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Qui fabrique vraiment nos PC ?

De sous-traitants en sous-traitants, il est difficile de déterminer l’origine des composants d’un ordinateur. Pire, les constructeurs délèguent la conception de leurs machines. Au détriment de la qualité ?

Avouez-le : quand vous êtes à la recherche d’un ordinateur, vous accordez une certaine confiance au nom indiqué sur le boîtier. Une marque connue rassure, c’est un gage de sérieux et de pérennité. Du coup, un logo identifiable a plus de chance de retenir votre attention. Mais si ce logo n’était qu’une façade ?

Un secret bien gardé

Qui fabrique vraiment les PC de marque ? Les constructeurs informatiques n’aiment pas cette question. Nous avons contacté les principaux acteurs de l’informatique grand public pour leur demander où et par qui étaient fabriqués les composants des ordinateurs vendus sous leur marque. Depuis les Taïwanais Acer et Asus jusqu’aux Américains HP, Dell et Apple, aucun n’a voulu nous répondre. Seul Lenovo s’est prêté au jeu. Il faut dire qu’il s’agit d’un constructeur pas tout à fait comme les autres. En 2005, ce fabricant chinois rachète la division PC de l’américain IBM. En janvier 2008, il lance dans le monde entier une gamme de PC et de portables sous son nom, se payant le luxe d’abandonner la caution de la marque IBM. Quant à son activité de fabricant, elle dépasse les frontières chinoises (voir la carte). On estime d’ailleurs chez le constructeur que les mentions ‘ made in USA ‘ ou ‘ made in China ‘ n’ont plus lieu d’être et devraient être remplacées par ‘ made Globally ‘ (‘ fabriqué dans le monde entier ‘). Même si le PDG de Lenovo France, Jean-Michel Donner, aime à rappeler que 90 % des ordinateurs grand public sont produits dans le Sud-Est asiatique, à savoir la Chine, Taïwan et la Corée.Qui donc fournit à l’industriel les composants de sa gamme de portables IdeaPad et de PC IdeaCenter ? André Soucheleau, directeur commercial grand public de Lenovo France, explique, sans hésiter, que les processeurs viennent de chez Intel et que les cartes graphiques sont estampillées nVidia ou ATI. En revanche, il ignore qui fournit la mémoire et le disque dur : ‘ Ça dépend du moment, nous utilisons les meilleurs disques durs du marché à chaque fois. Comme la majorité des PC, les nôtres sont construits avec des composants fabriqués par d’autres compagnies. ‘Le rôle des constructeurs se limite alors à celui d’assembleur, gardant jalousement le nom de leurs fournisseurs. De leur côté, les fabricants de composants ne révèlent pas les noms de leurs clients. Le secret est ainsi bien gardé. Pour avoir une idée du phénomène, prenons l’exemple des cartes mères : on estime que 40 % d’entre elles sont produites par le géant taïwanais Asus (connu pour son portable ultra-compact EeePC). Le reste du marché est contrôlé par d’autres fabricants taïwanais dont les usines sont souvent implantées en Chine, autour de Shenzhen ou dans la région de Shanghai. Mais la Chine est en passe d’être détrônée : une nouvelle vague de délocalisations pousse les usines à s’installer dans des pays où les coûts sont encore plus bas, comme au Vietnam. Certaines sociétés ne veulent même plus s’embarrasser d’usines. Dans le jargon industriel, on dit qu’elles sont ‘ fabless ‘, sans unité de fabrication. C’est le cas du leader des cartes graphiques nVidia. Ses centres de développement sont installés en Californie et à Bombay, en Inde, mais la production est confiée à des fondeurs comme TCMS et UMC à Taïwan, ou bien à la division de fonderie d’IBM en Chine. La logique du coût de fabrication est très claire, comme le détaille Stéphane Quentin, responsable des relations presse chez nVidia :‘ Les cartes haut de gamme vendues entre 400 et 600 euros sont ” designées ” à Santa Clara et fabriquées à Taïwan. Celles à 250 euros sont conçues à Bombay et fabriquées en Chine. ‘ Jusque-là, rien de surprenant. Or, ce que nous révèle un Français qui travaille dans l’industrie à Taipei (Taïwan) est plus troublant. ‘ L’appel d’offres est LA règle des ” constructeurs ” occidentaux et s’est généralisé depuis cinq ans ‘, témoigne-t-il. Les grandes marques ne conçoivent plus leurs ordinateurs, elles s’adressent à des ODM, ‘ original design manufacturer ‘ ou ‘ constructeurs de concept original ‘. Ces derniers sont des assembleurs qui ne fabriquent pas leurs composants, mais proposent des ordinateurs ‘ souris en main ‘. Une situation confirmée par un ancien de chez Asus qui tient à garder l’anonymat : ‘ Les marques collent leur autocollant sur la machine et y installent leurs logiciels. Il faut savoir que ces ODM ne gagnent qu’entre 20 et 40 dollars par machine [environ 13 à 27 euros, Ndlr]. Ils doivent donc produire beaucoup. On peut dire que la qualité baisse chaque année, surtout sur les produits d’entrée de gamme. ‘ Dans ce monde de la sous-traitance à outrance demeure une exception : le marché des microprocesseurs, dominé par les frères ennemis Intel et AMD.

Sauts de puces à travers le monde

Chez Intel, la conception et la production sont éclatées dans le monde, avec une forte présence aux Etats-Unis. Ainsi les nouvelles technologies, comme les processeurs gravés en 45 nanomètres, sont d’abord expérimentées dans une usine en Oregon, à Hillsboro, puis la production de masse s’effectue dans une usine de l’Arizona. Mais le géant du microprocesseur fabrique également à Leixlip en Irlande, ainsi qu’à Jérusalem et à Giryat Gat en Israël. De plus, il a installé des usines d’assemblage en Chine, aux Philippines, en Malaisie, au Vietnam et au Costa Rica.Quant à AMD, il fabrique ses processeurs pour PC de bureau et portables à Dresde, en Allemagne, depuis 1999. Une partie de l’assemblage des puces se fait en Malaisie avant retour à Amsterdam, le centre d’expédition d’AMD. Toujours à contre-courant, AMD est en pourparlers avec l’Etat de New York pour y ouvrir une usine. Le monde à l’envers !

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Isabelle Boucq