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Comment Google a touché des millions des lobbys anti-avortement aux États-Unis

Les organisations militant contre l’IVG ont investi Google : elles auraient dépensé près de 10 millions de dollars ces deux dernières années pour mettre en avant des « centres de crise de la grossesse » aux États-Unis – en vérité des structures qui militent contre l’avortement.

Aux États-Unis, si vous tapez dans le moteur de recherche de Google « clinique d’avortement près de chez moi », « pilule du lendemain » ou encore « clinique pour avorter », vous risquez de voir dans la liste des résultats sponsorisés des liens renvoyant vers de fausses cliniques, promues par le lobby anti-avortement. Selon une étude parue jeudi 15 juin, réalisée par le Center for Countering Digital Hate (CCDH), le secteur aurait versé à Google près de 10 millions de dollars ces deux dernières années pour promouvoir ces établissements.

Dans le viseur de cette ONG qui lutte contre la désinformation en ligne, ces structures qui feraient de la publicité mensongère, mais aussi… Google qui par son laxisme, voire son incapacité à appliquer ses propres règles, a laissé prospérer le lobby contre l’avortement sur son moteur de recherche. Que reproche-t-on d’abord à ces fausses cliniques ? Appelées à tort « centres de crise de la grossesse », ces structures ne fournissent pas réellement de soins. Elles vont au contraire tout faire pour que les femmes renoncent à leur projet d’interruption de grossesse. Des milliers d’utilisatrices auraient cliqué sur ces liens, pensant trouver à tort des informations sur l’IVG, dans un contexte où le choix des Américaines pour interrompre leur grossesse s’est réduit comme peau de chagrin depuis le revirement de la Cour suprême. En mai 2022, la plus haute cour de justice a mis fin outre Atlantique à la protection fédérale du droit à l’avortement.

« Il n’y a rien d’autre que des mensonges et de la désinformation »

Ce n’est pas la première fois que ces centres sont épinglés. Quelques mois plus tôt, ces derniers ont déjà été décrits par l’association américaine de médecins spécialisés en médecine obstétrique et en gynécologie comme des établissements « opérant de manière contraire à l’éthique ». En particulier parce qu’ils se présentent comme des cliniques de santé réalisant des IVG alors qu’ils cherchent en réalité à dissuader les femmes de se faire avorter. Il y en aurait près de 2 600 dans tout le pays, soit trois fois plus que les véritables cliniques pratiquant l’IVG.

Ces fausses cliniques sont gérées, en amont, par des organisations militant contre l’avortement, qui n’hésiteraient pas à mettre en avant de fausses informations médicales. « Il n’y a rien d’autre que des mensonges et de la désinformation » au cœur de ces établissements, tacle Ally Boguhn, porte-parole de l’organisation de défense des droits de la femme Naral Pro-Choice America, citée dans le communiqué. Elles font par exemple croire que l’IVG augmente les risques de cancer du sein, elles exagèrent le risque de complication pour les grossesses futures – comme la perte de fertilité – qui résulterait d’une IVG.

Google épinglé pour avoir permis l’émergence de ces services anti-avortement

Résultat, « les femmes ne sont pas en mesure de connaître toutes les options qui s’offrent à elles, options qui sont de plus en plus rares », détaille le rapport. Et selon le CCDH, Google a bien sa part de responsabilité dans cette affaire. La plateforme « permet un comportement extrêmement trompeur et fait très peu pour s’assurer que les gens sont informés. Son incapacité à combler les lacunes de ses propres règles a rendu possible l’existence de ces sociétés de marketing » dont l’objectif est de fournir des services qui sapent les droits des femmes aux États-Unis, taclent les auteurs du rapport. Ce laxisme aurait permis la création d’une « industrie artisanale » de plusieurs millions de dollars de sociétés de marketing anti-avortement, qui fournissent du matériel promotionnel et des sites web à ces faux centres de grossesse, poursuivent-ils.

Or, cela est particulièrement problématique aux États-Unis, puisque dans le pays, Google est la première source d’information et d’orientation des femmes cherchant à interrompre leur grossesse, expliquent nos confrères du Guardian, jeudi 15 juin. Les liens sponsorisés sur Google Search apparaissent en haut de la première page de résultats, ressemblant à des résultats de recherche classiques.

Google, déjà pointé du doigt à ce sujet, a mis en place quelques garde-fous. La plateforme exige normalement que toute organisation qui souhaite faire de la publicité auprès de personnes cherchant des informations sur l’avortement « soit certifiée et indique clairement si elle propose ou non des avortements ». De même, les annonceurs qui paient pour apparaître sous des termes de recherche directement liés à un avortement doivent indiquer s’ils pratiquent ou non l’IVG. Mais cela ne s’applique pas à tous ceux qui apparaissent sous des termes de recherche plus généraux (comme par exemple des centres de planning familial).

De même, Google est censé interdire aux annonceurs de tromper les utilisateurs sur les services qu’ils offrent. Mais en pratique, l’ensemble de ces mesures serait peu appliqué, déplore l’ONG. Autant de failles qui sont exploitées par le lobby anti-avortement et qui utilise désormais Google comme le moyen le plus efficace pour « induire en erreur les Américaines qui cherchent à accéder aux soins en matière d’avortement », note l’association dans son rapport. Pour Angela Vasquez-Giroux, vice-présidente de la communication et de la recherche de NARAL Pro-Choice America, une ONG militant pour l’avortement citée par le CCNH,  « le travail des extrémistes anti-avortement repose sur le mensonge et la manipulation, il n’est donc pas surprenant qu’ils exploitent l’absence de réglementation pour bloquer l’accès aux soins liés à l’avortement ».

Un véritable écosystème qui s’est amplifié depuis le revirement de la Cour suprême

Des sociétés de marketing proposeraient même des modèles de sites web pour les opposants à l’avortement et des noms de domaine avec des termes liés aux soins de santé, tels que « .clinique » et « .hôpital ». Sont aussi présentées la création de campagnes publicitaires personnalisées sur Google Chrome, ou des stratégies visant à dissuader les personnes qui sont déjà « favorables à l’avortement » ou « déterminées à interrompre leur grossesse ».

À lire aussi : Avortement aux États-Unis : Google ne supprime pas systématiquement l’historique de localisation

Cet écosystème aurait pris de plus en plus d’importance depuis le revirement de la Cour suprême aux États-Unis. Et selon l’ONG, le lobby anti-avortement miserait particulièrement sur ces liens : il aurait dépensé quatre fois plus en publicités Google pour de fausses cliniques que pour des campagnes ouvertes visant à restreindre les soins liés à l’avortement. Selon Imran Ahmed, directeur général du Center for Countering Digital Hate, cité dans le communiqué de l’ONG, il est temps que les choses changent. Car rappelle-t-il, il ne faut pas sous-estimer l’impact de Google, une plateforme qui « vend l’équivalent numérique des créneaux horaires du Super Bowl à des lobbys anti-avortement trompeurs, ce qui leur permet de déformer la réalité et de limiter les choix offerts aux personnes à la recherche d’informations et d’options ».

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Source : Article de blog du CCDH du 15 juin 2023


Stéphanie Bascou
Votre opinion
  1. Vous faîtes autre chose que des torchons de pseudo justice sociale qui ne sont que tangentiellement liés à la tech, sinon ?

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