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Cigref-Microsoft : de la friction au dialogue

Au cours d’un débat animé la semaine dernière par 01 Informatique, le Cigref et Microsoft ont ouvert une nouvelle étape de négociation sur la politique tarifaire de l’éditeur.

Il y a quelques mois, le Cigref fustigeait violemment la nouvelle politique de licences de Microsoft. Fin mars, une délégation s’est rendue au siège de Redmond pour négocier et juger sur pièces de la qualité des développements de l’éditeur. Aujourd’hui, le ton est plus calme. Jean-Pierre Corniou, président du Club informatique des grandes entreprises françaises (Cigref), et Christophe Aulnette, directeur général de Microsoft France, cherchent à trouver un terrain d’entente.

01 Informatique :
Depuis quelques mois, le Cigref a nettement adouci son discours vis-à-vis des éditeurs, et notamment de Microsoft. Pourquoi ce revirement ?
Jean-Pierre Corniou : Notre détermination est toujours aussi grande. Mais nous sommes entrés dans une ère de maturité. La position du Cigref ne se mesure plus en termes d’invectives à l’encontre des fournisseurs, mais au nombre des avancées concrètes. C’est une phase de dialogue ferme, certes, mais qui prend en compte l’interdépendance obligée dans laquelle vivent aujourd’hui les grandes entreprises et leurs fournisseurs.Le dialogue avec Microsoft porte essentiellement sur sa nouvelle politique de licences. Comment expliquez-vous que celle-ci ait, dès son annonce, provoqué un pareil tollé ? Christophe Aulnette : Nous avons effectivement annoncé cette politique de licences voici un an environ, avec beaucoup de maladresse. Nous l’avons reconnu, notamment en ce qui concerne son échéancier initial et son ticket d’entrée. A l’époque, la réaction du Cigref a été très vive. Et je pense que le Club a influé de manière importante, au plan mondial, sur la mise en place d’une transition plus raisonnable en termes de timing. Nous avons repoussé le délai, fixé à l’origine à fin octobre 2001, à fin février 2002, puis à fin juillet.Vous parlez de ” timing “. Cela veut-il dire que vous n’avez pas laissé aux entreprises suffisamment de temps pour se préparer ? CA : Absolument. Il était irréaliste ?” disons peu réaliste ?” d’envisager que les entreprises, informées le 15 mai, puissent mettre en ?”uvre dès le 30 septembre la transition vers le mode d’annuités.J-P C : Pour ma part, j’ai essayé de montrer que l’attitude des éditeurs en général, et celle de Microsoft en particulier, dans ce changement tarifaire nous avait choqués. Même si ce dernier n’est pas majoritaire dans nos dépenses, il représente tout de même 92 % du marché mondial des systèmes d’exploitation des micro-ordinateurs. Il n’y a pas d’alternative. Quand votre fournisseur est en situation monopolistique sur son segment de marché et que, de plus, il lance dans la nature une augmentation de 29 % par an [le coût de la software assurance est nettement plus élevé que celui actuel de la maintenance logicielle ?” NDLR], vous êtes choqué. Notre première réaction a été l’incompréhension. Les grands comptes disposaient auparavant des contrats ” Select “, qui nous semblaient très bien marcher. Pourquoi les changer ? C’est ensuite le caractère unilatéral de la décision qui nous a heurtés. Nous le considérons inadapté à des relations entre partenaires industriels. Enfin, la recherche du TCO [coût total de possession ?” NDLR] est le troisième élément sur lesquels nous travaillons.Quel est le rapport entre le TCO et les produits de Microsoft ? J-P C : Nous n’avions pas ?” et n’avons toujours pas ?” de vision claire sur l’impact de cette nouvelle offre sur le TCO. Le caractère non démontré des affirmations concernant le retour sur investissement nous a un peu agressés. Il est vrai qu’il faut faire entrer le poste de travail et les outils bureautiques ?” désormais la clé d’entrée dans le système d’information ?” dans une logique d’entreprise. Il faut les associer à l’ensemble des performances que l’on est en droit d’attendre. Ces performances concernent la robustesse, la fiabilité, la sécurité et la capacité à progresser collectivement, ou encore la maintenance à distance. Nous discutons sur ces bases-là avec Microsoft. Il est bien évident qu’il ne faut pas se focaliser sur le prix des licences et sur la maintenance annuelle, mais plutôt s’attacher au coût total de possession. Et c’est ici que Microsoft avance que l’augmentation du coût de ses logiciels nous permettra d’abaisser notre TCO.CA : Nous ressentons, en effet, une forte tendance des directions générales et des DSI à considérer la bureautique de façon de plus en plus globale pour mieux en piloter les changements et l’intégrer dans un environnement plus large. Il nous faut donc fournir des efforts sur cette question du coût global.La Software Assurance s’élève à 29 % du prix de la licence, et l’on estime que les coûts de hotline viennent s’y ajouter à hauteur de 10 %. Où donc un utilisateur peut-il gagner de l’argent par rapport aux anciennes tarifications ? CA : La Software Assurance est optionnelle. Elle représente 50 centimes d’euro par jour ouvré pour Office. Or, le cabinet Gartner a réalisé un certain nombre d’analyses concernant le retour sur investissement. Le cabinet l’évalue de douze à dix-huit mois sur le passage à XP d’un parc de quinze mille à vingt mille postes.Microsoft fait évoluer son discours en parlant de coût global et de valeur ajoutée. Mais quelle est, sur ce point, sa crédibilité auprès des grandes entreprises ? CA : Nous sommes crédibles parce nous investissons en termes de produits, de personnel et de services disponibles auprès des entreprises. Notre division grands comptes existe depuis 1991. Nous sommes passés d’un modèle où nous vendions essentiellement des produits de ” productivité individuelle ” par le biais de réseaux de distribution grand public à un modèle dans lequel nous montons, en plus, des partenariats. Notamment avec des sociétés en contact avec le monde des entreprises, comme Accenture, Cap Gemini ou Atos.J-P C : N’inventez pas votre propre XML. C’est tout ce que je vous demande !CA : Ne vous inquiétez pas. Nous vous surprendrons.Des reproches sont régulièrement adressés à Microsoft sur la qualité de ses développements et de ses tests. Que peut-on en dire aujourd’hui ? CA : Depuis cinq ou six ans maintenant, notre approche autour de la qualité est très forte. Nous avons rencontré un certain nombre de problèmes avec NT4 à l’époque. Il nous faut encore améliorer un certain nombre de choses autour de la mise en place des patchs, par exemple. Nous y travaillons très activement. Cela fait partie, pour nous, des grandes initiatives que Bill Gates a annoncées sous le thème de ” Trustworthy Computing “, qui dépasse les problèmes de sécurité et vise à définir une véritable informatique de confiance. En fait, ce n’est pas un réveil soudain… C’est pourtant l’impression que tout le monde a eue…J-P C : On peut ironiser sur le Trustworthy Computing… Il est vrai que Microsoft, au cours de ces dernières années, n’a pas fait de la sûreté de ses systèmes son cheval de bataille. Mais il ne faut pas engager de mauvais procès à Microsoft. C’est une entreprise qui est venue de la micro-informatique individuelle pour représenter aujourd’hui l’un des plus grands partenaires des entreprises. Même si elle doit encore s’adapter à nos rythmes et logiques propres.CA : Il faut savoir à quel point nous avons pu être critiqués lorsque, parfois, nous avons connu des soucis de compatibilité entre les versions. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, parce que, maintenant, nos produits doivent, ” by design “, être compatibles avec leurs versions précédentes.J-P C : Ce que nous devons faire, nous, DSI, avec les grands acteurs dont fait partie Microsoft, c’est essayer d’évaluer la situation. Je pense que Microsoft, mais d’autres aussi, commencent à se dire qu’ils ont poussé le bouchon un peu loin, et qu’ils n’ont pas été assez bons en termes de services et de fiabilité.

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Propos recueillis par Philippe Billard, et Stéphane Parpinelli