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1. Le royaume du minuscule

Des processeurs plus petits qu’un grain de poussière, assemblés par des bactéries : c’est sous le microscope que se découvre l’avenir des technologies. Dans un autre monde, celui de l’infiniment petit.

Des tubes de carbone cent fois plus fins qu’un cheveu

Près de 105 centimètres de diagonale pour seulement 20 millimètres d’épaisseur. Ce sont les dimensions de l’écran du futur, le Ned (Nano emissive display) de Motorola. Son secret : il est composé de
millions de tubes microscopiques, des nanotubes de carbone. Mesurant un nanomètre (un milliardième de mètre, soit un millionième de millimètre) de diamètre, ces tubes sont formés d’atomes de carbone et répartis sur une plaque de verre. Lorsqu’ils
sont chargés négativement, ils émettent des électrons qui ‘ allument ‘ des éléments phosphorescents placés sur une seconde plaque de verre. Un principe similaire à celui d’un tube cathodique, mais à une
échelle infiniment plus petite. L’intérêt principal : l’écran est très fin et affiche des images en très haute définition. Les nanotubes constituent aujourd’hui l’une des voies de recherche les plus intéressantes des nanotechnologies, les
technologies qui visent à travailler à l’échelle du nanomètre et qui consistent en un assemblage de briques élémentaires (des atomes, des molécules) pour former ?” entre autres ?” des circuits électroniques. Les chercheurs envisagent de
‘ fabriquer ‘ de nombreux composants à l’aide de nanotubes. Des mémoires par exemple, comme la NRam (NanoRam) de la société Nantero. Dans ce cas, les nanotubes sont placés à quelques nanomètres
au-dessus d’une électrode. Si aucune tension n’est appliquée à l’électrode, les nanotubes conservent leur position d’origine et indiquent un 0. Lorsqu’une faible tension parcourt l’électrode, les nanotubes s’affaissent, touchent cette dernière et
ferment le circuit électrique, symbolisant le 1. Avantage : les nanotubes restent en contact avec l’électrode, même si la tension devient nulle, ce qui permet de conserver des informations en mémoire sans alimentation électrique (comme les
plateaux magnétiques d’un disque dur). La capacité de cette mémoire hors du commun ? Aujourd’hui des dizaines de mégaoctets sur une surface d’un centimètre carré. Demain, des centaines de gigaoctects. Matériau universel, les nanotubes
pourraient même remplacer les transistors qui constituent aujourd’hui la base des circuits intégrés. Des chercheurs de l’université de Californie ont conçu des nanotubes un peu particuliers en ajoutant des particules de titane et de fer aux atomes
de carbone. Ils ont ainsi créé un nanotube ayant la forme d’un Y, avec deux branches à son extrémité, les particules de fer et de titane étant situées à l’embranchement. En appliquant une tension électrique à la base du Y, ils ont découvert qu’ils
pouvaient maîtriser précisément le flot des électrons dans les deux branches. C’est le principe même du transistor qui contrôle un courant appliqué sur une électrode d’entrée et le redistribue sur une électrode de sortie. Alors que les transistors
actuels sont gravés avec une finesse d’une centaine de nanomètres en moyenne, les nanotubes en forme de Y mesurent seulement une dizaine de nanomètres. On peut donc en mettre plus sur une même surface.

Plus de 5 téraoctets sur un timbre-poste

Les nanotubes ont la côte mais ils sont loin de constituer l’unique voie de recherche des labos. Dans leur quête de la réduction, les chercheurs s’intéressent à tous les matériaux. Des aimants miniatures par exemple. Hitachi a
ainsi conçu un émetteur radio de la taille d’un grain de poussière. Pour cela, deux aimants de 40 nanomètres de diamètre ont été placés à 500 nanomètres de distance. Excités à une fréquence identique, ils se sont mis à osciller de manière
parfaitement synchronisée, produisant un signal de type micro-onde. En travaillant à l’échelle nanoscopique, de nombreux problèmes physiques peuvent être résolus. Ainsi, les disques durs actuels sauvegardent les informations sur des particules
magnétiques qui doivent être suffisamment espacées pour ne pas interférer entre elles. Un sérieux frein à la miniaturisation. Les labos de l’université de Caroline du Nord ont trouvé une solution. Des
‘ nanobilles ‘ de nickel, mesurant quelque 5 nanomètres de diamètre et composée de plusieurs centaines d’atomes. Chaque bille peut être placée dans deux états magnétiques différents, symbolisant le 0 et
le 1, sans interférer avec les billes voisines. De quoi stocker jusqu’à 5 téraoctets sur une surface équivalant à celle d’un timbre-poste !

Les bactéries entrent en action

Escherichia coli n’est pas un groupe de rock mondialement connu mais c’est une star. Une bactérie star. Plus familièrement appelée E. coli, cette bactérie est un germe habituel de la flore intestinale. Mais c’est aussi un
nouveau matériau pour les scientifiques. Après quelques manipulations génétiques effectuées à l’université de Californie, E. coli a reçu des gènes provenant d’une algue plutôt quelconque. L’un de ces gènes code une protéine qui réagit à la lumière
rouge et provoque l’émission d’un colorant noir. L’intérêt ? Créer une plaque photosensible contenant des milliards de bactéries. En exposant certaines bactéries à la lumière rouge, on arrive à dessiner un motif noir sur la plaque, qui fait
alors office de film photographique. E. coli étant de petite taille (2 à 3 micro-mètres), la précision est très importante : on atteint 100 mégapixels par pouce carré, soit environ 16 mégapixels par centimètre carré. C’est autant qu’un capteur
d’appareil photo de type reflex ?” généralement, ces capteurs affichent une définition de 8 mégapixels pour 0,5 centimètre carré. De leur côté, les chercheurs de l’université du Wisconsin ont appliqué une légère tension électrique à des
bactéries qui, polarisées, se sont fixées à deux électrodes, créant ainsi un pont électrique reconfigurable. Et les chercheurs les plus fous imaginent même transformer ces bactéries en ‘ nano-usines ‘.
Le principe : leur faire produire des polymères, des substances organiques composées de macromolécules. Les bactéries pourraient alors déposer les polymères à des endroits spécifiques et composer des circuits électriques ou concevoir des pièces
complexes à fabriquer autrement.

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Alain Steinmann