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Débits, fréquences, usages futuristes… A quoi pourrait bien ressembler la 6G ?

Intelligence artificielle, recours aux ondes térahertz ou développement de jumeaux numériques, il existe de nombreuses pistes de réflexion autour d’une future 6G.

C’est presque un réflexe de Pavlov. Lorsqu’une nouvelle génération de téléphonie mobile commence à être activée comme la 5G, chercheurs et industriels des télécoms se mettent à plancher immédiatement sur la prochaine, partant du principe que le renouvellement doit se faire tous les dix ans. La réflexion a donc débuté sur la 6G dès 2019 sous l’impulsion de l’Université d’Oulu en Finlande. Depuis, des études ont été lancées aux Etats-Unis, en Corée du Sud, au Japon, en Chine et en Europe. Voici les pistes qui prévalent sur cette technologie en devenir.

De l’IA pour un réseau plus résilient et efficace

Quels seraient les besoins auxquels la 5G ne saurait pas faire face en 2030 ? Cette question appelle plusieurs réponses. La première se concentre sur des enjeux sociétaux qui affleurent déjà. Et en premier lieu un impératif de résilience. Avec la pandémie et la hausse du télétravail, la population veut accéder de façon permanente au réseau mobile et devient de plus en plus intolérante aux pannes. Or, il va falloir faire face à la  hausse continuelle du trafic mais aussi à des épisodes météorologiques extrêmes qui vont se multiplier avec le réchauffement climatique. Comment faire pour maintenir le service en toutes circonstances, alors que les antennes mobiles restent à l’extérieur et ne peuvent être enterrées ? 

Ce même réchauffement climatique impose de réduire les émissions de gaz à effets de serre et d’être encore plus efficace énergétiquement. Enfin, la controverse autour des antennes 5G de Huawei pose la question de la sécurité nationale et de l’autonomie des opérateurs vis-à-vis de leurs équipementiers. L’idée de développer des équipements ouverts et interopérables monte en puissance. 

« Ce qu’il nous faut, c’est le réseau le plus efficace, le plus fiable, le plus sûr et le plus solide possible », résume Nicolas Demassieux, directeur de la recherche d’Orange. L’intelligence artificielle pourrait aider à relever quelques-uns de ces défis. « La 5G n’a pas été conçue nativement pour intégrer de l’IA qui est tout juste émergente », nous fait encore observer Nicolas Demassieux. En la prenant en compte dès le départ dans la 6G, les milliers de paramètres du réseau pourraient être réglés plus finement et en temps réel. 

Des débits de 1000 Gbit/s et des fréquences Terahertz ? 

Certains acteurs comme Samsung poussent la 6G à la performance technique. A la fois constructeur de terminaux et équipementier,  le géant coréen promet même de véritables prouesses.

Comment Samsung représente les performances de la 6G.
Samsung/Whiter paper – Comment Samsung représente les performances de la 6G.

Il évoque des débits descendants de 1000 Gbit/s et une latence inférieure à 0,1 ms, contre 10 à 20 Gbit/s de débit et 1 ms de latence obtenus au mieux avec la 5G.

L'usage du Terahertz en question.
Samsung/White paper – L’usage du Terahertz en question.

Pour parvenir à de tels résultats, Samsung réfléchit notamment à l’exploitation de la bande Terahertz qui va de 100 GHz à 30 THz. Elle comporte beaucoup de bande passante disponible pour doper les débits.

Mais cette option est aujourd’hui loin de faire consensus. « Je trouve que c’est un sujet légitime de recherche académique. Mais je suis un peu dubitatif sur l’utilité du Terahertz pour la 6G. La portée sera extrêmement faible et il faudra des émetteurs qui ne coûtent pas cher », analyse Nicolas Demassieux. « La question c’est : de quoi aura-t-on besoin ? D’ultra-performance ou de connectivité ambiante où que l’on soit ? Prenez l’exemple de l’électricité : ce n’est pas en augmentant sa puissance mais en s’assurant qu’elle était disponible partout que l’on a progressé », ajoute-t-il.

Téléprésence holographique et jumeaux numériques

Il y a une autre vision plus prospective et conceptuelle de la 6G. Comme celle de Nokia, qui pilote le projet exploratoire phare de la Commission européenne : Hexa-X. « En 2030, les interactions seront plus fortes entre le monde réel, le monde numérique et le monde virtuel », avance Jean-Luc Beylat, Président de Nokia Bell Labs France. L’idée, c’est de connecter ensemble le corps humain, les capteurs, les infrastructures numériques et les capacités de calcul au sein d’un vaste écosystème. « La 6G pourrait devenir le réseau des réseaux », ajoute Jean-Luc Beylat.

La 6G vue par le projet européen Hexa-X.
Hexa-X – La 6G vue par le projet européen Hexa-X.

Dans son livre blanc sur la 6G, l’équipementier finlandais prévoit que les écrans tactiles deviendront obsolètes au profit des interactions vocales et gestuelles qui s’imposeront comme une norme. Que nous commanderons des machines à distance via des patchs, des bio-implants, des appareils intégrés à nos vêtements, voire des capteurs cérébraux comme le rêve Elon Musk avec son projet d’implant cérébral Neuralink aux accents transhumanistes.

Autre piste émergente, celle de la téléprésence holographique, qui pourrait s’imposer dans les interactions professionnelles et sociales. Cela permettrait de donner l’impression que l’on se trouve à un endroit comme son bureau depuis n’importe quel point du globe. Exactement ce que prévoit le patron de Facebook Mark Zuckerberg avec les progrès de la réalité virtuelle.

Le concept de jumeau numérique tient enfin une place centrale dans la plupart des ébauches sur la 6G. L’idée est de faire une copie complète d’un objet, d’une collectivité, d’une entreprise et même d’une personne dans un data center et de la synchroniser en permanence. Cela peut valoir pour une ville entière comme Paris ou une usine. Si vous voulez changer la circulation des voitures ou une chaîne d’assemblage, vous testez les modifications dans la copie numérique et pouvez l’appliquer ensuite dans le monde réel avec une rapidité foudroyante. Et pourquoi pas faire de même avec un traitement médical pour une personne. « On pourra tester et diffuser immédiatement de nouvelles solutions », s’enthousiasme Jean-Luc Beylat.

Le projet européen Hexa-X rendra ses conclusions au mois de juin 2023. Tous les développements actuels devront faire consensus au niveau international avant d’engager un processus de standardisation. Si le 3GPP ne s’est pas encore emparé du sujet de la 6G, l’Union Internationale des Communications (ITU) commence timidement à y réfléchir.

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Amélie CHARNAY