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De la concentration dans le secteur des télécommunications

La constitution de groupes paneuropéens se justifierait par la recherche des économies d’échelle, même si celles-ci n’étaient que de l’ordre de 2 à 4%.

Ce que vient de faire Laurent Fabius est exceptionnel. Pour la première fois depuis longtemps, on voit une décision de politique économique revenir de manière très forte sur ce qui avait été prévu et cela dans l’intérêt même du secteur des télécoms. Elle s’impose à tous les opérateurs européens et elle représente une bouffée d’oxygène pour les équipementiers. Sera-t-elle suffisante pour prévenir toute faillite d’opérateurs en Europe, à l’image de ce qui s’est passé aux États-Unis, et pour éviter toute concentration excessive ? Rien n’est moins sûr, car le mouvement est parti depuis longtemps et le système d’attribution dans les autres pays européens ne s’est pas modifié.Trois stratégies se présentent à l’opérateur. La première : tenter d’obtenir la plus grande part de marché pour amortir ses frais fixes. L’élargissement des bases respectives de clientèle conduit à une concurrence tarifaire pour éliminer les autres opérateurs, en particulier les plus faibles ?” les économistes l’appellent “Équilibre de Bertrand”?” ou à des absorptions.La seconde vise à fixer le prix de vente au-dessus du coût marginal (*) de façon à couvrir le coût moyen. Ceci conduit à une restriction de la demande par les prix et à un ralentissement de la croissance. Enfin, la troisième : limiter le montant des frais fixes, soit unitaires par une dégradation de la qualité (service et couverture), soit totaux en ne couvrant qu’une niche du marché. Dans les deux cas, il y a restriction par les quantités.

Élargir la base de clientèle

Le mouvement de concentration à l’échelle européenne, qui s’est poursuivi durant l’attribution des licences de la troisième génération (3G), s’inscrit parfaitement dans ce schéma. Apparemment, il concrétise la libéralisation de marchés nationaux encore largement spécifiques, dans la perspective de l’achèvement d’un marché unique. Les grands opérateurs tentent d’élargir le plus possible leur base de clientèle sans qu’a priori une concurrence tarifaire exacerbée soit déclenchée. La constitution de groupes paneuropéens se justifierait par la recherche des économies d’échelle, même si celles-ci n’étaient que de l’ordre de 2 à 4 %. Cependant, outre les gains directs au niveau de la production, il existe des effets indirects importants : économies d’échelle en amont (relations avec les fournisseurs), et en aval (circuits de distribution, image de marque, parc d’abonnés préexistant avec un moindre coût d’acquisition et de fidélisation plus faible).Les avantages de la concentration sont d’autant plus marqués que l’opérateur s’est imposé comme un acteur majeur sur le marché du GSM, a fortiori s’il s’agit d’un opérateur historique.Au contraire de ce qui était annoncé, et qui aurait été pertinent si le marché de la 3G avait respecté ses échéances, les économies d’échelle à la production importent peu dans le mouvement de concentration à court terme. L’atout déterminant des opérateurs paneuropéens est leur capacité financière.Une fois la fragilisation financière des petits opérateurs irréversible, la consolidation devrait s’accélérer pour aboutir à la constitution d’un pôle de cinq ou six groupes transnationaux, structurés autour des opérateurs GSM actuels qui dominent sur les marchés majeurs d’Europe : Vodafone, BT Cellnet, FTM/Orange, KPN/NTT/TIM, Telefonica, T-Mobil (Deutsche Telekom). Ce n’est qu’une fois la technologie mature que les effets des économies d’échelle pourront éventuellement se concrétiser.(*) Le coût marginal reflète le coût d’un abonné supplémentaire utilisant l’infrastructure. Il se distingue du coût moyen, obtenu en divisant les coûts totaux de l’infrastructure par le nombre d’abonnés.* professeur à luniversité Paris-Dauphine

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Jean-Hervé Lorenzi*