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UMTS : le poids de l’incertitude technologique

Tout, dans l’histoire économique des pays industrialisés, n’a été que rupture, accélération, émergence brutale de nouvelles technologies, d’innovations, et surtout de nouveaux usages de ces technologies…

Tout, dans l’histoire économique des pays industrialisés, n’a été que rupture, accélération, émergence brutale de nouvelles technologies, d’innovations, et surtout de nouveaux usages de ces technologies émergentes. Après, la diffusion s’est souvent faite sur des rythmes plus lents, mais il demeure l’essentiel : l’innovation apparaît lorsqu’elle trouve son marché, et son usage correspond invariablement aux tendances lourdes de la société au moment où elle est introduite.Bien sûr, les usages réels sont souvent bien malicieux et ne correspondent guère à ce qui était attendu : tout le monde se souvient que le téléphone devait principalement servir, dans l’esprit de ses inventeurs, à diffuser la musique d’opéra. Mais, surtout, les grandes ruptures technologiques s’ordonnent autour de quelques innovations, qui sont révolutionnaires en termes de production et dans la consommation qui en est faite. Le téléphone de troisième génération en est-il une ? Il serait bien présomptueux d’affirmer que ce nouveau téléphone résume toutes les aspirations de ce début de XXIe siècle, mais il y a une forte probabilité qu’il soit quand même au c?”ur des toutes nouvelles formes de consommation. C’est d’ailleurs vraisemblablement la raison des difficultés de mise en ?”uvre de l’UMTS car, comme toute innovation majeure, il représente un enjeu bien plus fort que ce que l’on imagine au départ. C’est là où le bât blesse. Certes, on a beaucoup disserté sur le prix des licences et sur la difficulté à rentabiliser ces investissements. Mais le principal obstacle est aujourd’hui l’incertitude technologique qui entoure le déploiement de ces nouveaux réseaux. En réalité, le doute n’est plus dans les normes ni dans les instances de normalisation. L’Union internationale des télécommunications a bien fait son travail et, même si la position des États-Unis n’est pas totalement claire, il y a un véritable plan d’utilisation des fréquences.Là n’est pas la difficulté. Il y a en fait des incertitudes sur la capacité des constructeurs à fabriquer les produits et des opérateurs à assurer un haut débit. En effet, ces derniers sont entièrement focalisés sur la norme intermédiaire, le GPRS. De fait, les équipementiers leur ont emboîté le pas et déploient leurs meilleures équipes sur le GPRS.

Les opérateurs privilégient le GPRS

On sait aujourd’hui que les débits fournis par les opérateurs dépendent fondamentalement du nombre de personnes utilisant l’UMTS dans une cellule de transmission. Ils dépendent donc de la densité de ces cellules. Il faudrait, pour pouvoir assurer un haut débit à grande échelle, multiplier de manière très importante le nombre de cellules. Or ceci n’est pas évident dans les plans des opérateurs. En un mot, on a le sentiment que tout le long de la chaîne de l’UMTS, il n’y a de véritable certitude de mise en ?”uvre que dans deux ou trois ans. Est-ce là la raison du report japonais de quelques mois ? Ne relève-t-on pas, dans le discours de nos opérateurs nationaux, une intention de se centrer de plus en plus sur le GPRS, dont on sait qu’il peut au minimum multiplier par cinq les débits fournis à l’usager. Faut-il rappeler, qu’en dépit de cela, chaque opérateur, chaque équipementier, n’a eu de cesse de repousser la date d’ouverture de ses services créant ainsi le trouble et la confusion ?Or, le danger ne concerne pas uniquement ces acteurs du monde des télécommunications. Il pourrait résider dans les déséquilibres entraînés sur les marchés financiers par une chute de la valeur boursière des grands opérateurs et/ou des grands équipementiers de téléphonie. Tout cela n’aurait rien de grave si l’on acceptait sereinement le principe d’une certaine incertitude technologique.Il faut donc rétablir un calendrier de bon sens qui prenne en compte la réalité de l’offre technologique, tant pour les réseaux que pour les terminaux. Un nouvel agenda qui devrait alors conduire à la remise à plat des procédures d’attribution de licences, dont on voit bien qu’elles ont été faites à partir d’une estimation inexacte des délais de mise en ?”uvre de ces services.
*professeur à luniversité Paris-Dauphine

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Jean-Hervé Lorenzi*