Des rayures, des taches de moisissure, des variations de luminosité, et même des altérations volontaires réalisées par la censure : La Fille adoptive, un film réalisé en 1918 par le cinéaste hollywoodien Tod Browning, avait assez mal résisté à l’épreuve du temps. Pour y remédier, les Archives françaises du film du Centre national de la cinématographie (AFF-CNC) débloquent en 2006 un budget pour la restauration numérique de ce film méconnu de l’auteur de Freaks.Mais cette option est encore rarement envisagée par les AFF car, comme le précise Christian Comte, directeur du laboratoire des AFF, ‘ la restauration numérique sera de meilleure qualité et moins chère demain […] Nous ne l’utilisons pas aujourd’hui comme un outil de préservation du patrimoine, sauf pour environ 10 % des films qui sont très abîmés et impossibles à restaurer avec des outils traditionnels. ‘ Eh oui, une restauration numérique de qualité coûte encore très cher : 140 000 euros, par exemple, pour A l’assaut du boulevard, de John Ford. Résultat, ce sont souvent les ayants droit qui la prennent en charge, même si la restauration photochimique préliminaire a été réalisée par les AFF. L’enjeu est alors de permettre la diffusion du film dans de bonnes conditions, que ce soit à la télévision, en salle ou sur DVD.Le marché du DVD a généré de nouveaux besoins : restaurer vite et en définition standard (SD), avec un niveau de qualité qui coûte aujourd’hui de 8 000 à 12 000 euros.
De nouveaux impératifs
Pour une diffusion télé dans le nouveau standard haute définition (HD), une restauration plus sophistiquée est nécessaire, avec un budget compris entre 12 000 et 25 000 euros.Enfin, l’application des normes 2k, 4k, et 6k (qui définissent des critères de qualité pour la diffusion en numérique au cinéma) permettent de restituer numériquement l’image 35 mm sans aucune compression. Des formats privilégiés s’il s’agit d’une restauration à vocation patrimoniale, et qui majorent le budget de 30 000 à 40 000 euros. Chez Studiocanal, filiale du groupe Canal Plus, Béatrice Valbin est responsable d’un catalogue de près de 5 200 titres : ‘ Nous choisissons les films à restaurer en fonction de leur potentiel commercial, mais aussi de leur importance artistique et patrimoniale ‘, explique-t-elle. Ainsi L’Armée des ombres, un classique de Jean-Pierre Melville, a fait l’objet en 2004 d’une convention de restauration passée avec les AFF : ‘ Nous avons travaillé en collaboration avec Pierre Lhomme, le chef opérateur du film, explique Béatrice Valbin. L’objectif est de recréer en numérique les effets des techniques d’éclairage utilisées à l’époque, avant de procéder à un réétalonnage du film plan par plan. ‘En effet, la restauration d’un film tourné en noir et blanc peut modifier la valeur des gris au sein de l’image. ‘ A-t-on vraiment envie de voir un film des années trente qui ressemble à un film fait il y a dix ans ? ‘, se demande Frédéric Savioz, responsable des prestations techniques à la Cinémathèque française. ‘ Et après tout, préférer une image entièrement débarrassée de la moindre rayure, c’est aussi une affaire de goût ! ‘
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