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Blu-ray, pourquoi ça coince

Le successeur du DVD aurait-il du mal à se faire une place au soleil ? Échec commercial ou évolution des comportements, on vous dit tout…

C’est un exercice toujours intéressant à réaliser, et nous le pratiquons régulièrement. Rendez-vous dans votre magasin de produits électroniques favori et baladez-vous dans ses allées. Observez bien les produits placés en tête de gondole ou bien mis en avant. Vous pouvez, en quelques coups d’œil, brosser rapidement le tableau des tendances du moment, avec d’un côté les produits qui marchent et de l’autre, ceux qui sont promis à un bel avenir. Pour ces fêtes de fin d’année, l’une de ces tendances était clairement le Blu-ray : prix en baisse, piles de cartons en libre-service placées bien en évidence, modèles en démonstration couplés à de grands téléviseurs LCD ou plasma dernier cri, présentoirs remplis de films sur Blu-ray, eux aussi stratégiquement situés… Difficile de ne pas le remarquer. Et si vous prêtez attention aux publicités pour des films à la télévision, vous aurez peut-être déjà remarqué que la majorité des réclames se terminent par la mention “ En Blu-ray et en DVD ”.

Une techno mature et efficace

Pourtant… le Blu-ray connaît-il le succès escompté ? Est-il déjà en train de ringardiser le DVD, qui occupe le marché de la vidéo depuis plus de 10 ans maintenant ? Ou bien s’agit-il d’une évolution à marche forcée, dont les consommateurs ne ressentent pas le besoin ? À la rédaction, lorsque nous avons décidé ce sujet, le débat a fait rage entre ceux qui sont déjà équipés mais qui trouvent que le prix des films est encore trop élevé, ceux qui sont intéressés mais qui, eux, trouvent le ticket d’entrée trop cher ou le gain minime par rapport au DVD, et ceux qui pensent que tout va trop vite. Bref, nous avons des doutes. Et nous les partageons ici avec vous. Les différentes pièces du puzzle sont pourtant réunies. Ainsi, au niveau du matériel, la guerre des formats avec le HD-DVD, source de confusion, s’est terminée il y a près de deux ans ; plus rien ne manque, les normes sont désormais éprouvées, les appareils le plus souvent à jour. Mieux, les lecteurs deviennent abordables. Le prix d’appel se situe autour de 150 euros, avec des lecteurs d’entrée de gamme aux performances tout à fait honorables et capables de profiter des bonus BD-Live (profil 2.0, voir le lexique page ci-contre), les plus évolués actuellement.Le lecteur de salon le moins cher que nous ayons trouvé était proposé à 130 euros, mais il y a un piège : c’est un modèle d’ancienne génération, exploitant le profil 1.1, donc compatible seulement avec les fonctions BonusView. À savoir, image dans l’image, interactivité locale, mais pas de connexion à Internet pour bénéficier de contenus additionnels.Ce type de modèle est aujourd’hui une rareté, mais méfiance au moment du choix si vous avez l’intention de passer à la caisse. La dernière génération de lecteurs s’est bonifiée rapidement : en plus des Blu-ray et des DVD-vidéo, ils savent de plus en plus souvent lire une grande variété de fichiers multimédias, notamment vidéo (DivX, Xvid, MPeg…) mais aussi les photos et les MP3. Et grâce à leur port USB, parfois leur lecteur de carte mémoire, il est inutile de graver les fichiers sur un disque. Les lecteurs les plus évolués sont même compatibles avec le standard DLNA : lorsqu’ils sont connectés au réseau domestique (le plus souvent en Ethernet, bien que certains commencent à être équipés en Wi-Fi), ils peuvent lire des vidéos, des photos et des fichiers audio stockés sur les PC de la maison, sans avoir à les transférer au préalable.Tous ces ajouts sont arrivés très vite dans les lecteurs Blu-ray ; en comparaison, les lecteurs de DVD ont évolué beaucoup plus lentement, à la manière d’une fusée à plusieurs étages : successivement, ils se sont vus ajouter la lecture des MP3, puis des DivX. Les lecteurs Blu-ray vont-ils vite arriver à court de “ carburant ”, autrement dit de fonctions ? Probablement pas : grâce à la connectivité en réseau et aux mises à jour de firmwares, les fabricants pourront proposer régulièrement des évolutions. L’exemple de la Playstation 3 est, à ce titre, éloquent.Cependant, un lecteur Blu-ray, même d’entrée de gamme, ne donne vraiment le meilleur de lui-même que couplé à d’autres appareils : en priorité un téléviseur HD (de préférence HDTV 1080p, alias Full HD), et si possible un ensemble sonore digne de ce nom (amplificateur home cinéma avec un jeu d’enceintes 5.1 ou 7.1, voire une barre de son). De ce côté-là, les nouveautés ne manquent pas, avec les TV LCD à rétroéclairage Led, les plasma qui font de la résistance, les TV LCD classiques dont les prix chutent, les petits ensembles home cinéma Blu-ray… Nous vous proposons d’ailleurs en pages 62-63 notre sélection des produits qui nous ont séduits ces derniers mois.Et là, surgit un problème. Même si les prix baissent, même si tous ces appareils ne sont plus réservés à une élite, cela représente un investissement non négligeable. Bien entendu, tout n’a pas besoin d’être changé, mais en période de crise économique, où les budgets familiaux sont plus serrés et où les décisions d’achat sont plus réfléchies, le passage au Blu-ray peut être retardé. À moins d’être un technophile convaincu, qui en sera déjà au stade du renouvellement de son équipement HD ou qui pense déjà à la 3D, prochaine révolution annoncée dans les salons à laquelle les téléviseurs et le Blu-ray se plieront de bonne grâce.

La HD pour quoi faire ?

Un autre problème vient de la justification de ces achats. Le passage au Blu-ray est-il nécessaire, tout du moins est-il raisonnable ? Là, c’est une question d’appréciation personnelle. Technologiquement, l’encodage des films en haute résolution 1 080 lignes avec un son également en haute résolution produit des résultats généralement superbes, pour ne pas dire bluffants si la photographie et les décors du film s’y prêtent. Mais il faut aimer cette avalanche de détails, apprécier de voir le moindre cheveu qui flotte au vent, les défauts du grain de peau sur un gros plan… ou avoir l’impression que le héros du film se trouve dans la même pièce que vous.Ensuite, l’argument financier repointe le bout de son nez. Combien coûte, en moyenne, ce plaisir audiovisuel ? Généralement entre 20 et 30 euros, le prix moyen se situant actuellement, selon le CNC (Centre national du cinéma), à 24,20 euros. C’est onéreux, surtout comparé au DVD, qui coûte en moyenne trois fois moins cher : 8,31 euros. Qu’est-ce qui justifie un tel écart ? Pas tellement une histoire de licence technologique, puisque la Blu-ray Disc Association (le consortium de sociétés qui gère les développements du format) a diminué au printemps le prix des licences qu’elle réclame à ses partenaires. Mais les volumes sont plus faibles et les appareils de pressage plus récents : pour les fabricants et les éditeurs, il y a un investissement initial à rentabiliser.Pour le moment donc, se payer un film en Blu-ray fait partie de ces achats qui se réfléchissent à deux fois. D’autant que, pour certaines sorties, la version DVD suffit amplement : l’électronique du lecteur et les fonctions d’amélioration de l’image se chargent de la mise à l’échelle en HD (upscaling). Et même si, techniquement, il manque des points pour former une véritable image en 1 080 lignes, le résultat final sera globalement satisfaisant pour le spectateur.

Cherche graveur pas cher

De toute évidence, la majorité des acheteurs réfléchit de cette manière au moment d’acheter un film. Sur les trois premiers trimestres de l’année 2009, selon les chiffres fournis par le CNC et collectés par l’institut GfK, les ventes de DVD se montent à près de 85 millions d’unités, tandis que celles de Blu-ray frôlent les 3 millions. Rapporté au parc installé de lecteurs, sur la période, cela représente à peu près 4 DVD achetés par foyer français contre 1 Blu-ray pour chaque possesseur de lecteur (le parc étant actuellement constitué de 2,2 millions de Playstation 3,500 000 platines de salon et 400 000 lecteurs sur PC). C’est encore peu. Sans compter que le Blu-ray est très concurrencé : les chaînes de télévision en HD (sur la TNT, le câble, le satellite ou l’ADSL) ainsi que la vidéo à la demande (VoD) ? sans parler du piratage… ? lui mènent la vie dure. À l’époque du DVD, la VHS arrivait à bout de souffle et le laserdisc n’était pas si répandu ; ses avantages (qualité audio et vidéo, chapitrage, bonus) ont vite séduit le public. Il est un autre domaine dans lequel le Blu-ray tente une percée : dans les ordinateurs. Autant, dans le salon, le Blu-ray commence à se faire une place ? avant tout grâce au succès de la PS3 ?, autant, dans les PC, la partie n’est pas gagnée. Le Blu-ray arrive dans nos PC à un moment où les lecteurs et graveurs optiques n’ont plus la cote : les netbooks s’en sont passés, certains ultraportables aussi.La concurrence du DVD se fait là aussi sentir : aujourd’hui, un graveur de DVD coûte moins de 20 euros ; le même modèle capable de lire les Blu-ray grimpe à environ 100 euros, et il faut compter 150 euros pour un graveur Blu-ray premier prix. Pas étonnant que ce type de périphérique ne se trouve que sur des configurations de milieu et de haut de gamme. Pourtant, le Blu-ray sur PC ne manque pas d’atouts : pouvoir regarder des films en HD en tout lieu, graver jusqu’à 50 Go en quelques minutes, le tout pour un prix au gigaoctet pas si élevé que ça (voir notre infographie page 60). Il donne même des idées originales à certains fabricants, par exemple LG, qui sort le N2B1, un serveur de stockage en réseau (Nas) équipé de disques durs et d’un graveur Blu-ray pour centraliser les sauvegardes. Mais la concurrence et la variété des supports de stockage, plus particulièrement des disques externes qui se vendent comme des petits pains, représente une barrière qui sera difficile à franchir.Pour que le Blu-ray s’impose définitivement, il va donc falloir qu’éditeurs et fabricants prouvent vraiment au grand public l’intérêt de la technologie par rapport au DVD. Et, surtout, que le prix des films baisse. Payer 20 à 25 euros ? voire 30 euros pour certaines nouveautés ? pour regarder un film une poignée de fois, c’est aujourd’hui impensable. Les acteurs du Blu-ray doivent aussi faire preuve d’humilité et ne pas se voiler la face. Au-delà de la VoD qui s’ouvre à la HD, le piratage en HD est bel et bien là : un petit tour dans les newsgroups suffit à s’en convaincre. Les réseaux sont aujourd’hui bien dimensionnés et le téléchargeur sait être patient. Se réfugier derrière la loi Hadopi ? C’est mal connaître l’inventivité des pirates pour contourner les règles…Enfin, au-delà du piratage et de la politique commerciale de certains studios, les difficultés du Blu-ray peuvent aussi s’expliquer par un changement des comportements. Il s’agit en effet peut-être du dernier support physique utilisé pour nos loisirs numériques avant un passage définitif au tout dématérialisé.

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Christophe Gauthier