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Des consoles et des jeux irrésistibles

Cartouches, puces, failles logicielles, les pirates maîtrisent toutes les techniques pour cracker les consoles de jeux vidéo. Un véritable fléau pour les fabricants et les éditeurs.

L’extraordinaire succès des jeux vidéo lié à la généralisation des consoles dans les foyers a son revers de médaille : le piratage. Avec quelques manipulations sur une console et le téléchargement sur Internet, il est facile de jouer à moindre coût. Les bidouilleurs facilitent les choses en diffusant leurs astuces sur la Toile et les copies de jeux circulent sur les réseaux peer-to-peer. À l’exemple du jeu Call of Duty : Modern Warfare 2, qui a battu les records de ventes depuis sa sortie en France (novembre 2009), et qui, rançon de la gloire, arrive également en tête des téléchargements illégaux sur les réseaux de BitTorrent pour l’année 2009, selon des estimations de TorrentFreak. Il détrône le jeu Spore, palme d’or du palmarès du piratage en 2008. Du côté des consoles, la Wii de Nintendo se place dans le trio gagnant des modèles les plus crackés, devant la DS et la PSP de Sony. La Xbox 360 de Microsoft, qui a résisté un temps aux pirates, connaît maintenant le même sort. Réputé inattaquable, le verrou de la PS3 a sauté récemment après qu’un jeune “ hacker ” a accédé à la mémoire et au processeur de la console, un premier pas vers son piratage… Le succès d’un jeu ou d’une console se mesure-t-il au piratage massif qu’il génère ? Une équation qui donne à réfléchir aux différents acteurs du marché.

Techniques de piratage

Il existe trois bonnes raisons pour pirater sa console : par défi technique, par souci d’économies ou pour un meilleur confort d’utilisation. “ L’accès à la gratuité des jeux est un facteur déterminant, les copier tous sur un disque dur externe a un côté pratique évident : un temps de chargement plus rapide, une bibliothèque de jeux à disposition sur un seul support. Mais pour les pirates, cracker sa console est avant tout un vrai défi technique ”, explique Camille Monge, ingénieur. Chaque nouveau modèle qui fait son apparition sur le marché génère un nouveau challenge à relever. L’immense succès de la DreamCast de Sega a ainsi causé sa perte. Jamais une console n’aura été autant piratée. Un phénomène similaire est en train de se produire avec la Wii de Nintendo, mais sans les mêmes conséquences, même si la marque annonce une baisse de ses bénéfices en 2009 (- 41 % pour la DS et la Wii). La console a été crackée rapidement, juste après sa sortie, grâce à une puce qui permettait de contourner le contrôleur DVD. Nintendo a réagi en rendant l’accès à ce contrôleur plus difficile, et la puce est devenue de plus en plus compliquée à installer. Désormais, les pirates passent par une autre faille qui est purement logicielle : l’installation et l’ajout d’une nouvelle chaîne au système d’exploitation de la Wii, qui permet de connecter un disque dur externe en USB. “ Sur la Wii, les temps de chargement des DVD sont longs, et il faut changer de DVD à chaque fois que l’on veut passer à un nouveau jeu. Le fait de pirater la console permet de jouer directement à partir d’un disque dur externe, qui se branche sur le port USB. Tous les titres sont stockés sur un seul support et sont plus facilement transportables ”, confie notre spécialiste.Dans le cas de la DS, le système est un peu différent. Il faut passer par un linker, qui se présente sous la forme d’une cartouche de jeu adaptatrice (en vente libre), qui intègre un lecteur de cartes mémoire. Grâce à cet émulateur, tous les jeux que l’on aura préalablement copiés sous forme de fichiers sur la carte Micro-SD pourront tourner sur la console. Ils sont accessibles rapidement en passant par le menu du linker. Quant à la PSP, après une manipulation à effectuer sur la machine en passant par une faille du logiciel, les jeux sont accessibles à partir d’une simple car te Memory Stick. En revanche, l’opération se complique sur la Xbox 360, car il faut avoir en main le jeu original et le graver selon une méthodologie très précise sur un DVD vierge double couche. À moins d’avoir un modèle bien particulier de la console et de savoir manier le fer à souder. Georges Hotz, le premier hacker à avoir piraté la PS3 fin 2009, aurait accédé à la totalité de la mémoire du système et au processeur. Poussé par la “ curiosité ” et l’envie d’“ ouvrir la plate-forme ”, il s’explique dans un billet posté sur son blog : “ La PS3 est hackée, c’est à vous de trouver quelque chose à faire avec ”.

Des mesures de rétorsion

Du côté des fabricants, la réplique est vive. Nintendo a lancé une offensive juridique de grande envergure à l’encontre des distributeurs de copieurs de jeux et de jeux vidéo piratés. Le constructeur/ éditeur entend bien faire interdire la vente de ces cartouches qui, selon la responsable des affaires juridiques de Nintendo France, “ porte préjudice à toute une chaîne de valeurs. Sont visés les réseaux commerciaux organisés qui sévissent à travers le monde et sur Internet ”. Microsoft s’attaque directement aux joueurs qui ont cracké leur Xbox 360 en bloquant massivement leurs comptes sur sa plate-forme de jeux en ligne Xbox Live. Il ne leur est plus possible de télécharger des contenus exclusifs ni de jouer en réseau. Le nombre de Xbox 360 piratées était estimé à 1 million à fin 2009 (sur 30 millions de consoles vendues dans le monde). Sony interdit également l’accès à son service en ligne PlayStation Network (PSN) à toutes les machines modifiées. La protection s’étend aux derniers titres commercialisés par la firme qui ne peuvent pas être lancés depuis ces consoles. Sony a créé le PSN pour vendre ses jeux de manière entièrement dématérialisée sur sa boutique en ligne, une autre tentative pour enrayer le piratage. “ Protéger le matériel ne suffit pas. Il faut offrir une alternative au téléchargement illégal en proposant des contenus téléchargeables diversifiés à des prix compétitifs ”, assure Arnaud Gueydan, chef de groupe Hardware Sony PlayStation.

Accessoires rémunérateurs

Le combat qui oppose les fabricants aux pirates tourne le plus souvent à l’avantage de ces derniers. Malgré les verrous de sécurité mis en place, peu de consoles leur résistent. Et ils s’empressent de publier le résultat de leurs manipulations sur Internet. S’il n’est pas illégal de bidouiller sa console, d’y ajouter une puce ou de passer par une cartouche, la manipulation s’effectue au détriment de la garantie constructeur. Avec le risque d’abîmer le matériel si l’opération tourne mal… Le téléchargement illégal de jeux sur les réseaux peer-to-peer tombe, lui, sous le coup de la contrefaçon avec violation du droit d’auteur, de marque et de logiciel. Car il est interdit de télécharger des titres que l’on n’a pas achetés, ni de mettre à disposition des jeux sur Internet dont on n’a pas la licence.En face, la parade s’organise. Outre l’attaque juridique en règle, la stratégie commerciale de certains fabricants évolue vers une démultiplication des accessoires indispensables pour pratiquer les jeux : volant, pistolet, guitare, balance board, joystick, micro, au demeurant très rémunérateurs. Les éditeurs explorent le système d’accès aux jeux gratuits, avec des contenus en ligne payants. Reste qu’il y aura toujours des passionnés de jeux vidéo qui seront sur les rangs pour être les premiers à acheter les consoles nouvelle génération et les nouveaux titres dès leur sortie. Le marché du jeu vidéo a encore de beaux jours devant lui.

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Frédérique Crépin