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Liens hypertextes : la députée responsable de l’amendement défend sa position

Karine Berger veut protéger les liens vers des contenus soumis à des droits d’auteur. Ce qui rendrait alors quasi-impossible de pointer vers eux. Son texte a suscité une véritable bronca sur le Web. Interview.

Les députées socialistes Karine Berger et Valérie Rabault ne pensaient pas soulever une telle tempête avec leur amendement déposé ce 16 janvier dans le cadre du projet de loi numérique. Elles proposent « de protéger les créations des auteurs et préciser l’étendue de leurs droits sur les liens hypertextes ». Les hébergeurs et services Web seraient ainsi « tenus d’obtenir l’autorisation des titulaires », lorsqu’ils donnent accès au public « à des œuvres ou à des objets protégés par le code de la propriété intellectuelle, y compris au moyen d’outils automatisés »

Irréalisables, les dispositions de cet amendement reviendraient de fait à empêcher tout lien hypertexte sur des plateformes comme Google ou Facebook. C’est la raison pour laquelle le projet a aussitôt suscité une levée de boucliers sur le Web, plusieurs sites spécialisés accusant les deux femmes de vouloir interdire les liens hypertextes. Karine Berger revient sur le sens de sa démarche.

La député socialiste Karine Berger.
JACQUES DEMARTHON / AFP – La député socialiste Karine Berger.

01net : Vous n’êtes pas spécialiste des questions numériques. Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux liens hypertextes ?

Karine Berger : Effectivement, avec Valérie Rabault, nous sommes membres de la Commission des finances et je m’intéresse particulièrement aux questions culturelles. Cet amendement est parti d’un constat tout simple. Lorsque l’on tape le nom d’un film dans un moteur de recherche comme Google, on accède parfois dès les premiers résultats à un lien renvoyant vers une copie illicite. Et les ayants-droit ne sont pas protégés dans ce cas-là. Il y a juste une jurisprudence européenne, comme le fameux arrêt Nil Svensson du 13 février 2014. [Des journalistes du Göteborgs-Posten avaient attaqué un site Web qui pointait sans leur autorisation vers leurs articles, par ailleurs accessibles librement sur le site officiel. Ils réclamaient des indemnisations mais la Cour européenne avait conclu à la légalité des liens.] 
Notre motivation première, c’est donc de donner un cadre juridique à ces liens hypertextes.

01net : êtes-vous consciente qu’obliger les services à demander une autorisation préalable est totalement irréalisable ?

Si c’est le cas, alors faisons de la pédagogie et obtenons a minima des plates-formes qu’elles rappellent le droit de propriété intellectuelle comme on le fait déjà dans un livre. Ces sites pourraient ainsi afficher une mention obligatoire du type « certains liens peuvent renvoyer vers des contenus illégaux ».

Avez-vous été surprise des nombreuses réactions qu’a provoqué votre amendement ?

Oui, on ne s’attendait pas à ça. Mais je pense que notre amendement a été partiellement caricaturé. Il n’a jamais été question d’interdire les liens hypertextes ni de vouloir imposer une taxe aux GAFA ou d’obtenir un dispositif comme le fonds pour la presse de Google.

Par ailleurs, nous n’avions pas l’intention de faire voter cet amendement mais juste de susciter le débat. C’est-à-dire qu’à l’issue de la discussion sur ce texte ce soir ou demain, je retirerai l’amendement. Je souhaite avant tout que la France se positionne sur le sujet. C’est important au moment où l’Europe envisage de réformer le droit d’auteur. C’est une question à laquelle on doit apporter des réponses à la fois juridiques, économiques et européennes.

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Amélie CHARNAY