiment sur les conséquences économiques des événements américains ?
François Enaud : Difficile, vraiment, de se prononcer aujourd’hui sur l’impact global et à moyen terme de la catastrophe. Nous manquons de recul et notre champ de vision est trop restreint pour être pertinent. Ce que je peux dire, c’est que ce champ d’activité-là est moins sensible en temps réel aux accidents de la conjoncture que d’autres métiers plus dépendants de la consommation.Jusqu’où pourrez-vous tenir votre discours sur l’absence de crise dans l’informatique ?Je ne fais que combattre des idées reçues. Il faut distinguer la situation des équipementiers et des constructeurs de celle des sociétés de services. Il n’y a pas de signe de ralentissement dans les services, tous secteurs confondus : c’est un phénomène de société. Et les SSII [sociétés de services en ingénierie informatique, NDLR] bénéficient d’une poussée particulière du fait du développement des technologies. C’est la tendance de fond. Je ne dis pas que le ralentissement économique ne peut pas nous toucher, mais pour l’heure, regardons les chiffres. En France, les services informatiques connaîtront cette année une croissance d’environ 10 %, ce qui est excellent. Et sur les trois à cinq années à venir, cette prévision à deux chiffres demeure. On ne peut vraiment pas parler de crise.Quels autres éléments vous portent à maintenir ces prévisions optimistes ?C’est que la demande reste structurellement forte. Il est vrai que l’Hexagone demeure une locomotive européenne, mais l’Espagne se situe au même niveau, sinon au-dessus, et l’Italie se porte bien aussi. En Europe, plusieurs facteurs clés soutiennent fondamentalement les besoins des entreprises en services informatiques. L’évolution de la relation client touche désormais toutes les industries : l’automobile et l’assurance figurent parmi les derniers métiers à en prendre conscience. Ensuite, le développement des échanges, et, plus généralement, la globalisation de l’économie. Enfin, la poursuite des efforts de productivité. Ces quatre courants de fond garantissent une expansion robuste du secteur.La France est-elle toujours en retard dans le secteur des NTIC ?Non, je ne parlerais pas de retard général. Dans l’e-business, peut-être, et il y a une raison technique : le virage vers le monde Unix et l’architecture distributive a freiné la “ webisation ” des entreprises françaises. Au total, on assiste à un mouvement encourageant de rattrapage, y compris dans les industries traditionnelles.Qu’apporte le rachat des services de Bull en Europe ?Je tiens à préciser que je ne crois pas au développement par la croissance externe. Steria a doublé de taille en trois ans par croissance organique. Nous prévoyons de croître plus vite que le marché cette année ?” de 10 à 15 % ?” et cela reste notre objectif pour les exercices à venir, même si l’actualité récente diminue la visibilité. Fin 2000, nous nous étions fixé trois objectifs : peser au moins 40 % du chiffre d’affaires dans l’infogérance ; acquérir la taille critique de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires ; atteindre les 5 % de rentabilité en 2002. Les deux premiers buts sont atteints, le troisième est en bonne voie. Le rachat des services de Bull Europe, c’est-à-dire d’un réseau constitué, nous fait gagner au moins trois ans. Et les complémentarités géographique et commerciale sont prometteuses. Steria dispose de gisements de création de valeur énormes. En termes boursiers, je ne parlerais plus de valeur de croissance, mais de retournement. Notre idée, ce n’est pas d’être un groupe français internationalisé, mais de devenir un groupe européen d’origine française.Bull est-il condamné à disparaître ?Bull n’a pas pris à temps le nécessaire virage vers les services. Ses dirigeants n’avaient d’autre choix que de céder des actifs en se recentrant sur leur c?”ur de métier. Mais Bull dispose d’une part de marché et d’équipes R & D remarquables. Il est possible qu’un partenariat industriel lui donne l’occasion d’un rebond.Steria est absente du marché américain. N’est-ce pas le moment d’y étudier une acquisition ?Nous n’avons pas de présence aux États-Unis, c’est vrai, mais notre activité export nous y amène parfois. Nous avons ainsi un beau projet en cours dans l’e-business, pour la Snecma, qui nous porte à nous déployer chez General Electric. Nous implanter vraiment là-bas n’est pas notre stratégie actuelle. Devenons d’abord plus fort en Europe.

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Propos recueillis par Jean-Michel Cedro