Passer au contenu

Eric Barbry (avocat) : ” La nouvelle loi pour l’économie numérique impose de nouvelles obligations aux cybermarchands “

Le Gouvernement présentera prochainement un projet de loi pour l’économie numérique (LEN). Ce projet aborde un grand nombre de sujets (administration des noms de domaine, commerce électronique, lutte contre la cybercriminalité…), dont l’impact sera important pour le monde de l’Internet.

Coauteur de l’ouvrage intitulé Le droit du multimédia, du CD-ROM à l’Internet (collection Que sais-je ?), Eric Barbry est avocat à la cour d’appel de Paris et directeur du département Internet du cabinet Alain Bensoussan-Avocats
01net. : Bonsoir à toutes et à tous, nous sommes très heureux de recevoir Eric Barbry.
Eric Barbry : Bonsoir à tous.fred : Bonjour M. Barbry ! Pouvez-vous nous présenter ce que seront les grandes lignes de la nouvelle loi ?La loi elle-même est claire sur ce point qui aborde trois grands thèmes : la liberté de communication, le commerce électronique et la sécurité. Je pense que nous aurons le temps de les prendre en détail.vero : Quels sont les pays dont la législation en matière d’économie numérique est très avancée ? Les Etats-Unis et le Canada et la plupart des pays européens qui ont procédé à la transposition de la directive du 8 juin 2000, relative au commerce électronique.GiZzmo l’Avion : Les cybermarchands vont-ils voir un alourdissement du cadre juridique ? Je ne sais pas si l’on peut dire “alourdissement”, mais il est vrai que le projet (en tout cas la version qui est publique) impose un certain nombre d’obligations notamment en termes d’informations obligatoires et de restrictions en matière de publicité. Elle traite aussi des règles à respecter en termes de contrats en ligne (saisie de la commande, accusé réception et confirmation).thomas : Quelles seront les dispositions en matière de haut débit ? J’espère ne pas me tromper, mais dans la version que j’ai, il n’y a rien de particulier sur ce sujet. N’hésitez pas à me détromper.fdsd : Que dit cette directive européenne ? Si vous voulez parler de la directive que j’ai évoquée, c’est-à-dire la directive 8 juin, elle traite de trois grands thèmes : la responsabilité des acteurs de l’Internet, la publicité et la prospection en ligne, et le commerce électronique au sens premier du terme (commande, contrat, validation).Karim : Quel est l’état de loi française actuellement sur le commerce électronique ? Il est en bonne santé pourquoi ? Plus sérieusement, il se développe à mon sens sans grande difficulté sur un plan économique et je ne connais finalement que très peu de contentieux sur le sujet. La loi LEN devrait venir affiner la réglementation en imposant un certain nombre de règles généralement destinées à créer cette fameuse “confiance” à laquelle tout le monde aspire.GiZzmo l’Avion : Quelles sont ces restrictions en matière de publicité ? Une réglementation du “spam” ou une régulation de l’espace publicitaire sur les pages ? Les deux : une partie de la LEN traite de ce que l’on appelle la “publicité” et une autre de la prospection. Pour la publicité, la règle est simple sur le papier : elle doit être identifiable et celui qui en bénéficie doit être facilement identifiable. En pratique, c’est évidemment plus complexe car cela dépend de la manière dont la publicité est “diffusée”. Il y a des publicités qui sautent aux yeux et d’autres qui sont plus “subtiles”. Pour le spam ou la prospection, c’est encore plus réglementé avec un principe général et des exceptions.moi : Quels sont les contentieux que vous connaissez ? Il y a en gros deux types de contentieux : ceux dont les internautes sont les victimes (problèmes de livraison, de prestations ou de services) et ceux tout aussi nombreux qui affectent les “cybermarchands” du fait de la fraude des internautes eux-mêmes.jeanne : Que prévoit le projet de loi sur la responsabilité des prestataires de services de certification ?Le projet (encore une fois, je parle avec réserve de celui qui semble être le plus récent) évoque effectivement la responsabilité de ce que l’on appelle les “personnes physiques ou morales prestataires de services de certification électronique”. En gros, elle dispose que, sauf a démontrer que ces prestataires n’ont commis aucune faute intentionnelle ou négligence, ils sont “présumés responsables du préjudice causé aux personnes qui se sont fiées raisonnablement aux certificats présentés comme qualifiés lorsqu’ils s’avèrent que ces certificats de sont pas qualifiés”. Ils ne sont par contre pas responsable du préjudice causé par un usage du certificat dépassant les limites fixées à son utilisation. (Je répète… en gros).GiZzmo l’Avion : Cette loi ressemble à une Netiquette “grandeur législation” ? Une sorte de “formatage”, tout le monde présente le même formulaire, seul la couleur change. Est-ce votre sentiment ? Je ne crois pas qu’on puisse parler de “loi netiquette” , mais je suis d’accord sur le terme “homogénéisation” des usages du commerce en ligne.gaelle : La loi sur l’économie numérique fera-t-elle de l’opt-in la règle ? Toujours en gros (désolé, mais il est difficile de tout traiter en détail) disons que le principe est celui qui vise a interdire la prospection directe au moyen de courrier électronique à des personnes physiques ou morales qui n’ont pas exprimé leur consentement préalable à recevoir de tels courriers. A côté du principe, une grande exception : on peut adresser des mails de prospection commerciale (dans le respect de la loi informatique et libertés) si les coordonnées utilisées ont été fournies directement au destinataire du mail a l’occasion de la réalisation d’une vente ou de la fourniture d’une prestation de service, sous réserve de porter exclusivement sur des biens ou services analogues et pour autant que ladite personne ait la faculté de s’y opposer.Davimac : Quand la loi sera votée à l’Assemblée ? Sera-t-elle rétroactive pour les divers contentieux ? Sur le plan pénal si la loi est plus douce oui.hubert : Bonjour ! La nouvelle loi donnera-t-elle naissance à un label de qualité pour les sites de vente en ligne afin que le consommateur s’y retrouve ? Il n’y a pas de notion de label dans la loi. En réalité la LEN fixe des règles à respecter. On peut regretter qu’il n’y ait d’ailleurs pas d’une manière générale quelque chose de plus riche sur tout ce qui tourne autour des codes de déontologie, les chartes…Davimac : Ça ne me donne de réponse sur la date du vote de la loi :=) ? Malheureusement je ne lis pas encore dans l’avenir. A priori le Gouvernement a indiqué qu’il souhaité aller vite et adopter un projet en début d’année. J’ai entendu parlé d’une adoption rapide mais quant à vous dire quand ?alain : que prévoit le projet de loi en matière de DRM ? Merci. Pouvez vous détailler DRM ?pat : Bonjour. Voici donc ma question : le numérique ne résume pas à Internet, quels sont les autres domaines concernés par cette loi ? Vous avez raison le texte retient le mot “numérique”, le projet précédent parlait lui de société de l’information. Il s’agit donc d’une acception plus large qu’Internet mais quant à vous dire aujourd’hui quels sont les autres technologies visées ? Il est vrai aussi que la loi traite dans son titre IV des systèmes satellitaires ceci explique sans doute cela.alain : Pardon, DRM : Digital Right Management. Encore désolé (décidément) mais je ne vois pas dans la LEN ce qui pourrait traiter de ce sujet.eliane : La signature électronique sera-t-elle “homologuée” par ce projet ? Je ne sais pas ce que vous entendez par homologué, mais il est certain que la LEN traite de la signature électronique pour partie et ce, à deux niveaux. Elle précise que lorsque une loi exige une “mention écrite de la main de celui qui s’oblige”, ce dernier peut l’apposer par forme électronique sous garantie que cette mention ne peut émaner que de cette personne pour le reste la signature est abordée sous l’angle technique de la réglementation sur la cryptologie.bea : Qu’est devenue la loi sur la société de l’information ? Est-elle complètement abandonnée ? La LEN sera adoptée en lieu et place du projet LSI mais il faut bien voir que certains aspects de la LSI avaient déjà été intégrés dans notre ordre juridique (je pense a la Loi sécurité quotidienne ou l’ordonnance de août 2001) et que d’autres parties sont issues de la LSI.GiZzmo l’Avion : Les droits des salariés en matière de courrier électronique vont-ils changer ? Seront-ils plus libres, mieux protégés ? Silence total dans la loi sur ce point.Helena : Si vous pouviez ajouter quelques lignes à ce projet de loi, quelles sont celles que vous ajouteriez ? J’en ai vraiment trop pour vous dresser une liste mais j’ai cru comprendre de la présentation qui en a été faite par le Gouvernement, qu’il voulait éviter une grande loi cadre et traiter en plus de la LEN, au cas par cas les autres problèmes. J’ai toutefois quelques inquiétudes, notamment pour ce qui concerne la responsabilité des acteurs de l’Internet.bernard : En quoi une loi nationale est-elle utile quand, par exemple, le commerce électronique est international ? Elle l’est au moins pour deux raisons : elle règle les problèmes franco-français et c’est une grande part du commerce électronique d’aujourd’hui et la LEN elle-même traite du droit applicable à certains services en ligne notamment des services rendus par les sociétés ayant leur établissement “stable” dans un pays de l’Union. Pour le reste, cela fait partie des points qui mériteraient un approfondissement, vous avez raison.butor : Sur Internet, où peut-on trouver des ressources sur ce projet de loi ? Je ne trouve rien sur le MINEFI ?
Je vais demander à 01net. de faire un lien sur la ou les sources sur Internet (vous ne m’en voudrez pas aujourd’hui de faire une publicité qui pourrait être mal venue :-).deric : Pouvez-vous nous dire ce que la loi pourrait changer pour l’internaute lambda dans son utilisation quotidienne de l’Internet ? Le rassurer d’abord en lui donnant un cadre peut être un peu plus clair sur qui est quoi et comment il contracte. Elle lui permettra aussi sans doute de mieux se défendre en cas de litige (enfin c’est le but me semble-t-il).emma : On parle de contrat électronique pour la vente en ligne, de quoi s’agit-il concrètement ? Le texte parle de contrat par voie électronique et traite de “quiconque propose, par voie électronique, la fourniture de biens ou de services”…roland : Salut. Les entreprises “numériques” sont-elles séduites par ce projet ou le contraire ? Les professionnels de l’Internet (accès, hébergement) ne semblent pas hostiles, même s’ils souhaitent sans doute quelques modifications, adaptations ou éclaircissements. Les éditeurs de services en ligne eux peuvent avoir une vision un peu plus critique sur les nouvelles obligations qui sont les leurs, mais à vrai dire, la plupart d’entre eux répondent déjà en grande partie à ces obligations de transparence et de clarté.jeanne : Quelle est la différence d’esprit avec la LSI ? Je ne sais pas s’il y a une différence d’esprit. Ce que j’en comprends c’est une conception peut-être plus “économique” d’où le terme même de la loi. Je pense que l’objectif est clairement de développer l’Internet et surtout le commerce en ligne et non de le freiner. Mais il faudra aussi suivre l’ensemble de la réglementation car la LEN ne semble être qu’un premier élément qui en annonce d’autres.garches : Je n’ai pas vu de consultation des internautes sur ce projet, je me trompe ? Oups, on les aurait oubliés ?Appelez moi maître : Comment sera définit la notion d’économie numérique, que recouvre ce terme ? Mon Cher Maître, très franchement je ne sais pas. Cf. ma réponse précédente, je pense que nous sommes avant tout dans le “concept” d’un renforcement de l’Internet marchand.julie : Eric Barbry, je voudrais savoir si dans la nouvelle loi, il est prévu de combattre fermement le spam en protégeant les données personnelles ? Il semble que ce soit le cas, non seulement de par l’esprit et la lettre de la LEN mais aussi de par les récentes interventions de la CNIL sur ce sujet.Davimac : Y a-t-il un réseau d’avocats spécialisés qui conseillent le Gouvernement pour cette loi ? Un réseau, je ne sais pas, des avocats, je pense (j’espère :-), mais ils ne sont pas les seuls à pouvoir intervenir dans le débat je pense que les juristes des entreprises concernées ont un grand rôle à jouer, que les juristes des associations professionnelles font aussi un très bon travail.Fred : Dans cette nouvelle future loi, le mail sera-t-il enfin une preuve suffisante pour démontrer des faits ? Dans certains cas, il l’ai déjà. Il n’y a pas de “renforcement” ou non d’ailleurs du droit du mail sur ce point même si la LEN traite çà et là du mail, lui conférant donc indirectement un “statut d’objet juridique”.FMR : Moi je dis qu’en France les lois dès qu’elles sont votées elles sont contournées ! Les Français sont intenables ! La loi n’a jamais été faite pour empêcher les gens de la contourner mais simplement pour leur fixer des règles. Rien ni personne ne peut empêcher quelqu’un de transgresser une règle, l’objectif est celui de sanctionner une éventuelle transgression.Laurie : Vous pensez qu’Amazon, la FNAC et les quelques grandes enseignes numériques ont eu un rôle dans l’établissement du projet de loi ? Franchement, je n’en sais rien. J’espère simplement que tous les acteurs ont été invités à la table avant que l’on commence le festin.alain : Est-ce que la directive données nominatives, de 1995, sera transposée ? La prochaine transposition devrait plutôt être celle de la transposition de la directive dite “données personnelles et communication électronique” en 2003, si mes chiffres sont bons. Un autre programme qui nous permettra de nous retrouver, car là encore, le sujet est passionnant.Merci beaucoup Eric Barbry, le mot de la fin ? La LEN n’est pas à mon sens une révolution mais une évolution nécessaire de notre réglementation. Ce qui est certain c’est qu’elle affectera lensemble des parties prenantes prestataires techniques, éditeurs, commerçant et consommateurs. A chacun de bien apprécier les enjeux et conséquences de cette nouvelle réglementation dans leur fonctionnement de tous les jours. Merci a tous pour ce débat.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


La rédaction