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Une monnaie pour les NTIC

L’économie américaine connaît une sous-épargne structurelle à laquelle elle supplée par un crédit surabondant, intérieur et extérieur, dont le risque le plus évident est le retour de l’inflation.

La reprise américaine est l’événement économique de ces dernières semaines : le PIB des États-Unis, qui en un an a augmenté de 0,5 %, croît désormais selon un rythme annuel de 1,7 %. Cette reprise a sur l’environnement économique américain un impact déjà observé par le passé : la différence entre les taux courts, fixés par la Réserve fédérale, et les taux longs, qui dépendent de la situation relative de l’épargne et de l’investissement, tend à s’accroître (le taux court est de 1,7 %, les taux longs sont remontés jusqu’à 5,2 %) ; en outre, le déficit des paiements courants se creuse et l’on prévoit qu’il dépassera cette année les 4 % du PIB.

Un dollar surévalué

Ces deux indicateurs traduisent une sous-épargne structurelle de l’économie américaine, à laquelle elle supplée par un crédit surabondant, tant intérieur qu’extérieur, dont le risque le plus évident est un retour de l’inflation. Dans tout autre pays que les États-Unis, cette situation appellerait un rétablissement de la situation d’épargne par une politique d’austérité associée à une dévaluation. Mais l’acceptation sans limites de dollars par les fournisseurs des États-Unis a permis jusqu’à présent au billet vert de se maintenir par rapport aux autres devises. En pratique, l’économie américaine se caractérise par une surévaluation de sa monnaie, dont le but est de contenir l’inflation potentielle due à l’explosion de crédits, dont elle a besoin pour faire face à sa quasi-absence d’épargne. Or, cette surévaluation commence à lui poser des problèmes.Alors qu’à la conférence de l’OMC à Doha à l’automne dernier, les Américains ont multiplié les attaques contre le protectionnisme agricole, le Congrès vient d’adopter un plan décennal de subventions à l’agriculture de 175 milliards de dollars (190,8 milliards d’euros). Ce plan fait suite à la loi Freedom for Agriculture qui, il y a dix ans, se proposait de supprimer tout concours public à l’agriculture américaine. De même, confrontée à la baisse de sa compétitivité, la sidérurgie américaine a obtenu la création d’un droit de douane exceptionnel pour l’isoler de l’acier étranger. Enfin, le plan de relance par augmentation des dépenses publiques décidé après les attentats du 11 septembre s’est focalisé sur la production d’armement, présentée comme devant être surtout nationale pour des raisons évidentes de sécurité.

Réduire la consommation

Pour les États-Unis, l’enjeu est clair : maintenir une monnaie forte pour attirer l’épargne mondiale et sacrifier le tissu économique ancien dans une accélération vers une économie de plus en plus spécialisée vers les NTIC, en espérant qu’à terme cette spécialisation débouchera sur une amélioration des termes de l’échange et donc sur l’équilibre commercial ; ou bien maintenir une production diversifiée assise sur des investissements matériels significatifs et donc sur une augmentation de l’épargne. Adopter cette seconde option serait avant tout politique : il s’agirait, pour cette économie-monde que constituent les États-Unis, de ne pas abandonner des productions traditionnelles de peur d’y perdre une partie de son indépendance.Mais cela suppose de cesser de vivre sur le déficit extérieur et d’accepter de réduire la consommation et le pouvoir d’achat des ménages par la baisse du dollar. Les décisions récentes à connotation protectionniste de l’administration Bush montrent qu’elle considère la fuite en avant vers la désindustrialisation et l’endettement insupportable à moyen-long terme. Il est donc probable qu’elle va chercher à faire baisser le dollar, stratégie d’autant plus réalisable que l’Europe a de son côté plutôt besoin d’une hausse de l’euro. En effet, alors que le taux d’inflation s’y maintient à plus de 2 %, la politique monétaire pourrait difficilement s’y durcir, si bien qu’elle a intérêt à voir baisser les prix de ses importations grâce à une remontée de l’euro.* Professeur à lESCP-EAP

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Jean-Marc Daniel*