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Système d’exploitation… agricole

Mordus d’informatique, deux éleveurs béarnais se sont associés pour développer et commercialiser des logiciels pour gérer troupeaux et cultures. Visite sur place… et sur Palm.

Gabaston, Pyrénées-Atlantiques. Jean-Luc Picourlat, 40 ans, y est éleveur. Mais c’est aussi un accro à l’informatique depuis son premier ordinateur, un Sinclair, acheté au début des années 1980.Quelques années plus tard, il suggère à un fabricant de distributeurs de concentrés ­ sortes de cantines automatiques et personnalisées pour les vaches ­ de connecter ses machines à un ordinateur, afin de surveiller la consommation du troupeau. Au Salon de l’agriculture de 1990, il fait la démonstration de son invention, toujours commercialisée aujourd’hui. Et c’est en discutant avec des éleveurs chez qui il allait installer son système que Jean-Luc a une autre idée. ‘ Je me suis dit que ce serait utile de gérer les animaux en faisant un planning de l’élevage. Quand on a 50 vaches, ce n’est pas évident de se souvenir de toutes les inséminations et de toutes les naissances ‘, explique-t-il. C’est ainsi que Gestilac voit le jour, au début des années 1990.Accaparé par son travail à la ferme (avec ses associés, il produit 1 million de litres de lait par an), il délaisse Gestilac jusqu’à ce que des clients le contactent lors du passage à l’an 2000. ‘ J’ai passé Gestilac sur Windows. Mais je venais aussi de découvrir un autre outil intéressant : le Palm. Je me suis dit que les agriculteurs pourraient entrer l’information en étant parmi les vaches. Entre la panne du tracteur, la visite du vétérinaire ou un coup de fil, c’est impossible de tout retenir ‘, raconte Jean-Luc.

Un outil adapté au terrain

Pourtant modeste, il est fier d’avoir eu cette idée visionnaire avant de grandes sociétés comme Isagri ­ le Microsoft de l’informatique agricole ­, qui sortira ses logiciels sur Pocket PC quelques mois après le Palmagri béarnais. Du coup, l’éleveur décide de s’associer avec un collègue plus versé dans l’interface utilisateur. Avec Frédéric Burgubure, un voisin de 35 ans, il crée la société Softivert pour regrouper ses activités informatiques, auxquelles il essaie de consacrer deux jours par semaine.‘ La laiterie, les primes liées à la traçabilité : tout nous pousse à mieux gérer l’information. Ecrire dans un carnet peut suffire. Mais avec l’informatique, une seule saisie engendre plusieurs résultats. Par exemple, la naissance d’un veau crée une nouvelle ligne dans le registre du troupeau. A la synchronisation, le logiciel propose d’envoyer un fax à l’organisme d’identification des bovins ‘, explique Frédéric.Les deux compères sont bien conscients que, pour l’instant, peu de petits exploitants ont adopté l’informatique, et encore moins l’ordinateur de poche. ‘ L’ordinateur arrive dans les fermes par les enfants, qui l’utilisent pour l’école. Les paysans aiment bien voir que ça fonctionne avant de se lancer. Ça viendra ‘, assurent-ils tous les deux. Ils se font parfois traiter de ‘ palmipèdes ‘ par leurs collègues, mais les moqueries glissent sur eux. Surtout depuis que des lycées agricoles leur demandent de venir présenter leurs logiciels aux futurs agriculteurs.Après Gestilac, il est apparu comme une évidence d’étendre l’idée aux cultures avec Gestisol. ‘ Là encore, la traçabilité est importante. L’éleveur peut envoyer la liste des produits sanitaires utilisés à l’usine qui achète son maïs. C’est aussi une façon de gérer son temps, le coût des produits et l’usure du matériel ‘, énumère Jean-Luc. Dans la foulée, il développe GestEta, pour entreprises de travaux agricoles : ‘ L’entrepreneur accède à son fichier client et édite directement les factures après une intervention. ‘

Toujours une idée d’avance

Dernière nouveauté au catalogue, GestiViande, pour les éleveurs spécialisés dans les bêtes de boucherie. Pour l’instant, la ‘ base installée ‘ des produits Softivert est encore réduite. Une trentaine d’exploitations ont acheté un pack complet (un Palm avec tous les logiciels coûte environ 800 euros hors taxes) ou les logiciels seuls. Pour le matériel, les deux développeurs aiguillent leurs clients soit vers du matériel d’entrée de gamme, comme les Zire (‘ Si on le casse, on râle. Mais c’est pas trop grave ‘, estiment-ils) ou vers les Treo de Handspring. Eux-mêmes sont équipés de Treo 600, des petits bijoux de technologie qui combinent téléphone et ordinateur de poche.L’idéal, dans le futur, ce serait de faire communiquer les logiciels de Softivert et les bases de données des organismes qui gravitent autour des éleveurs (centres d’insémination, contrôle laitier, identification des bovins, etc.). Les deux développeurs pensent que ces organismes ne voient pas d’un très bon ?”il la collaboration avec une petite structure comme la leur. Mais pour l’instant, l’atmosphère est aux réjouissances, car l’ADSL vient darriver à Gabaston. De quoi ouvrir de nouvelles perspectives, comme la distribution des logiciels via Internethttp://membres.lycos.fr/jlpic/index.html

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Isabelle Boucq