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Capital-risque : le retour

La folie dot-com est déjà un mauvais souvenir pour les fonds de capital-risque. Ces derniers reviennent à leur premier métier : financer la technologie, et uniquement la technologie.

” L’éclatement de la bulle du Nasdaq en avril 2000 a brisé net la spirale vertueuse qui caractérisait la nouvelle économie “, rappelle Christophe Chausson (Chausson Finance). Et d’ajouter : ” La Bourse a été le maillon faible, et les autres maillons de la chaîne ont dû se repositionner. “Dix-huit mois plus tard, la nouvelle économie relève la tête. Les fonds d’investissement n’ont jamais eu autant d’argent à placer, et la création de jeunes entreprises dans le domaine de la haute technologie ne s’est pas ralentie, malgré quelques échecs retentissants dans le monde de l’Internet.Pendant un an et demi, les capital-risqueurs ont en effet passé au crible leur portefeuille d’investissement. Chaque ligne, chaque start-up financée ont été réévaluées et si nécessaire éliminées. Ainsi, pratiquement tous les projets de dot-com dont le business model était trop fragile ont été annulés.” C’est normal, c’est le jeu. Notre industrie est à l’opposé du plan quinquennal soviétique. Nous n’allons pas attendre cinq ans pour vérifier que nous avions raison ou tort “, explique Philippe Claude, fondateur du bureau parisien d’Atlas Venture, en 1993, qui dirige aujourd’hui les investissements en technologies de l’information à Londres.Philippe Claude et ses associés expliquent, avec un certain sang-froid, que la casse dans le domaine des start-up Internet n’aura finalement pas été dramatique. ” Beaucoup de projets ont été stoppés, mais nous avons su nous arrêter à temps et ne pas investir trop d’argent. “
Combien exactement ? Philippe Claude ne le dit pas. A ses yeux, il ne faut pas oublier que, dans capital-risque, il y a risque…Cependant, même si l’on admet qu’un niveau de risque élevé est acceptable pour les fonds de capital-risque, les investissements tous azimuts dans les start-up Internet paraissent aujourd’hui avoir constitué une grave erreur d’appréciation.” La dynamique Internet a fonctionné pendant cinq ans aux Etats-Unis sans aucun signal d’alarme, se souvient Christophe Chausson. D
e plus, les témoignages affluaient de la part de nouveaux millionnaires, tout le monde voulait en profiter. “

Une intoxication collective due aux valeurs Internet

Pour preuve, à la fin de l’année 1995, il y avait sept fonds de capital-risque en France. Cinq ans plus tard, on en décomptait pas moins de cinquante-cinq. Parmi les nouveaux venus, beaucoup n’avaient pas l’expérience du capital-risque traditionnel, celui qui finance la technologie en suivant un schéma simple et facilement appréhendable.Le premier financement permet de développer un prototype, le deuxième de le produire en série et de trouver les premiers clients, et le troisième de le commercialiser à une large échelle. A la fin, il n’y a plus qu’à récolter la valeur créée, c’est-à-dire, pour le capital-risqueur, à vendre ses parts à un investisseur classique pour un montant plusieurs fois supérieur à la mise initiale.Avec Internet, le capital-risque s’est mis à financer les activités de service. L’introduction de Netscape au Nasdaq en 1996 (100 % d’augmentation la première semaine) a été le point de départ de ce phénomène.Le modèle de Netscape était de vendre des services professionnels et de diffuser gratuitement les logiciels pour les utilisateurs. Les modèles d’affaires qui se sont développés par la suite ont tous soit reposé sur le contenu soit sur le commerce électronique. Deux secteurs que les capital-risqueurs ne savaient pas appréhender.Les plus-values réalisées en Bourse sur les start-up Internet étaient telles que tout le monde a été victime, comme le dit Christophe Chausson, d’une ” intoxication collective “. L’indigestion passée, le capital-risque revient à ses premières amours.

Les caisses sont pleines…

Atlas Venture a bouclé en avril 2001 son sixième fonds, d’un montant de 1,1 milliard d’euros. Le même mois, Sofinnova encaissait 300 millions d’euros. En février de la même année, Apax Partner levait 4,4 milliards d’euros.Les caisses sont pleines, et l’année 2001 devrait être, selon Pricewaterhouse Coopers, la troisième meilleure année de l’histoire du capital-risque. De 32 à 38 milliards d’euros devraient être investis cette année dans les technologies.” Tous les bons professionnels de l’investissement savent que c’est dans les périodes de crise que l’on obtient le rendement à terme “, se réjouit Philippe Claude. Au contraire des années fastes du Nasdaq, les valorisations des projets de start-up sont basses.Le deal flow (le nombre d’affaires traitées par les fonds) est en baisse, et la qualité des projets plus élevée. De plus, les entrepreneurs qui sont prêts à se jeter à l’eau dans cette période difficile sont plus qualifiés.

… reste à trouver les entrepreneurs…

Pour Atlas Venture, le problème clé réside dans l’adéquation entre les projets et les hommes. Le fonds a donc choisi de recruter une équipe importante, susceptible de supporter les projets mais également d’aider à trouver les bons managers au bon moment.Ce fut le cas pour Temposoft. Le projet n’a été financé que lorsque Philippe Claude a croisé Pierre Cesarini, qui lui a paru disposer du profil idéal pour diriger Temposoft.Christophe Chausson rejoint ce constat mais déplore“l’obsession des capital-risqueurs français pour la technologie, alors qu’ils devraient penser d’abord à trouver les entrepreneurs”. C’est aussitôt après avoir annoncé son départ de Business Objects que John Ball, le fondateur de Netonomy, a été approché par Philippe Claude. Il savait qu’à travers lui il tenait un bon projet…

… et les technologies

Netonomy ?” à l’instar de beaucoup d’autres ?” représente parfaitement le profil des start-up qui sont aujourd’hui soutenues par les capital-risqueurs. La start-up propose aux fournisseurs de services une plate-forme destinée à augmenter le revenu moyen par client (ARPU pour Average Revenue Per User).La plate-forme de Netonomy permet aux clients de choisir les services auxquels ils souhaitent s’abonner sans avoir à solliciter les services d’un centre d’appels.Autre exemple, Kyriba, une start-up fondée aux Etats-Unis mais créée par des Français. Kyriba a levé en juin dernier 12 millions d’euros pour proposer aux banques une plate-forme Web permettant aux PME clientes de la banque de gérer en direct leurs transactions.La plate-forme permet de mieux visualiser les flux financiers et d’estimer au plus juste la situation de trésorerie des entreprises. Un marché que Nathaniel Fraiberger, le CEO et fondateur, envisage à la fois comme un marché de renouvellement d’infrastructure bancaire et de conquête du client.D’une façon générale, ces projets répondent à des problématiques simples et clairement identifiées. C’est dans le domaine de la convergence entre les réseaux, la compression, le transport d’images ou l’infrastructure logicielle distribuée que les besoins sont les plus importants.Maintenant quInternet existe, tout reste à construire : telle pourrait être la morale de cette histoire…

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David Prud'homme