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Sacre du romantisme

Après “Figures de la passion”, la Cité de la musique nous convie à un nouveau dialogue entre musique et peinture sur le thème, cette fois, de…

Après “Figures de la passion”, la Cité de la musique nous convie à un nouveau dialogue entre musique et peinture sur le thème, cette fois, de “L’Invention du sentiment”. Casque aux oreilles, on écoute des compositions de 1760 à 1830, en contemplant l’art graphique de cette période qui voit le romantisme l’emporter sur le néoclassicisme.La passion, tornade aussi magique que rigoureusement étudiée dans ses mécanismes par les cartésiens du Grand Siècle, cède la place au sentiment, plus subtil, expression d’une vérité intérieure universellement partagée, mais toujours individuellement vécue. C’est la volonté d’incarner au plus près cette intériorité qui placera, au début du XIXe siècle, la musique au rang des arts majeurs, elle qui fut longtemps considérée, au mieux comme un “art de commande”, au pire comme un divertissement populaire.La musique retrouve sa liberté et sa force de frappe intime. Quoi de plus poignant que le timbre explosif de la “Symphonie fantastique” de Berlioz, à écouter sur le site de l’exposition (
www.cite-musique.fr
, cliquez sur “L’invention du sentiment”, puis allez en page 4), l’?”il capté par le bestiaire fantastique de “La Nuit de Walpurgis” par Van Cornelius ? Quoi de plus vibrant que l’opus n?’ 9 de Chopin, en harmonie avec les bleus profonds du “Sapho à Leucate” d’Antoine-Jean Gros, comme avec le très romantique “La mort de Hyacinthe”, de Jean Broc (page d’accueil et page 1 du site) ?Comme pour “Figures de la passion”, les tableaux en ligne sont ceux de l’exposition réelle, mais les musiques sont différentes, faute, expliquent les organisateurs, d’avoir pu obtenir les droits d’auteur pour le web. Quelques morceaux diffusés à La Villette sont pourtant en écoute sur le net, telle la célébrissime ” Symphonie Pastorale ” de Beethoven (extrait sur
http://opus100.free.fr/fr/Beethov.html
), dont ce dernier disait qu’elle devait être ” plutôt expression de sensation que peinture “.C’en est fini de l’art imitatif : l’âme doit traverser l’instrument comme la toile. Berlioz (biographie et extraits sur
www.France.diplomatie.fr/culture/france/musique/composit/berlioz.html
) joue ainsi de l’alternance de rythmiques en accelerando puis en rallentendo pour traduire intimement les derniers battements de c?”ur de Cléopâtre dans le code finale de “La Mort de Cléopâtre”, tandis que Delacroix, dans sa lithographie “Marguerite à l’Église” rend, par un trait épais et rapide, Méphisto plus terrifiant que jamais. Musique, littérature, peinture se mêlent et s’influencent fortement au XIXe siècle. Les peintres réalisent des décors pour les opéras, illustrent les grands textes romantiques (Faust en particulier), et peignent les virtuoses de la musique (voir le “Buste de Niccolo Paganini” par David d’Angers sur
www.cite-musique.fr
). Les musiciens passent au crible romantique le corpus musical traditionnel. Le thème classique de l’orage est revisité par Beethoven dans sa “Pastorale” : c’est le désarroi humain face au chaos des éléments qu’il fait entendre plutôt que la violence des cieux. Emotions débridées ! Sentiments exaltés !L’art, aidé (inspiré ?) par la Révolution, la fougue napoléonienne et l’effacement du sentiment religieux, laisse s’exprimer les débordements du moi et les passions laïques : début de la modernité…“L’invention du sentiment “, jusqu’au 30 juin, Cité de la musique, 01 44 84 44 84.

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Sophie Janvier-Godat