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High-tech sous les mers

Plongée au c?”ur du système informatique du Rubis, sous-marin nucléaire d’attaque. Couplé au sonar, il permet au bâtiment de se diriger dans le dédale des profondeurs.

Le Vigilant, sous-marin nucléaire de nouvelle génération, entame sa première mission ces jours-ci. L’occasion rêvée pour Micro Hebdo de se glisser dans un sous-marin nucléaire français. Pas le Vigilant, ses technologies sont encore classées secret défense. Mais le Rubis, son petit frère, qui n’a pas à rougir de son informatique.Tapi des semaines dans les profondeurs des mers, respectant un silence monacal, le sous-marin nucléaire frappe par surprise, sans même faire surface. Pièce maîtresse de l’armée française, sa mission est de ‘ terroriser ‘ les navires ennemis, avec la menace permanente de ses torpilles et de ses missiles conventionnels. Pourtant, les sous-marins souffrent d’un handicap majeur : ils sont complètement aveugles. La faute au noir d’encre qui règne au fond des océans. Comment repérer les navires dans ces conditions ? Comment distinguer les ennemis des amis ? C’est le rôle du sonar : quand on est aveugle, on voit avec ses oreilles !

Aveugles mais pas sourds

Et justement, les oreilles high-tech des sous-marins font des miracles. Le calculateur du sonar reçoit les signaux sonores captés par deux antennes, une placée dans la coque, l’autre flottant dans le sillage du sous-marin, longue d’un kilomètre.Après traitement, l’ordinateur réalise une prouesse : il affiche le cap et la vitesse de tous les navires situés dans un angle de 360 degrés, dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres ! Mieux : le calculateur sonar peut reconnaître le type de navire (corvette, destroyer, etc.) et sa classe si le bâtiment est proche.Pour identifier le navire, le calculateur sonar épluche les fréquences sonores émises par celui-ci, grâce à plusieurs processeurs à 125 MHz qui animent un système Unix. Certes, ce calculateur n’est plus tout jeune, mais il permet de constituer une excellente ‘ image tactique ‘ de l’environnement du sous-marin, et de prendre la bonne décision au bon moment. A savoir, lancer une torpille, dans les cas extrêmes. Ou se faire discret en observant un silence total. Ou encore revenir à l’immersion périscopique pour observer un navire, puis éventuellement faire surface.

Un réseau de renseignement

Depuis quelques années, le sonar est épaulé par une forêt d’oreilles : celles des bâtiments de la marine nationale. Des navires de toutes tailles envoient au sous-marin la position des bâtiments qu’ils ont repérés. Les informations sont transmises par radio numérique en très basses fréquences ?” par conséquent très lentes ?”, capables de pénétrer dans l’eau jusqu’à 20 mètres de profondeur. A l’immersion périscopique, l’armée utilise une liaison satellite beaucoup plus rapide. Fin du fin : un écran LCD relié à un ordinateur rapide affiche la position des ennemis sur une carte du monde. Le commandant peut zoomer à volonté sur cette carte, devenue l’outil de référence pour ‘ entendre l’ennemi mieux qu’on est entendu, comprendre l’ennemi mieux qu’on est compris ‘. Cette débauche de technologie a permis au Rubis, le sous-marin que nous avons visité, de s’illustrer dans des conflits majeurs. La guerre du Golfe, mais aussi la Yougoslavie ?” le Rubis a interdit la sortie des navires serbes des bouches de Kotor ?” ou l’Afghanistan, où il a protégé la Task Force 473.Reste que les rochers, eux, à la différence des navires ennemis, ne font strictement aucun bruit. Le sonar ne les ‘ voit ‘ donc pas. Comment tracer sa route sans les heurter ? Impossible d’utiliser un sonar actif, comme le ferait une chauve-souris dans une caverne en projetant une onde qui se refléterait sous forme d’écho, avec laquelle on pourrait construire une image des reliefs marins. Exclu, car le sonar actif ferait immédiatement repérer le sous-marin. Impossible, encore, d’utiliser les signaux GPS émis par les satellites : les signaux de positionnement ne pénètrent pas dans l’eau. L’eau est une véritable boîte noire opaque à la quasi-totalité des ondes.Et pourtant, ils naviguent ! L’astuce ? Tous les mouvements du sous-marin sont enregistrés : accélérations, changements de cap ou de profondeur, rien n’échappe aux deux gyroscopes-accéléromètres reliés à un PC portable avec Windows 2000. Dès que le sous-marin plonge, ils prennent le relais du GPS. Grâce aux informations qu’ils fournissent, un calculateur évalue la position du sous-marin avec précision. Naviguer en aveugle devient possible : il suffit de se munir d’une carte des fonds marins, et de tracer une route sûre (cette carte des fonds marins sera informatisée courant 2006). Un système extrêmement fiable : il ne dévie qu’au bout de 48 heures. Une fois passé ce délai, on doit ‘ recalibrer ‘ les gyroscopes en entrant la position précise du sous-marin. Pour ce recalibrage, la marine nationale utilise deux méthodes ?” une par grande famille de sous-marins. Les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), comme le Rubis, sont conçus pour le combat : ils n’emportent pas de missiles nucléaires. Pour eux, une immersion périscopique n’est pas pénalisante : ils peuvent donc sortir un mât GPS à côté du périscope, et recalibrer leurs gyroscopes.Les sous-marins lanceurs d’engins (SNLE), comme le Vigilant, mastodontes de 127 mètres emportant 16 têtes nucléaires, ont pour vocation de rester cachés trois mois si nécessaire sans refaire surface. Comment font-ils pour recalibrer leurs gyroscopes ? La technologie est classifiée… impossible d’en savoir plus.Malgré cette abondance d’équipements sophistiqués, mener un sous-marin demeure une tâche délicate, à laquelle les sous-mariniers se préparent plusieurs mois. Une école forme les recrues à Toulon. L’ENSM ressemble plus au Futuroscope de Poitiers qu’à une université. On y trouve une douzaine de simulateurs, dont trois reproductions fidèles des parties les plus importantes du sous-marin. La console sécurité, montée sur vérins, bouge comme un sous-marin en mer. Le central opérations ressemble, trait pour trait, à celui du Rubis. Idem pour la chaufferie nucléaire.

Se préparer au pire

Ces simulateurs ont coûté cher. Surtout leur logiciel, véritable prouesse technologique. Chaque commande, chaque interrupteur est relié au simulateur, qui doit réagir exactement comme le ferait un sous-marin au fond des mers. Les ingénieurs de DCN et de Thalès ont travaillé dur : ils ont dû mesurer le comportement de chaque pièce du sous-marin et le modéliser informatiquement pour mettre au point ce fantastique outil pédagogique. Leur travail a payé : ce simulateur permet de mettre les sous-mariniers dans des situations catastrophiques. Grâce aux simulateurs, les sous-mariniers français sont préparés à tout, y compris à lancer plusieurs missiles nucléaires. Et même si, selon toute vraisemblance, ils ne le feront jamais, les autres nations savent qu’ils en sont capables. Et c’est ça qui compte

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Nicolas Six