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Les galères de l’ADSL (et comment s’en sortir)

Des débits toujours plus élevés pour des prix toujours plus bas, le téléphone et la télévision gratuits en prime. Pour appâter le client, les fournisseurs d’accès à Internet promettent la lune. Mais quand la connexion ADSL ne fonctionne
pas comme prévu, ils sont inscrits aux abonnés absents. Revue de détail des principaux ratés du haut débit ‘ made in France ‘…

Plus de 6,1 millions d’abonnés à l’ADSL en France au début de l’année 2005. En l’espace d’un an, près de 2 millions de lignes haut débit ont été ouvertes : la plus forte progression de tous les pays européens ! Mais derrière
ces chiffres, dont se vantent les fournisseurs d’accès, combien de mécontents ? Car l’explosion du haut débit n’a pas fait que des heureux : délai d’installation de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, modems en rupture de stock,
engorgement des hotlines… Pour surfer à toute vitesse sur le Web, de nombreux internautes ont dû s’engager dans un véritable parcours du combattant, confrontés à deux interlocuteurs : France Télécom, l’opérateur historique qui reste
maître du réseau téléphonique ; et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui promettent toujours plus sans se donner les moyens de fournir un service à la hauteur. Résultat : les plaintes devant les tribunaux se
multiplient…Les premiers couacs surgissent avant même l’ouverture de l’accès haut débit. Car toutes les lignes téléphoniques ne sont pas compatibles (ou éligibles, dans le jargon des FAI) avec l’ADSL. Pour être raccordé à l’ADSL, il faut tout
d’abord que le central téléphonique auquel est relié l’abonné soit équipé de matériels permettant le transfert de données numériques par la ligne téléphonique, les fameux DSlam (voir Parlez-vous ADSL ?). Aujourd’hui, seulement la moitié des
12 000 centraux téléphoniques ­ couvrant environ 90 % de la population ­ en sont dotés. Pas de DSlam ? Pas d’ADSL !Mais le DSlam ne suffit pas. Certains abonnés dont les centraux sont pourtant équipés de DSlam n’ont pas droit au haut débit car les caractéristiques techniques de leur ligne sont incompatibles avec l’ADSL. Plus l’abonné est éloigné
de son central, plus sa ligne téléphonique est longue, et plus le signal s’affaiblit, ce qui limite le débit maximal de l’ADSL, voire interdit l’établissement de la connexion. France Télécom, propriétaire du réseau téléphonique français, détient
toutes ces informations techniques dans une base de données enrichie au fur et à mesure de l’extension et de la maintenance de son réseau. Les fournisseurs d’accès peuvent la consulter par le biais d’un système informatique baptisé
‘ serveur d’éligibilité ‘. Et c’est à l’aide des informations de ce serveur que les FAI estiment le débit possible de chaque ligne.Mais, malheureusement, le serveur d’éligibilité n’est pas exempt d’erreurs. D’après ‘ L’offre d’accès à la boucle locale de France Télécom ‘, un document interne destiné aux opérateurs
télécoms, l’opérateur historique s’engage à ne pas dépasser 5 % de taux d’erreur. Sur 35 millions de lignes fixes en France, les informations peuvent donc être inexactes pour plus de 1,5 million de lignes ! En pratique, les informations du
serveur d’éligibilité peuvent indiquer que la ligne d’un abonné supporte 8 Mbit/s (mégas) alors qu’elle ne peut dépasser 2 mégas.De plus, le serveur d’éligibilité ne prend pas toujours en compte le câblage dans les immeubles et ignore tout de l’installation finale chez l’abonné. Le câblage téléphonique d’un immeuble peut par exemple avoir été rallongé en toute
légalité. Or, si l’abonné est déjà loin du central, quelques dizaines de mètres supplémentaires peuvent le condamner à l’inéligibilité. En outre, plus le débit est important, plus la ligne devient sensible aux perturbations électromagnétiques :
machineries d’ascenseur non isolées, néons en façade ou, chez l’abonné, transformateur électrique mal isolé, enceintes mal blindées, peuvent dégrader le signal, et rendre la connexion instable. Parmi les cas les plus incroyables, on relève la
présence de condensateurs installés par France Télécom, il y a plusieurs années, dans les prises téléphoniques des abonnés pour tester leur ligne à distance. Ces composants électroniques, dans leur modèle le plus ancien, provoquent une atténuation
du signal allant jusqu’à l’impossibilité d’obtenir une synchronisation (voir Parlez-vous l’ADSL ?). Il faut dans ce cas démonter le condensateur ou, mieux, contacter France Télécom pour qu’il l’échange contre un modèle plus récent. En cas de
problème de connexion, le plus difficile pour l’abonné est d’en déceler l’origine car France Télécom et les fournisseurs d’accès se renvoient volontiers la balle. Une seule certitude : si le problème provient de l’installation de l’abonné,
l’opérateur historique et les FAI tomberont d’accord ­ pour une fois ­ et demanderont à l’internaute de se débrouiller tout seul…Et les galères de l’abonné ne s’arrêtent pas là ! Aux débuts de l’ADSL, France Télécom se chargeait de recueillir le trafic Internet de tous les abonnés, le concentrait dans quelques zones en France (les
‘ points de présence ‘), et le répartissait entre les différents fournisseurs d’accès. Cette technique, appelée IP ADSL, empêchait les FAI de maîtriser la ligne téléphonique de leurs abonnés et donc de
proposer des services annexes comme la téléphonie ou la télévision. Tous les fournisseurs d’accès ont préféré passer au dégroupage, un procédé distinct qui offre beaucoup d’avantages mais engendre également de multiples problèmes…Pour bien comprendre les mécanismes du dégroupage, il faut revenir au fonctionnement même de l’ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line ; en français, Réseau de raccordement numérique asymétrique). Les
données sont ‘ transportées ‘ sur les fréquences hautes de la ligne téléphonique qui relie l’abonné au répartiteur situé dans le central France Télécom de son quartier, tandis que la voix utilise, elle,
les fréquences basses.

Des raccordements ADSL à haut risque

Dans le cas d’un accès ADSL en dégroupage, le FAI demande à France Télécom de séparer les fréquences basses et hautes sur deux fils de cuivre différents, puis de mettre à sa disposition le fil acheminant les fréquences hautes (les
données numériques). L’opérateur historique a sept jours à partir de la demande du FAI pour effectuer cette opération. Concrètement, les techniciens de France Télécom prolongent un fil (celui qui transmet les données numériques) du répartiteur de
France Télécom jusqu’à un autre répartiteur, situé dans un local attenant, qui contient les équipements du FAI. Il faut compter entre deux et sept points de rupture du fil de cuivre entre les deux répartiteurs. Ensuite, le FAI n’a plus qu’à
raccorder ce fil à son DSlam pour que l’abonné puisse accéder à l’Internet haut débit.En théorie, cela n’a rien de compliqué. Mais comme l’explique Alexandre Archambault, responsable des affaires réglementaires de Free, ‘ une erreur de manipulation, telle une inversion de câblage ou l’oubli d’une
jarretière (voir Parlez-vous l’ADSL ?), n’est pas exclue. Comme toute opération comportant une part d’intervention humaine, le câblage de lignes ADSL n’offre pas un taux de réussite de 100 %. Mais avec un taux d’erreur légèrement inférieur
à celui que France Télécom rencontre pour ses propres lignes, on peut difficilement exiger mieux. ‘
Lorsque le câblage est terminé, France Télécom prévient le FAI, qui peut activer la ligne de son côté, présupposant que le
câblage est correct. A l’heure actuelle, malheureusement, aucune procédure ne permet d’automatiser la vérification du câblage avant la livraison de la ligne au client. Ce n’est que lorsque l’abonné tente de se connecter qu’un problème peut être
décelé.Une procédure de vérification a posteriori a donc été mise en place pour rectifier ces erreurs : le Gamot, un service après-vente que France Télécom met à la disposition des FAI (voir Parlez-vous l’ADSL ?). Lorsqu’un FAI,
après avoir vérifié que le problème ne provenait ni de ses équipements, ni de ceux de l’abonné, conclut à une erreur de câblage, il envoie une demande à ce service supposé lui répondre en un ou deux jours ouvrés. Cette demande, appelée ticket Gamot,
doit être parfaitement renseignée sous peine d’être rejetée. Lorsque France Télécom reçoit un ticket Gamot, la procédure officielle consiste à vérifier la continuité métallique de la ligne (l’absence de rupture au niveau du fil de cuivre). Mais elle
ne permet pas de détecter si la ligne est raccordée au bon endroit ! Dans de nombreux cas, la réponse de France Télécom aux FAI se limite à un STT, pour ‘ Signalisation transmise à tort ‘. Ce qui
nécessite l’ouverture d’une nouvelle procédure si l’abonné n’a toujours pas accès à Internet.

Une vérification de la ligne peut demander des semaines

Après dix jours sans réponse favorable le FAI peut demander à ce qu’un test ‘ de bout en bout ‘ soit réalisé en présence des deux parties. Si le dysfonctionnement n’est pas le fait de
France Télécom, une somme de 125 euros (HT) est facturée au FAI. On comprend mieux que les fournisseurs ne multiplient pas les tickets Gamot et prennent le temps de vérifier avec leurs clients que le problème ne vient pas de chez eux. Une précaution
qui, quand on connaît le tarif des hotlines, n’est pas pour plaire aux abonnés ! Quant au rétablissement de la ligne, il peut prendre de quelques heures à plusieurs semaines en cas d’expertise, un laps de temps pendant lequel le FAI ignore
quelle est la nature du problème et sa date de résolution prévue. Pire, certains fournisseurs d’accès tels Club-Internet ou AOL ne dégroupent pas eux-mêmes mais font appel à des sous-traitants comme Neuf ou Cegetel. Dans ce cas, le FAI n’a aucune
maîtrise du réseau ADSL ; un FAI nous a ainsi confié qu’il était incapable d’informer ses abonnés en cas d’interruption de service, faute d’avoir lui-même ces informations !Mais le pire des ratés reste probablement celui pour lequel une opération de dégroupage demandée ne peut avoir lieu rapidement parce que France Télécom doit réaliser des travaux dans le central concerné, ou parce que le FAI doit
installer un nouveau DSlam. Pendant cette période, l’abonné enrage, parce qu’il n’obtient pas de délai précis de son fournisseur ou, croyant que sa demande a été oubliée, décide de souscrire ailleurs, ce qui peut lui coûter cher… Le
dégroupage devra sans doute encore passer par une longue période de rodage avant de répondre parfaitement aux attentes de tous les internautes. Et, les mieux lotis, ceux qui n’ont rencontré aucun problème lors de l’ouverture de leur ligne, ne sont
malheureusement pas à l’abri d’une déconnexion liée à une erreur de câblage, ce qui arrive par exemple lorsque France Télécom inverse deux numéros de téléphone. On nous a également signalé des cas de slamming, un FAI s’appropriant la ligne d’un
usager à la faveur d’une offre d’essai, ou par erreur. Les désagréments inévitables de l’Internet haut débit à prix cassé…

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Stéphanie Molinier