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Michael Stora (psychologue) : ‘ J’utilise les Sims dans le cadre de mes thérapies ‘

Au CMPP (Centre médico-psycho-pédagogique) de Pantin, une unité de psychologues pour enfants et adolescents a décidé de se servir du jeu Les Sims dans le cadre de thérapies.

01net. : Vous utilisez le jeu Les Sims comme outil thérapeutique. D’où vous est venue cette idée ?Michael Stora : Je travaille beaucoup avec des enfants qui ont du mal à parler et, souvent, à jouer. Ils sont de plus en plus nombreux à ne pas s’amuser, ils voient la vie en termes d’enjeux où la seule issue est la
victoire ou la défaite. Les Sims va à l’encontre de ce raisonnement.J’ai dîné récemment avec Will Wright, le créateur des Sims. Et lui, comme beaucoup d’Anglo-saxons, oppose le play, le jeu comme divertissement, et le game, le jeu comme enjeu. Will Wright m’a
expliqué avoir volontairement bâti un jeu où le game amène vers le play.Pour en revenir à un cas fréquent, celui des ‘ pathologies limites ‘, où l’enfant a développé une mauvaise estime de soi, celui-ci va utiliser des actes au lieu de mots pour s’exprimer. En jouant, il pourra
alors faire émerger des mots, et même des pulsions agressives qu’il enfouissait.Les Sims favorisent la violence ?Non, il ne faut pas confiner les jeux vidéo à leur image d’addiction et de violence. Simplement, ici, les enfants vont mettre en avant un certain sadisme. Qui est naturel, on sait bien que les enfants sont tout sauf sages comme des
images. Idem pour l’addiction, où le jeu vidéo vient avant tout révéler une structure obsessive de certains joueurs.Il s’agit bien d’une thérapie, pas juste de laisser l’enfant devant le jeu vidéo ?J’utilise un cadre très précis, avec des temps de parole bien définis, où le logiciel est un outil, pas une occupation. Quant au jeu, il s’agit spécifiquement des Sims, la version console, dans le mode ‘ Vivre sa
vie ‘, où une histoire est proposée au personnage.Ici, le Sims commence enfant, avec une maman qui le néglige et qu’il faut quitter. Or les cas de pathologie limite sont souvent associés à des mères dépressives.Et avec des adultes ?Il semblerait que, pour certains, le jeu ait des vertus auto-thérapeutiques. Mais on se demande encore comment.Est-ce que le choix du personnage est important ?Le plus souvent, il s’agit d’une vision idéalisée de soi-même. J’ai eu récemment le cas de deux petites filles obèses. L’une s’est choisi un personnage à la limite de l’anorexie. L’autre s’est incarnée telle qu’elle est.En fait, elle sortait d’un grave accident de voiture et était d’abord angoissée par la mort. Selon ses parents, choisir une Sims obèse était un moyen de montrer que son poids ne la préoccupe pas. Mais c’est aussi, peut-être, une façon
de leur faire comprendre qu’elle le vit mal.Il n’y a pas d’analyse simple d’un joueur à partir de son personnage.Non, mais beaucoup d’informations à recueillir. D’autant plus que, dans Les Sims, les personnages peuvent nous surprendre. Ils sont autonomes mais leurs choix sont tous influencés par les choix de leur créateur.
Comme si les personnages nous révélaient des choses que l’on ne voulait pas voir.Mais Les Sims sont loin d’être toujours considérés comme un modèle éducatif.Les principales polémiques viennent du côté de la sociologie politique. Certains y voient Les Sims comme une vitrine de la société américaine actuelle. Ce que je ne comprends pas. Dans le jeu, vous pouvez tout à
fait être politiquement incorrect.Il y a beaucoup d’écoles en psychologie. Êtes-vous le seul à utiliser les Sims ?De plus en plus de chercheurs s’intéressent aux jeux vidéo. Mais, du côté de la psychologie, les résistances sont nombreuses. En France, les psys ont l’habitude de privilégier l’écrit, ils se méfient des images.

‘ Les personnages choisis peuvent nous révéler des choses que l’on ne voulait pas voir. ‘

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Ludovic Nachury