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La banlieue terrestre sous haute surveillance

Pour traquer les satellites espions et prévenir toute collision entre satellites et débris spatiaux, la France dispose d’un outil de contrôle : le système Graves, alliant un radar et un supercalculateur.

La Terre tourne, mais pas toute seule. Elle est accompagnée dans sa rotation par un cortège d’objets hétéroclites. Depuis 2005, la France s’est dotée d’un système de surveillance de la zone située entre 400 et 1 000 kilomètres d’altitude, celle des orbites terrestres basses. Graves (Grand réseau adapté à la veille spatiale), c’est son nom, est en mesure de détecter tout nouvel objet orbital en moins de 24 heures, grâce à un supercalculateur et à un traitement logiciel des données classé ‘ secret défense ‘ (lire encadré). Développé par l’Onera (Office national d’études et de recherches aérospatiales) pour le compte de l’Armée de l’air, Graves représente un atout militaire tactique unique en Europe.Jusqu’alors, l’une des principales sources d’informations sur les satellites et les débris spatiaux était publiée par le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (Norad). Il s’agit d’un catalogue non exhaustif, présenté sur le site Space Track (www.space-track.org), où chaque objet en orbite est présenté sur deux lignes. Il en recense près de 12 000 d’une taille supérieure à 10 cm, situés en orbite basse ainsi qu’en orbite géostationnaire, à 36 000 kilomètres d’altitude. Parmi eux, seuls 800 correspondent à des satellites en activité. Les autres sont des débris spatiaux de plus en plus nombreux, hérités de cinquante ans de conquête spatiale, tels que des lanceurs de fusées, réservoirs, panneaux solaires ou satellites en fin de vie. Avec le système Graves, l’Armée de l’air française est désormais en mesure de vérifier et de compléter les informations dispensées par le Pentagone.Graves sert aussi à prévenir toute collision entre les débris et les quinze satellites du Cnes (Centre national d’études spatiales) placés sur les orbites basses. Le Centre opérationnel d’orbitographie (COO) du Cnes, à Toulouse, prend le relais. Il extrapole les trajectoires des objets orbitaux à partir des mesures de Graves et d’autres sources. ‘ En fonction de la distance de frôlement entre le satellite et le débris, le processus de gestion des risques de collision comporte quatre niveaux d’alerte, détaille Monique Moury, chef du service de mécanique spatiale opérationnelle dont dépend le COO. Un premier tri est réalisé de façon à identifier tout passage d’un débris à moins de 10 kilomètres d’un satellite français dans les sept jours à venir. ‘ Cette recherche est réalisée quotidiennement de façon automatisée par un logiciel, d’après les catalogues Space Track et Graves.

Classer le niveau de risque

A l’étape suivante, l’analyse devient manuelle : il s’agit de classer le niveau de risque en fonction de la dangerosité du rapprochement entre les deux objets. On évalue aussi la pertinence de la source des données : l’objet en cause est-il suivi de façon suffisamment régulière pour qu’on soit certain de sa trajectoire ? A ce stade, si le risque dépasse 0,1 %, le COO a besoin de mesures radar complémentaires sur le débris suspect. Contrairement au radar Graves, les radars habituels ne sont pas dédiés à la surveillance des orbites basses. Il faut donc en trouver un qui soit disponible au bon moment. Cela peut être le radar de la DGA (Direction générale de l’armement) embarqué sur le navire Le Monge basé à Brest, le radar Tira du FGAN (l’équivalent allemand du CNRS), ou encore le télescope Tarot, qui surveille les deux satellites géostationnaires de la France. S’ils confirment la trajectoire du débris dangereux, le COO déclenche un état d’alerte avérée, ce qui s’est produit à quatre reprises au cours du dernier semestre 2007. Il faut alors calculer une man?”uvre d’évitement, tout en restreignant au maximum la déformation de l’orbite initiale du satellite. En 2007, deux man?”uvres de ce type se sont finalement révélées nécessaires.Le système Graves surveille aussi la rentrée des satellites en fin de vie dans l’atmosphère. En cas de ‘ décrochage ‘ de l’un d’eux et de risque d’écrasement sur le sol terrestre, une opération de suivi, orchestrée par le COO, est déclenchée trois mois avant l’échéance prévue. Le COO intervient aussi en amont du lancement d’un satellite afin d’étudier la densité de débris dans la zone prévue pour son positionnement. A la vitesse de 10 kilomètres par seconde, même une minuscule bille d’aluminium d’un millimètre de diamètre peut causer des dommages irréparables sur un équipement satellitaire.

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Judith Bregman