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Sony condamné pour avoir lié ses fichiers musicaux à son baladeur

Le fabricant doit verser 10 000 euros à l’UFC-Que Choisir pour défaut d’information sur les limites d’utilisation de ses produits.

La loi droit d’auteur et droits voisins (DADVSI) votée l’an dernier a fait beaucoup parler d’elle, mais on ne l’avait pas encore vue en action depuis son entrée en vigueur début août 2006.Pour la première fois, elle a servi en partie de référence dans un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre, le 15 décembre dernier, condamnant Sony Royaume-Uni et Sony France à verser 10 000 euros de
dommages et intérêts ainsi que 3 000 euros de frais de procédure à l’UFC-Que Choisir.L’affaire remonte cependant à février 2005, avant la loi sur le droit d’auteur. L’association engageait une action en justice contre Sony sur une base de droit de la consommation pour tromperie et vente liée. L’association de
défense des consommateurs reproche à Sony de n’avertir nulle part les utilisateurs que son baladeur numérique NW HD1 ne peut lire que des fichiers musicaux achetés sur Sony Connect.L’UFC-Que Choisir s’en prend aussi aux mesures techniques de protection (les DRM) associées au format des fichiers vendus sur le site de téléchargement du constructeur. Ce dispositif empêche le transfert et la lecture sur d’autres
baladeurs. Ce qu’on appelle l’interopérabilité. Apple est dans le même cas de figure avec son baladeur, l’iPod, et sa boutique en ligne iTunes Music Store.L’association demandait 30 000 euros de dommages et intérêts, la publication d’un communiqué judiciaire sur la page d’accueil du site Internet de Sony France, ainsi que la mention des restrictions d’utilisation sur les
emballages du NW HD1 et sur Sony Connect. Elle demandait aussi que cesse l’utilisation des ‘ mesures techniques de protection incompatibles avec les baladeurs numériques autres que ceux de la marque
Sony ‘.

Les DRM légitimées

Le tribunal a donné raison à l’UFC-Que Choisir sur presque tout (avec des dommages et intérêts revus à la baisse) et précise même que la mention informative sur les emballages des baladeurs ‘ concerne non plus le
[…] NW HD1 mais ceux qui sont commercialisés aujourd’hui et dont il n’est pas discuté qu’ils sont affectés des mêmes défauts, à savoir les baladeurs numériques de la gamme Net WM ‘.Mais il déboute l’UFC-Que Choisir de sa demande de suppression des DRM. ‘ L’autorité judiciaire n’ayant pas à se faire juge de la licéité de mesures de cette nature et ce d’autant que rien n’interdit de
commercialiser un produit ou une prestation de service avec une mesure technique de protection à condition que le consommateur acheteur en soit clairement et loyalement prévenu ‘,
dit le jugement.C’est la loi DADVSI, citée par le tribunal, qui légitime en effet l’usage des DRM. Ce qui fait dire à l’UFC-Que Choisir que ces conclusions reflètent bien les incohérences de la loi. ‘ On voit qu’on peut
sanctionner des entreprises pour vente liée alors même que les mesures techniques de protection sont autorisées ‘,
déplore Sandra Woëlhing, juriste à l’association. En tout cas, une autre action a été lancée par
l’UFC-Que Choisir sur les mêmes bases juridiques et pour les mêmes raisons contre Apple, qui lie son iPod aux téléchargements sur iTunes Music Store. La procédure est toujours en cours.Juriste spécialisé en e-commerce, Benoît Tabaka tire cependant plusieurs enseignements de ce jugement. D’abord, qu’il va ‘ imposer aux divers éditeurs de plates-formes payantes et aux fabricants de lecteurs
multimédias d’améliorer la lisibilité de l’information des consommateurs sur la compatibilité des fichiers et des lecteurs ‘.
Une obligation qui va aussi concerner, par ricochet, tous les distributeurs de baladeurs
numériques, magasins physiques, e-marchands et vendeurs par correspondance.Le juriste envisage aussi deux attitudes à venir du côté des plates-formes de téléchargement : ‘ soit commercialiser des fichiers dans un format compatible avec d’autres lecteurs, soit suivre les dispositions
de la loi DADVSI, qui imposent aux personnes ayant recours à des mesures techniques de protection de donner accès aux informations essentielles à l’interopérabilité permettant ainsi aux fabricants de lecteurs de les rendre compatibles avec les
divers fichiers musicaux. ‘
Il reste que cette même loi a prévu une Autorité de régulations des mesures techniques de protection censée, justement, arbitrer et trancher ce genre de problème, confrontant droit des ayants droit et droit des consommateurs. Six mois
après la promulgation de la loi,
les décrets d’application se font toujours attendre.

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Arnaud Devillard